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Common Law Livre 1

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INTRODUCTION AU DROIT ET AUX INSTITUTIONS ANGLO-­‐AMERICAINS

1-­‐ Les systèmes anglais et américain de droit (systèmes de Common Law) visent aux mêmes buts que les droits de la famille civiliste ou romaniste (droits français, italien, espagnol, allemand, etc ...): résoudre les conflits et participer à l’établissement de la paix sociale, en régissant les rapports sociaux conformément à la règle de droit. Dans les deux systèmes, une règle impérieuse, la règle de droit (“rule of law”), s’impose à tous : le droit, c’est une règle imposée, même si le contenu et la nature de la règle ne sont pas les mêmes suivant ces systèmes. La primauté du droit constitue un principe fondamental commun aux deux familles de systèmes. 2 -­‐ Les droits de common law se caractérisent par l’importance donnée à la procédure et aux techniques d’administration de la preuve. Du fait que le procès est la chose des parties, et donc de leurs avocats (procédure contradictoire), le procès et les débats écrits et oraux dans le procès deviennent techniques au point qu’aux Etats Unis, la technique du procès (“trial advocacy”) fait l’objet, dans les universités américaines d’ouvrages, de cours spéciaux et de procès simulés.

Déroulement relativement spectaculaire des audiences, caractéristique de la nature accusatoire de la procédure: interrogatoires et contre-­‐interrogatoires (“examinations” and “cross examinations” ) par les avocats, mise sur un pied d’égalité entre le procureur, “avocat” du district, et l’avocat de la défense 1, rôle d’“arbitre” du juge chargé de contrôler la régularité du débat entre les parties. 3 -­‐ L’importance du droit de la preuve (“evidence”) constitue un exemple du rôle éminent de la procédure dans le procès anglo-­‐américain: cours spéciaux ouvrages spécialisés.

Importance de l’admissibilité des moyens de preuve, des “objections” des avocats pour, notamment, faire annuler des questions posées suivant des modes non admissibles en preuve, conférences entre avocats et juge sur l’admissibilité de certains moyens de preuve, requêtes (“motions” ) pour faire admettre ou rejeter tel ou tel document mode de preuve3 ou tel document obtenu dans des conditions juridiquement discutables. Rôle central de la preuve illustré par l’importance de la “discovery”, ensemble de procédures tendant à obtenir la communication extensive -­‐et parfois très coûteuse-­‐ de pièces et documents en possession des parties ou de tiers,...ou l’“audition” des parties ou de tiers en présence d’un “clerk” (greffier) du Tribunal, chargé d’enregistrer intégralement les questions des conseils et les réponses des personnes auditionnées, etc.... En résumé, en première approximation, les systèmes de common law sont caractéristiques d’une organisation du droit autour des règles de procédure, (adage du droit anglais:“remedies precede rights ” (“les actions” -­‐ ou voies de procédure -­‐ “précèdent”, c’est à dire “priment”, les droits (substantiels)”.) 4 -­‐ Les droits de common law se caractérisent aussi par le rôle considérable et essentiel du juge dans le contrôle du respect de la procédure et dans l’édiction des règles de droit, dont il devient, dans ce système, l’interprète mais aussi le créateur, à côté du législateur. Rôle essentiel du précédent judiciaire obligatoire, clé de voûte du système, qui se réfère aux solutions intervenues dans des procès antérieurs où les faits étaient identiques ou très proches: précédent judiciaire comme source du droit.

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5 -­‐ Aussi caractéristique des systèmes de common law, le fait que les procès sont tous soumis au même système juridictionnel: relèvent du juge de droit commun les procès civils au sens large, et pénaux mais aussi les procès que nous qualifierions de procès de droit administratif (i.e mettant en cause la puissance publique, le service public etc..., qui en France, relèvent des juridictions administratives avec comme juridiction suprême le Conseil d’Etat). 6 -­‐ A l’opposé du caractère profondément procédural des droits de common law, nos droits romanistes ou civilistes insistent d’abord sur les règles de fond, c’est-­‐à-­‐dire sur les solutions données par la loi aux questions posées, et moins, ou seulement en second lieu, sur les règles de procédure destinées à résoudre les litiges et à prouver la réalité des prétentions. Nos droits civilistes considèrent comme sources du droit les sources écrites (lois parlementaires et textes de nature réglementaire, à savoir décrets et arrêtés émanant du pouvoir exécutif et de son administration) et considèrent que le juge civiliste n’est que l’interprète de la loi (écrite), dont il n’est pas l’auteur. 7 -­‐ S’agissant, d’autre part, du contenu des règles de droit, les droits de common law se composent d’un double corps de règles qui en fait des systèmes à structure dualiste. Ces droits se composent d’abord des règles de la Common law proprement dite, corps de règles immémoriales, dégagées par le juge et érigées en un système complexe de droit substantiel et de procédure. Ces règles, qui constituent la part la plus importante du corpus sont ensuite complétées par un second corps de règles juridiques, l’Equity, système né d’un recours initial au roi, source de toute justice, puis au Chancelier, représentant l’autorité royale, face à la sclérose de la common law et à ses voies de droit limitées (v.infra)

L’Equity n’est pas l’équité et constitue aujourd’hui un système juridique -­‐ et technique -­‐ propre, aux côtés de la common law, obéissant lui-­‐même aux règles sur l’autorité du précédent judiciaire. Ces deux systèmes furent importés dès le 17ème siècle en Amérique, où ils continuent de coexister, au sein du Droit américain, lequel a connu une évolution propre qui le distingue de celle du Droit anglais, malgré une évidente communauté d’esprit. 8 -­‐ Nuancer les points communs des systèmes anglais et américain4, même si tous deux, avec d’autres d’ailleurs, se réclament de la Common Law. Leurs évolutions historiques, économiques, juridiques et sociales ne sont pas les mêmes, et les solutions qu’ils ont apportées aux conflits et problèmes posés ne peuvent être retenues pour dégager les caractéristiques communes de ces droits, même considérés, à raison, comme des droits de common law. C’est donc par rapport à la conception générale du droit et des modes généraux de fonctionnement des systèmes de common law qu’il convient de faire la comparaison avec les droits civilistes, et que se trouve le point commun entre les droits anglais et américain. 9 -­‐ Par ailleurs, et s’agissant tout au moins des Etats-­‐Unis, importance qu’y prend le droit dans la vie sociale, extrêmement sinon excessivement “judiciarisée”;

10 -­‐ Mais d’autre part, tout comme les droits civilistes, les droits anglais et américain connaissent le développement de la loi parlementaire (au sens large, “statute law”) et du droit d’origine règlementaire avec cette précision qu’aux Etats Unis, Etat fédéral, coexistent un droit fédéral et des droits d’Etats, ainsi que les institutions binaires, classiques des Etats fédéraux : pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire d’Etats, à côté du pouvoir fédéral représenté dans chaque Etat par les organes fédéraux (exécutif et judiciaire) et pouvoir législatif fédéral constitué par le Congrès fédéral (Chambre des Représentants et Sénat) à Washington. 11 -­‐ Enfin, le droit du Royaume-­‐Uni est également soumis au droit européen, qui applique au Royaume-­‐Uni tant le droit issu des règlements et directives communautaires que celui découlant de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes

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LIVRE I LE SYSTEME LEGAL TITRE I LA COMMON LAW COMME SYSTEME DE DROIT

Soumission de tous à la règle de droit, mise en œuvre par une justice indépendante.

CHAPITRE I LA RÈGLE DE DROIT ET LA “LEGAL RULE “

Les systèmes civilistes (ou romano-­‐germaniques) de droit se caractérisent par leur conception de la règle de droit conçue comme une norme générale et abstraite émanant du législateur (au sens large, non limité au pouvoir législatif) et sanctionnée par l’autorité de l’Etat. La “legal rule” est aussi une norme, mais elle diffère par sa source et par ses modalités de mise en oeuvre dans la mesure où elle repose traditionnellement sur le pouvoir judiciaire.

SOUS-­‐CHAPITRE I LA RÈGLE DE DROIT EN SYSTÈMES CIVILISTES OU ROMANO-­‐GERMANIQUES

Cette règle est préétablie par le législateur civiliste, qui l’énonce dans un texte écrit prévoyant une norme générale et abstraite réglant à l’avance tous les litiges.

SECTION I -­‐ UNE REGLE PRÉÉTABLIE, ABSTRAITE ET GÉNÉRALE : DES SYSTÈMES FERMÉS DE DROIT

Hormis la coutume et les usages, les règles de droit civilistes sont des normes de droit susbtantiel, fixant le contenu des droits et devoirs et déterminant à l’avance, d’une façon générale et abstraite, les solutions applicables en cas de litiges dans les divers domaines du droit.

Les droits civilistes apparaissent donc comme des systèmes où sont données d’avance, et le plus souvent sans référence à des situations concrètes, les réponses à tous litiges possibles, du moins en théorie.

§1 -­‐ GENERALITE ET ABSTRACTION DE LA NORME

A -­‐ La solution prédéterminée de tous litiges n’est possible qu’en raison du caractère général et abstrait de la norme, détachée de toutes circonstances de fait concrètes, qui permet son application à de multiples cas d’espèce que la règle ne peut évidemment tous imaginer et prévoir. La règle de droit civiliste est formulée in abstracto.

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Fiction qu’en théorie la loi a tout prévu: on parle alors de systèmes fermés de droit

B-­‐LA REGLE DE DROIT EMANE DE L’AUTORITE CONSTITUTIONNELLE

La loi, au sens large, est entendue comme la règle de droit émanant de l’autorité institutionnelle et émise dans la forme constitutionnellement prévue. La loi prendra la forme de

-­‐ la Constitution, puis

-­‐ des traités internationaux, puis de

-­‐ la loi parlementaire et enfin

-­‐du règlement, autonome ou d’application, en un mot de l’acte administratif sous toutes ses formes, décret et arrêtés divers, pour citer les catégories du droit français.

§ 2 -­‐ REJET DE LA CASUISTIQUE DE LA COMMON LAW

La règle générale et abstraite pré-­‐établie, c’est le rejet de la méthode du cas par cas judiciaire.

La règle de droit des systèmes civilistes, codifiée ou non, ne peut consister en une énumération exhaustive de toutes les situations litigieuses imaginables : la solution d’un litige existe toujours en théorie, grâce au caractère général et abstrait de la norme, sans qu’il y ait à rechercher une décision de justice ayant fait application de la règle dans la situation donnée.

SECTION II -­‐ “OUVERTURE” DES SYSTEMES CIVILISTES

Ces droits “fermés” par des solutions générales préétablies connaissent aussi des ouvertures potentielles.

§1 -­‐ UNE GÉNÉRALITÉ “SITUÉE”PAR REFERENCE AUX FAITS

Malgré sa généralité, la règle de droit en systèmes civilistes ou romano-­‐germaniques vise une situation donnée...mais conçue abstraitement: le rattachement aux faits concrets sera donc possible mais à partir d’un point de départ général.

Le texte s’appliquera à des situations concrètes...abstraitement définies. Il y a donc déjà matière à une certaine inventivité de la part du juge, qui permet déjà d’écarter le carcan des systèmes de droit, théoriquement fermés, que sont les systèmes civilistes.

§ -­‐ 2 -­‐ LE RECOURS AUX PRINCIPES GÉNERAUX DU DROIT

Le juge se trouve parfois confronté à l’obscurité, à l’ambigüité ou au silence de la loi, silence pourtant impossible en théorie... d’où le recours aux principes généraux du droit, c’est à dire à un fonds de normes générales, pour dégager une solution non expressément affirmée dans la loi. Ces principes donnent au juge une latitude d’appréciation.

SOUS-­‐CHAPITRE II LA RÈGLE DE DROIT OU “RULE OF LAW” EN SYSTÈMES DE COMMON LAW

Traduire “rule of law” par “règle de droit” constituerait une insuffisante approximation.

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Cette expression, riche de sens, traduit en réalité à la fois un concept de nature constitutionnelle, celui de suprématie du droit, en même temps qu’une signification plus étroite, celle de règle dégagée dans un procès spécifique auquel elle donne sa solution et qui, par la force du précédent, s’imposera dans les cas similaires.

SECTION I -­‐ LA RULE OF LAW §-­‐1 -­‐ LE CONCEPT DE “RULE OF LAW”

A -­‐ LA PRIMAUTE DU DROIT

a) La notion de “rule of law” touche au coeur même d’une civilisation du droit, précisément celle de la “rule of law” ou de la primauté du droit”, fondée sur la fonction juridictionnelle et donc sur le juge. Naissance formelle rattachée à la Grande Charte (ou Magna Carta) de 1215. Développement des juridictions royales fondé sur le principe de la primauté de la loi, de la legal rule, pensée comme le fondement de la justice en général mais aussi comme le moyen de limiter le pouvoir du politique. *La rule of law constitue donc un véritable principe constitutionnel.

b) Relèveront d’elle, notamment,

-­‐ le contrôle de constitutionnalité des lois (pour les pays à constitution écrite), -­‐ le principe de non rétroactivité de la loi, -­‐ le caractère certain et général de la loi, -­‐ l’égalité devant la loi, -­‐ et les principes énoncés par les grandes constitutions, tels que ceux figurant au Bill of Rights de la Constitution américaine. Plus généralement, ces principes de la common law sont applicables même dans des Etats sans constitution écrite, comme le Royaume Uni, Israël, la Nouvelle Zélande, l’Australie, etc... Dans ces pays, malgré leur souveraineté, les Parlements ne s’estiment pas autorisés à porter atteinte aux libertés et principes fondamentaux de la common law, estimés “hors de portée du législateur”.

B -­‐ LA RULE OF LAW SUBSTANTIELLE ET PROCEDURALE

La rule of law recouvre les principes tant de droit substantiel que de procédure.

Les “solutions” que le système juridique donne au litige, relèvent bien évidemment de la legal rule, dégagée dans des “précédents” déjà jugés dans des espèces identiques.

S’imposeront également au juge les règles de droit décidées par le législateur dans des lois ou “Acts” du Parlement ou issues de la “delegated legislation”, c’est à dire des décrets et arrêtés émanant de l’autorité administrative et règlementaire. b) La rule of law recouvre aussi le plan procédural, et impose à son tour le principe du procès équitable, et plus généralement le respect du due process of law (procès loyal) et plus précisément du procedural due process (Dr Bonham’s case (1610), jugé par Sir Edward Coke: on ne peut être juge et partie dans sa propre cause, comme l’était le Collège Royal de Médecine, qui jugeait le Dr Bonham.

La rule of law et loyauté (fairness) des armes et du déroulement de ce procès, fair trial.

La Constitution américaine s’en fait l’écho direct, notamment dans les Cinquième et Quatorzième Amendements.

§-­‐2-­‐ LA LEGAL RULE, REGLE DE DROIT POUR UN CAS D’ESPECE

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a) La règle de droit “civiliste” ou “romaniste”, est une règle générale et abstraite que le juge aura à appliquer au cas particulier qui lui est soumis :

***du général au cas d’espèce. b) La “rule of law”, elle, n’est pas une règle générale qu’on appliquera au cas d’espèce, elle est une “règle d’espèce”, limitée aux circonstances qui ont donné lieu au cas juge et ne s’appliquera (en vertu de l’autorité du précédent) qu’aux espèces identiques.

La “rule of law” dépend étroitement des faits et circonstances de l’espèce: elle en est même inséparable, d’où l’importance des faits dans les systèmes de common law La “rule of law” doit donc être entendue aussi dans un sens étroit, de nature non constitutionnelle, celui de solution précise à une difficulté d’espèce donnée: c’est une “mini-­‐règle” opposée à la norme générale et abstraite des droits de tradition civiliste: on passera ***du cas d’espèce à une application généralisée (dans tous les cas similaires)-­‐ c) Cette rule of law est prononcée par le juge d’après les précédents ou est créée par le juge en l’absence de précédent.

Dans tous les cas,

-­‐ elle émane du juge au cas par cas

-­‐ et n’accède à la généralité, gage d’égalité devant la loi, que par l’application à des cas similaires.

Et s’il en est ainsi, c’est en raison de la source de la règle: la décision judiciaire.

SECTION II -­‐ LA “CASE LAW”: UN DROIT QUI ÉMANE DU JUGE

§1 -­‐ UNE REGLE D’ESPECE APPLICABLE DANS LES MÊMES CAS

A -­‐ Dès lors qu’elle émane du juge et qu’elle a été rendue dans un cadre d’espèce bien spécifique, cette règle n’a pas vocation à devenir une règle générale au sens d’une règle abstraite et non située comme l’est la norme civiliste. Au contraire, elle ne pourra s’appliquer que dans des circonstances de fait identiques. Si les faits de l’espèce en litige présentent une légère différence par rapport à ceux du précédent, il est fort possible que le précédent soit écarté. Dans un tel contexte, marqué par le rôle déterminant du juge, source du droit, même la loi parlementaire du Royaume-­‐Uni suppose un “accueil” effectif par le juge au sein de la common law, par le biais d’une interprétation de la loi par le juge et une “intégration,” en quelque sorte, ou une mise en harmonie ou en cohérence avec les précédents (que la loi parlementaire, préparée en commissions, s’efforce de ne pas heurter).

§2 LEGAL RULE ET PROTECTION DE DROIT COMMUN DES TRIBUNAUX

Pour le grand constitutionnaliste anglais, Dicey, la legal rule réside aussi dans la protection de droit commun des tribunaux. Pour lui, la legal rule consiste dans le fait que l’Etat ne sanctionne pas arbitrairement la violation de la loi et que les droits et libertés individuels soient garantis, non par une constitution écrite, mais par les décisions des juges rendues d’après le droit commun.

CHAPITRE II -­‐ LES SOURCES DU DROIT EN SYSTEMES DE COMMON LAW SOUS CHAPITRE I 6

UN DROIT D’ESSENCE JUDICIAIRE

Avant d’être le droit d’essence judiciaire que l’on connait, la common law fut d’abord ce que Blackstone appelait la coutume générale immémoriale (“general immemorial custom”) des populations germaniques et scandinaves de l’Angleterre et de leurs rois. Le passage à un droit d’essence judiciaire s’imposa ensuite progressivement du fait que la connaissance de ces coutumes et leur application furent peu à peu le fait de juges itinérants (“itinerant justices”) mandatés par la Couronne à partir de Guillaume le Conquérant . Ces juges firent la synthèse des coutumes rencontrées et il fut ensuite décidé des solutions qui seraient conservées. Ainsi s’édifia pendant plusieurs siècles une “commune ley” ou common law” que les juges royaux imposèrent et s’imposèrent à eux-­‐mêmes en dégageant peu à peu la règle du précédent ou “stare decisis” (s’en tenir aux choses décidées), base du système juridictionnel et légal du Royaume-­‐Uni et des États-­‐Unis d’Amérique et plus généralement, des pays de common law.

SECTION 1 -­‐ UNE DOUBLE CASE LAW, LA COMMON LAW ET L’EQUITY

La Common Law, au moins dans sa forme la moins “archaïque”, et l’Equity, sont toutes deux de création royale. Mais la seconde est de création plus récente et s’est imposée comme palliatif et correctif aux insuffisances de la Common Law.

SOUS SECTION I -­‐ LA COMMON LAW AU SENS STRICT

La Common Law est le fruit d’une organisation spécifique et concentrée de la Justice, à partir de Guillaume le Conquérant, à l’abri de près d’un millénaire de protectionnisme sinon d’isolement judiciaire par rapport aux Droits continentaux.

§ -­‐1-­‐ UNE JUSTICE CENTRALISEE

A-­‐DES JURIDICTIONS COUTUMIERES CENTRALISEES DE LONDRES

LOCALES

AUX

JURIDICTIONS

ROYALES

La Couronne va instituer une organisation judiciaire très centralisée pour les affaires importantes intéressant le royaume, en envoyant des juges itinérants contrôler l’administration locale de la justice, et laissant tout le contentieux local aux petites juridictions coutumières. Ce processus, au bout d’environ deux siècles, aboutit à la formation ou à la consolidation d’un corps de lois communes, la “commune ley” ou common law, que la règle du précédent obligatoire allait faire grandir et prospérer: la solution donnée à une affaire particulière s’imposerait à toutes les affaires similaires, dans un souci de sécurité juridique: ce système est celui de la “case law”.

B -­‐ LES TROIS COURS ROYALES

Quant à l’organisation juridictionnelle, pour les affaires d’extrême importance le roi donnait pouvoir de juger aux membres de son Conseil, « Curia regis » (« Cour du roi » ou « Conseil du roi »), mais progressivement trois Cours royales étaient constituées, pour siéger à Westminster. Leurs dénominations allaient perdurer jusqu’aux temps modernes, (avant le regroupement de ces juridictions sous la compétence d’une juridiction unique, la prestigieuse High Court of Justice, juridiction de premier degré, qui compose avec la Court of Appeal la Supreme Court of Judicature (une curiosité : malgré son titre de « suprême », elle n’est pas la juridiction la plus élévée, qui est la House of Lords). Ces trois anciennes juridictions :

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-­‐ La Cour de l’Echiquier (Exchequer), chargée des questions financières et fiscales, -­‐ La Cour des Plaids Communs (Common pleas ou Common Bench), chargée des litiges privés et des affaires de propriété foncière, -­‐ Le Banc du Roi ou de la Reine (King’s Bench ou Queen’s Bench), connaissant des affaires intéressant la Couronne, et des crimes contre l’Etat et qui délivrait des ordres (writs) en matière de contrôle des actions d’officiers publics.

La juridiction civile s’étendit à la responsabilité délictuelle (« torts ») puis même aux contrats, par extension des formes d’actions recevables devant cette juridiction. Ces juridictions concentrées et peu nombreuses étaient, en outre, de saisine limitée

§-­‐ 2 -­‐ UNE JUSTICE DE SAISINE LIMITEE: LES “WRITS”

Les juridictions de Common law ne pouvaient être saisies que s’il existait des cas spécifiques d’ouverture, les “forms of action”, ce qui donnait lieu à la délivrance préalable d’un ” writ” ou “bref”, ordre écrit ou autorisation de saisine du juge émis au nom du Roi. where there is no writ, there is no right”. Ex:pour la demande en paiement d’une dette, il fallait un “writ of debt”. Or, malgré l’augmentation progressive et nécessaire du nombre des writs, ceux-­‐ci restaient en nombre limité, et ne donnaient accès qu’à des demandes et des procédures spécifiques et limitées. C’est sur la base de ces writs que la Common law s’est, elle-­‐même, développée par un processus d’élaboration judiciaire et processuel.

SOUS SECTION 2-­‐ L’EQUITY, REMÈDE AUX INSUFFISANCES DE LA COMMON LAW § -­‐ 1-­‐ NAISSANCE DE L’EQUITY A-­‐LE RÔLE DU CHANCELIER AU NOM DU ROI

Les juridictions de Common Law ne pouvaient prononcer tous types de jugement : ainsi elles ne pouvaient ordonner l’exécution en nature,des contrats mais seulement accorder des dommages-­‐intérêts : saisine limitée, pouvoirs limités. Elles n’offraient pas non plus de recours en matière d’usufruit et de trusts.. Le remède devait venir de l’autorité royale, représentée par le Chancelier, “gardien de la conscience du Roi” qui, saisi des requêtes pour “faire justice” face aux situations de déni ou de blocage nées de la Common Law, accepta d’entendre, au nom du roi, “fontaine de justice”, les litiges que celle-­‐ci laissait non réglés ou qu’elle ne permettait pas de régler faute de “writs” permettant de présenter ces demandes. Le Chancelier connaissait de ces litiges et leur donnait la solution (equitable relief, “soulagement” ou “remède” d’équité) inconnue ou impossible en Common Law, cette dernière n’accordant que des dommages-­‐ intérêts, c’est à dire une réparation en argent à celui qui demandait pourtant l’exécution effective du contrat.

B -­‐ L’EQUITABLE RELIEF: LA “SPECIFIC PERFORMANCE”

Cette exécution en nature (specific performance), exécution effective de l’obligation “spécifique” de l’autre partie au contrat, seul le Chancelier parlant au nom du roi, allait pouvoir l’imposer par un ordre d’exécuter, dont la violation pouvait être sanctionnée éventuellement par l’emprisonnement.

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Peu à peu le Chancelier déléguerait lui-­‐même son autorité à ses “bureaux” qui, progressivement, s’instaureraient en “juridiction” d’Equity, non sans résistance des cours de common law. La Cour d’Equity, élabora ses propres régles, traita les affaires sous forme inquisitoire (enquête par le juge) et non accusatoire comme en common law où la procédure est menée par les parties et leurs avocats, et selon une procédure écrite, opposée à la procédure orale de la common law, et peu à peu développa sa propre jurisprudence. Au fil des siècles, l’Equity devint donc, comme la Common Law, une matière technique elle aussi soumise, à la régle du précédent et n’ayant que de très lointains rapports avec la notion d’”équité”.

§ -­‐ 2-­‐ L’UNIFICATION JURIDICTIONNELLE MODERNE

Le XIXème Siècle vit le rapprochement des deux corps de règles et l’unification des régles de procédure, avant celle des juridictions elles-­‐mêmes par les grandes lois (Judicature Acts) de 1873 et 1875 et à la formation d’une juridiction unique, la Supreme Court of Judicature (elle-­‐même regroupant la High Court of Justice et la Court of Appeal -­‐ une seule pour le Royaume-­‐Uni-­‐), les deux sous l’autorité de House of Lords. Compte tenu cependant de leurs spécificités respectives, les questions de Common Law et d’Equity continuent de relever de sections spécialisées à l’intérieur de la même juridiction. Un autre point commun, enfin, est la soumission, déjà évoquée, de la Common law et de l’Equity à la règle du précédent, et le rôle essentiel du juge dans la détermination, sinon même la création de la loi.

SECTION II -­‐ LE RÔLE ET LA FONCTION DU JUGE ET L’AUTORITÉ DU PRÉCÉDENT SOUS-­‐SECTION I -­‐ LE ROLE ET LA FONCTION DU JUGE §-­‐ 1-­‐ LE JUGE DECOUVREUR OU CREATEUR DE LA LOI SOUS § 1-­‐ LE JUGE EN SYSTEME CIVILISTE NE FAIT PAS LA LOI

A -­‐ LE JUGE CIVILISTE APPLIQUE UNE LOI QU’IL NE FAIT PAS

a) Il se limite à appliquer une loi dont il n’est pas l’auteur, la loi du législateur, à la fois “préalable” et “extérieure” à la fonction juridictionnelle en ce sens que la loi, par nature, n’émane pas du juge et de son processus de décision. De plus la prohibition des arrêts de règlement par l’article 5 du Code civil se combine à l’effet relatif de la chose jugée prévu par l’article 1351 du Code civil pour interdire toute autorité légale générale ou généralisée du précédent juridictionnel. Dans cette conception de la loi, la jurisprudence ne constitue pas techniquement la loi: elle n’est qu’une “autorité” même si celle-­‐ci est essentielle pour la mise en oeuvre de la loi (v. infra) et si le rôle du juge est, en réalité, bien moins passif que la théorie civiliste classique ne le postule.

B -­‐ LA PART DE CREATION RESIDUELLE DU JUGE CIVILISTE a) Son rôle d’interprète Le juge interprète valablement et souverainement la loi.

b) Son obligation de juger

En second lieu, en effet, le juge civiliste a l’obligation de juger, corollaire de son pouvoir exclusif d’interprétation. Le juge ne peut refuser de juger (art. 4 du Code Civil) au motif ou sous le prétexte d’absence, d’insuffisance ou d’obscurité de la loi: par hypothèse celle-­‐ci existe, et c’est au juge de parer à ses insuffisances ou à son obscurité ou à ses contradictions. Au besoin, il aura recours aux principes généraux du Droit.

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SOUS § 2 -­‐ LE ROLE DU JUGE EN SYSTEME DE COMMON LAW A -­‐ LE JUGE CREATEUR DE DROIT

* Le juge fait la loi, ou plutôt fait “le droit” mais sans pour autant chercher à poser des règles générales en prévision de l’avenir. Le juge de Common Law cherche à donner une solution à un litige déterminé et non à “fixer les principes destinés à régir l’ordre social. Ce n’est pas là son rôle”. Pour autant, bien sûr, la solution du juge anglais pourra trouver à s’appliquer pour l’avenir dans les mêmes circonstances, par l’effet même de la force reconnue au précédent judiciaire. Cette fonction signifie

que le système du précédent obligatoire (“stare decisis”) implique un glissement du rôle judiciaire vers un rôle de créateur de droit puisqu’il applique – et s’applique – sa propre loi telle qu’elle résulte de ces précédents et s’impose à lui. Même exposé pour le droit américain, qui est présenté comme “…. primarily a case law system.

§ 2 -­‐ LE STATUT DU JUGE

Importante différence, entre les deux systèmes, celle qui tient au “statut” constitutionnel, social et “culturel” des juges.

A -­‐ LE STATUT SOCIAL ET CULTUREL DU JUGE DE COMMON LAW

Socialement parlant, le juge jouit d’un grand prestige social. Presque toujours, c’est un ancien avocat, au Royaume Uni comme aux Etats-­‐Unis. Quant aux juges de la Cour suprême des Etats-­‐Unis, ce sont des personnages d’une importance considérable.

B -­‐ LE STATUT PROFESSIONNEL DU JUGE a) Des juges non anonymes

Les juges de common law, au moins les plus importants, sont des personnages publics.

b) Des “opinions” publiées: une “doctrine judiciaire”

Même la collégialité des juges n’y sera pas synonyme d’anonymat puisque chaque juge exprime son « opinion » par écrit et soit adhère à l’opinion de la majorité de la Cour, soit exprime son désaccord de minoritaire par une « dissenting opinion » (ou “dissent”), soit encore exprime son accord mais pour des motifs différents de ceux de la majorité (« separate opinion »). En tout état de cause, leur opinion est étudiée, analysée, même si elle est minoritaire : c’est même parfois dans le « dissent » (surtout d’un grand juge) que gît le droit de demain ou le ferment d’un futur revirement de jurisprudence. Quelles qu’elles soient, ce sont les « opinions » des juges qui sont étudiées et qui contiennent la «ratio» (“ratio decidendi” ou raison de la décision) c’est à dire le fondement juridique de la chose jugée (encore appelée “holding », aux Etats-­‐Unis).

SOUS-­‐SECTION 2-­‐ LA RÈGLE DU PRECEDENT

Par hypothèse même, tous les systèmes juridiques connaissent le précédent et admettent que certaines décisions “font jurisprudence”.

§1 -­‐ POINT DE VUE COMPARATISTE SUR LE PRÉCÉDENT 10

Le précédent exprime la “probabilité théorique” de la solution attendue dans le futur dans des circonstances identiques ou similaires (sécurité et prévisibilité juridiques, et source d’enseignement du droit puisqu’il représente le droit appliqué).

A-­‐ABSENCE DE PRÉCÉDENT OBLIGATOIRE DANS UN SYSTÈME CIVILISTE

Jamais, dans les systèmes civilistes, une décision antérieure ne s’imposera “institutionnellement” ou “juridiquement“ à d’autres juges dans d’autres procès, ni à la même juridiction saisie de nouveau de la même question ni à une juridiction de rang égal ou inférieur. Certes, en pratique, les juridictions inférieures ou de même degré ou même de degré supérieur peuvent être influencées par la décision rendue (solution raisonnable, prévisibilité juridique, exacte application de la loi, courant dominant d’interprétation de la loi etc... ) Mais en système civiliste, les juges ne s’estimeront pas juridiquement liés par un précédent, même s’il émane de la Cour de Cassation: ils n’y sont pas tenus. Le motif en est, comme on l’a vu, que la source du droit réside dans la loi écrite (loi et règlement), et que tout juge peut avoir sa propre interprétation de celle-­‐ci et s’estimer non lié par une jurisprudence “constante” de la Cour de cassation. Les juges ne peuvent, de plus, motiver leurs décisions qu’au vu d’un texte de loi et certainement jamais au vu d’un précédent. En conséquence, toute décision qui serait fondée sur le simple renvoi à des arrêts ou à une jurisprudence antérieure, serait infirmée ou cassée.

B -­‐ INTERDICTION DU PRÉCÉDENT OBLIGATOIRE EN DROIT FRANCAIS

Les juges n’ont pas le droit d’affirmer que leur décision s’imposera dans des hypothèses similaires, en tant que décision judiciaire: la prohibition des arrêts de règlement s’y oppose (art. 5 du C.civ.).

a) -­‐ Prohibition des arrêts de règlement

L’article 5 du Code Civil dispose:“Il est défendu aux juges de prononcer par voie de dispositions générales et réglementaires sur les causes qui leur sont soumises”. Avec la prohibition républicaine des arrêts de règlement proclamée dès l’article 5 du Code civil, les Cours d’appel et la Cour de cassation ne pourraient plus profiter d’un litige spécifique pour prendre des dispositions générales s’appliquant à d’autres personnes qu’aux parties. Ce texte, d’essence révolutionnaire, signifie que la République était encore plus méfiante que la monarchie envers les velleités du juge d’imposer une de ses décisions comme règle générale et de s’instituer ainsi véritable législateur, attitude que prenaient parfois les Cours de Parlement dans l’Ancien régime en prononçant des “arrêts de règlement”, qui devenaient règles générales d’origine judiciaire, c’est à dire précédents obligatoires. Ni la République ni la Monarchie ne l’accepteront: immixtion du juge dans la fonction législative.

Un autre principe s’oppose à la généralisation “institutionnelle” et obligatoire du précédent judiciaire en droit français: c’est le principe de l’effet relatif de la chose jugée.

b) La relativité de l’autorité de la chose jugée (article 1351 du Code Civil)

Aux termes de l’article 1351 du Code Civil, l’autorité de la chose jugée est limitée aux relations des seules parties ayant agi en la même qualité.

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§ 2-­‐ LE PRÉCÉDENT (STARE DECISIS) EN SYSTEME DE COMMON LAW SOUS §1 -­‐ LE PRÉCÉDENT ANGLAIS A -­‐ MECANISME DU PRÉCÉDENT OBLIGATOIRE (BINDING PRECEDENT)

La force du précédent s’exprime par la phrase latine “stare decisis et quieta non movere” (s’en tenir aux choses décidées et ne pas déranger la quiétude, c’est dire ne pas bouleverser les situations réglées), repose sur la hiérarchie des juridictions. Par ailleurs, tout dans le précédent ne s’impose pas: seule la motivation juridique principale sera retenue.

A-­‐1-­‐ SON FONDEMENT: LA HIERARCHIE JUDICIAIRE

C’est suivant la hiérarchie que le Droit est “dégagé” (créé?) et non pas simplement “appliqué” à partir d’une règle législative ou réglementaire. Le système fonctionne ainsi en gradation descendante.

a) Les décisions de la Chambre des Lords

Celles-­‐ci constituent des précédents obligatoires (binding precedents par opposition aux persuasive precedents) pour toutes les juridictions inférieures (High Court of Justice, et Court of Appeal), qui se trouvent liées par ces décisions, dès lors que les faits sont similaires ou identiques à ceux de l’espèce qui a donné lieu au précédent. La Chambre des Lords était même tenue par ses propres précédents jusqu’en 1966. Le Lord Chancelier, tout en réitérant le caractère fondamental du précédent, déclara alors que dorénavant la Chambre des Lords pourrait s’écarter de cette règle en cas de pressantes nécessités dans l’intérêt de la justice. Il précisa aussi que cette déclaration n’affectait pas la pratique du précédent “ailleurs que dans cette Chambre”. Toutefois, la Chambre des Lords a insisté sur l’importance du respect des précédents et averti qu’elle n’abandonnerait que rarement ses propres précédents même si elle les estimait “erronés” et le problème s’est posé dans R v Kansal (2002) de savoir si l’on suivrait le précédent posé par R v Lambert (2001): refus d’abandonner Lambert, bien que décision non satisfaisante, mais la certitude d’une décision connue s’imposa. Mais il est arrivé que la Chambre des Lords renverse sa jurisprudence ou son précédent. Ainsi dans R v Shivpury (1986) elle a abandonné sa jurisprudence de Anderton v Ryan (1985), dans le domaine de la tentative en matière pénale (Criminal Attempts Act 1981).

b) Les décisions de la Court of Appeal

Ces décisions constituent à leur tour des “binding precedents” (précédents obligatoires, qui “lient”) pour les juridictions inférieures à la Court of Appeal, et pour cette Cour elle-­‐même (sauf en matière criminelle6).

c) Les jugements de la High Court of Justice

Enfin, les décisions de la High Court of Justice constituent des précédents pour les juridictions inférieures, et sont suivies en général par les divisions de la High Court, dans l’intérêt de la sécurité juridique, sauf si, exceptionnellement, le juge estime ne pas devoir s’y plier7 . Mais tout dans la décision ne s’impose pas.

A-­‐2-­‐ LES DECISIONS POSSIBLES AU REGARD DU PRECEDENT a) Ce qui s’impose: la motivation fondamentale ou “ratio decidendi”

Seule la motivation fondamentale, appelée “ratio decidendi” (ou “holding” aux Etats-­‐Unis) s’impose comme précédent.

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La décision contient aussi le plus souvent des considérations non nécessaires à la motivation et qu’on appelle des “dicta” (un “dictum”) ou “obiter dicta”, c’est à dire des considérations faites “en passant”, digressions de raisonnement ou observations collatérales qui peuvent revêtir un grand intérêt mais ne sauraient s’imposer, comme par exemple la spéculation du juge sur ce qu’aurait pu être sa décision si les faits avaient été différents. Seule la “ratio decidendi” s’impose pour l’avenir, l’”obiter dictum” ayant une valeur de persuasion ou d’enseignement (certains “dicta” sont importants en raison de l’autorité du juge qui les a écrits ou parce qu’ils peuvent préparer la voie à des évolutions futures). Du fait que seule la “ratio” s’impose, il s’ensuit que le précédent ne s’impose pas sur les questions de fait, ni sur les questions de droit qui n’ont pas été débattues ou ont été considérées comme acquises par les parties: sans débat de droit, pas de “ratio”, par hypothèse.

b) L’évolution ou la “distance” par rapport au précédent

Comment faire évoluer les précédents ou éviter d’être soumis à un “binding precedent” que le juge estime ne pas devoir appliquer à l’espèce qui lui est soumise ? Certes le juge peut d’abord estimer que le précédent a été rendu “per incuriam”, c’est-­‐à-­‐dire est le fruit d’une erreur ou d’une négligence, ce qui constitue un reproche exceptionnel. Plus courante, quoique délicate à mettre en oeuvre, est la technique consistant à qualifier d’“obiter dictum” (motif “surabondant”, dirait la Cour de cassation française) le motif (la “rule of law”) que le juge ne veut pas appliquer à l’espèce. Il dira donc que ce motif n’est pas la “ratio decidendi”, mais un simple “obiter”. Mais une telle disqualification ne sera pas toujours facile à opérer. Aussi la technique la plus courante d’évolution -­‐ ou de non application de la “rule of law” d’un “binding precedent” -­‐ consistera à trouver une “différence”, réputée importante, entre l’espèce du précédent et celle du cas soumis au juge.

On dit que celui-­‐ci opère une “distinction”, qui lui permet soit de ne pas appliquer le ou les précédents, soit de les adapter ou de les reformuler pour les rendre applicables à son affaire et donner à celle-­‐ci une solution réaliste et raisonnable. En résumé, la technique des distinctions rend supportable la rigidité de la règle du précédent obligatoire.

c) “Reversing” et “overruling”

Si dans une même affaire, la juridiction supérieure annule le premier jugement (on dit “infirme” le jugement), les droits anglais et américain parlent de “reversing”. Il ne s’agit pas alors de remise en cause d’un précédent, mais d’une appréciation différente des faits et circonstances de l’affaire ou du choix de la règle de droit applicable.

A-­‐2-­‐ PRECEDENT NON OBLIGATOIRE (PERSUASIVE PRECEDENT)

Le persuasive precedent ne s’impose pas au juge mais celui-­‐ci l’appliquera parce qu’il estimera sa motivation raisonnable et justifiée en droit. Ainsi une juridiction supérieure pourra appliquer la décision prise par une décision inférieure. Ce fut le cas dans RvR (1991) où le Chambre des Lords appliqua le raisonnement de la Cour d’Appel estimant qu’il pouvait y avoir viol même dans les relations entre époux.

A -­‐ 3-­‐ PRÉCÉDENT ET LEGISLATION A-­‐4 -­‐ PRÉCÉDENT ANGLAIS ET DROIT EUROPÉEN

Le droit européen est du droit international par sa source, le Traité de Rome du 25 Mars 1957, mais intégré au droit des Etats membres : c’est une forme de droit national, ou une nouvelle dimension du droit national. Or, le Royaume Uni a adhéré au Traité de Rome à compter du 1er janvier 1973.

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Le Traité de Rome et la législation européenne subséquente doivent donc prévaloir sur le droit interne anglais. Ainsi, les décisions de la Cour de Justice des Communautés européennes s’imposent, pour ce qui concerne le droit européen, à toutes les juridictions anglaises, y compris à la Chambre des Lords, ce qui suggère que cette dernière n’est plus la juridiction suprême du Royaume Uni (pas plus que ne l’est la Cour de Cassation en France sur les questions de droit européen).

SOUS § 2-­‐ LE PRÉCEDENT AMÉRICAIN

Le droit américain est, comme le droit anglais, un droit de Common Law et d’Equity. C’est donc un droit jurisprudentiel qui donne la primauté aux décisions de justice, essentielles même en présence d’une législation qui ne sera assimilée qu’après son application par le juge. Mais aux Etats-­‐Unis d’Amérique, la règle du précédent subit l’influence de plusieurs facteurs qui l’affaiblissent en lui donnant en même temps une physionomie toute particulière. Ces facteurs, bien que divers, peuvent être regroupés sous trois rubriques : -­‐ Le fédéralisme et ses conséquences -­‐ L’extrême diversité du pays et l’éparpillement -­‐ les forces d’évolution

A -­‐ LE FEDERALISME ET SES CONSEQUENCES

a) L’existence de 50 Etats (50 organisations judiciaires complètes avec, chacune, sa hiérarchie judiciaire) et 50 organisations politiques et institutionnelles, qui se cumulent avec une organisation judiciaire et politique fédérale, une telle situation explique largement que la règle du précédent ne peut avoir ni la même densité ni la même force qu’en Angleterre. Aux USA, il n’y a ni la concentration des tribunaux, ni le petit nombre de juges ni le nombre restreint de décisions susceptibles de s’imposer comme précédents. La règle du stare decisis va donc jouer tant au sein des juridictions fédérales que dans 50 Etats distincts, mais sur des milliers de décisions dans des centaines de volumes couvrant les Droits des Etats formant les Etats-­‐ Unis. Mais malgré l’inévitable diversité de solutions, ces décisions constituent une Common Law américaine et non étatique, et les avocats et les juges s’appuient sur des précédents même extérieurs à leur Etat: ils raisonnent en termes de Common Law américaine. Mais une telle diversité ne peut qu’affaiblir la portée d’un précédent pris isolément : pour qu’une décision s’impose, elle doit être typique d’un courant de décisions, d’où une inévitable souplesse de la règle du précédent. “There is no federal general common law” devait écrire Justice BRANDEIS, au nom de la majorité de la Cour.

b) -­‐ Les revirements de jurisprudence de la Cour Suprême des Etats-­‐Unis.

Ce sont les revirements de jurisprudence qui ont permis l’évolution de la Société : évolution politique, économique et sociale, au point que la Cour Suprême, depuis environ 1936, est devenu le moteur de cette adaptation (droits civiques, grands problèmes politiques et sociaux, avortement, class actions ou actions de groupes, égalité dans le vote, protection contre l’Etat, libertés individuelles, droits des minorités, etc...) Or ces revirements, s’ils permettent l’évolution du droit, affaiblissent aussi nécessairement le caractère impératif du précédent, même parfois de la Cour Suprême !

B -­‐ L’EXTREME DIVERSITE DU PAYS ET “L’EPARPILLEMENT” DE SON SYSTEME JUDICIAIRE ET DE SES JUGES ET AUXILIAIRES DE JUSTICE 14

Cette situation, ajoutée au gigantisme du pays et à la diversité ethnique, sociale et économique de sa population, va à l’encontre de l’idée d’une Common Law concentrée à fort pouvoir du précédent.

C -­‐ LES FORCES D’EVOLUTION

a) Elles imposent parfois de créer la loi nouvelle presqu’ex nihilo, quand il n’y a pas de précédent auquel se référer (même pour le faire évoluer) : on parle alors de “case of first impression”... mais le plus souvent, il y aura des principes existants auxquels s’attacher : Chief Justice Lemuel Shaw écrivait, dans Norway Plains Co vs. Boston & Me R.R. (67, Mass.263 -­‐ 1854) : “...the Common Law consists of a broad and comprehensive principles founded on reason, natural Justice, and enlightened public policy modified and adapted to the circumstances of all the particular cases which fall within it”.

b) Ces forces vont aussi imposer une évolution plus subtile qui écarte l’application automatique ou mécanique du précédent, contre laquelle s’élevait le Doyen Roscoe Pound au début du siècle, qui critiquait la “mechanical jurisprudence” indifférente aux conséquences de la décision (“with relentless disregard of consequences”, dira Justice Cardozo dans Hynes vs New-­‐York Central Rd Co, 231 NY 229, 131 N. E 898 (1921). On écartera donc le précédent en le “reconstruisant”, en lui donnant une autre portée: ce qu’a fait Cardozo J. dans Mc Pherson vs Buick Motor Co, 217, NY 382, 111 NE. 1050 (1916), en s’attachant à poser ou développer un principe de responsabilité des fabricants à l’égard de personnes avec lesquelles ces derniers n’avaient pas de liens contractuels (ici, la victime était le client d’un revendeur de véhicules): “If an object is such that, negligently made, it is “reasonably certain” to cause personal injury (et plus seulement “imminently dangerous”, anciens précédents), the manufacturer is “under duty to make it carefully”.

Autre exemple, plus récent : Marvin vs Marvin 18 Cal.3d 660, 134 Cal Reptr. 815, 557 P.2d : une femme qui a cohabité 6 ans avec un homme peut prétendre à un droit de partage des biens acquis au nom de cet homme (l’acteur Lee Marvin) pendant leur vie commune.

Aussi le juge a-­‐t-­‐il invoqué la notion de “contrats implicites” (“implied agreements”), valables dès lors que ce contrat n’avait pas pour but des relations sexuelles (in contemplation of sexual relations): le juge Tobriner a “collé” aux nouvelles valeurs d’une société moins formaliste en termes de relations familiales, en réutilisant le droit des contrats et la notion de contrats tacites ou implicites. Mais la Common Law n’est pas la seule source du droit.

De nos jours, les pays de Common Law connaissent tous, comme les pays de droit civil, l’inflation “législative” au sens large, émanant des lois parlementaires et des actes des autorités exécutives constitutionnellement dotées du pouvoir de “légiférer”, pouvoir “autonome” de législation ou pouvoir “dérivé” et prenant la forme de Décrets et Arrêtés divers. Tous ces textes ont, bien évidemment, force de loi, sauf à s’interroger sur les conditions de leur réception dans la Common Law.

Enfin une étude, même succincte, des sources du droit américain ne saurait, évidemment, se passer d’exposer le rôle fondamental de la Constitution fédérale comme source institutionnelle du droit fédéral et de droit fédéral.

SOUS CHAPITRE II LE DROIT LEGISLATIF ET ASSIMILE

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SECTION I -­‐ LA LOI PARLEMENTAIRE (STATUTE LAW) AU ROYAUME UNI

§ 1 -­‐ LA SOUVERAINETE DU PARLEMENT

Au Royaume Uni, la souveraineté législative du Parlement (en réalité de la Chambre des Communes) est totale et aucune autorité ne peut limiter celle de “la Reine en son Parlement” pour reprendre l’expression du grand constitutionnaliste anglais Dicey, ni exercer un contrôle sur les “Acts” du Parlement: “When that authority is exercised in the form of an Act of Parliament, no Court or other body has power to hold such an Act to be void on invalid or in any respect lacking in legal effect.”

Il n’existe donc pas, au Royaume-­‐Uni, de contrôle judiciaire de constitutionnalité des lois (“Judicial review”), contrairement à celui, considérable,exercé par la Cour Suprême des Etats-­‐Unis depuis l’affaire fondatrice, Marbury vs Madison (1803) (V. infra). Se pose toutefois la question de savoir si la loi anglaise, au sens de “statute law”, c’est à dire la loi parlementaire, doit être conforme au droit européen dans les domaines d’intervention de celui-­‐ci;

§ -­‐2 -­‐ LA LOI S’IMPOSE AU JUGE

La loi parlementaire ou statute law ou encore “enacted law”, (loi “sous forme” législative...) s’impose au juge, qui ne peut que l’appliquer même si elle modifie des solutions juridiques acquises en common law (ou en equity), sauf à interpréter l’Act ou Statute de façon à respecter, dans la mesure du possible, la common law sur le point considéré mais aussi en suivant diverses règles dont la première est de respecter le sens des mots contenus dans la Loi, ce qui constitue la reconnaissance de la primauté de celle-­‐ci par le juge.

SECTION II -­‐ LA LOI PARLEMENTAIRE (STATUTE LAW) AUX ETATS-­‐UNIS § 1 UNE DOUBLE LÉGISLATION

La législation américaine est doublement importante, en raison de l’existence, d’une part, d’un Congrès des Etas-­‐Unis, doté des pouvoirs législatifs fédéraux (article 1er de la Constitution fédérale) et d’autre part, de Congrès dans chaque Etat de l’Union. La législation est donc d’origine fédérale et étatique et celle des Etats n’est pas moins importante pour la vie quotidienne : droit des personnes, droit pénal, droit des successions, responsabilité civile, , etc...: “La première réalité, ce sont les Etats. Ils constituent le cadre de la vie politique. Ils déterminent par leur législation l’environnement juridique...”14 . Il est vrai, aussi, qu’en plus du Droit fédéral et au delà des particularismes étatiques, une certaine unification se fait par le biais de l’adoption de lois uniformes, comme le Uniform Commerce Code (UCC), mais cette adoption se fait par une loi d’Etat. Quoi qu’il en soit, les lois votées par le Congrès (fédéral et/ou d’Etat) doivent être interprétées par les Tribunaux et l’accent doit être mis sur la supériorité de la loi (d’origine parlementaire ou exécutive) qui s’impose à eux.

“the fundamental principle of statutory interpretation is that a statute is enacted by a body that has law-­‐making power superior to a Court (except in matters of constitutional law)”

Le rôle du juge sera, alors, classiquement (au sens des droits civilistes) d’interpréter la loi de façon à donner effet à la volonté du législateur.

§ 2 -­‐ ABSENCE DE SOUVERAINETÉ PARLEMENTAIRE AUX ÉTAS UNIS

-­‐ Fédérale ou d’Etat, la loi Parlementaire américaine (issue des Congrès d’Etats et du Congrès Fédéral) n’est pas considérée, à l’instar de la Statute Law du Parlement Britannique, comme “Souveraine”. -­‐ En effet, la loi parlementaire aux Etats-­‐Unis au sens de texte législatif ((Statutes), est soumise à un texte supérieur, auquel elle doit toujours se conformer : la Constitution Fédérale, et, s’agissant des lois d’Etats, aux Constitutions des Etats et, de même, à la Constitution fédérale.

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Cette conformité passe par un contrôle judiciaire, appelé “Judicial Review” à l’occasion de l’application de la Loi lors d’un procès. Cette application peut donc donner lieu à une contestation de la Loi sur le terrain de la constitutionnalité : Affaire Marbury v. Madison (USC1803)

CHAPITRE II DE QUELQUES CONCEPTS JURIDIQUES

SECTION I . DES BRANCHES DU DROIT DIFFÉRENTES § -­‐1-­‐ ABSENCE DE DISTINCTION DROIT PRIVE/DROIT PUBLIC

A -­‐ APPLICATION DU DROIT COMMUN

Il n’existe pas de distinction droit public/droit privé. Les concepts tels que l’excès de pouvoir ou le détournement de pouvoir, qui sont à la base du contentieux de la validité ou de la nullité des actes administratifs qui, en France, relèvent du droit administratif, et des juridictions administratives, existent en droits de common law (doctrine de l’ultra vires), mais constituent du “droit commun” et relèvent des juridictions de droit commun. C’est le juge de common law, au sens large, juge de droit commun, qui connaitra de ce contentieux et non un juge spécialisé, comme notre juge administratif.

B -­‐ JURIDICTION DU DROIT COMMUN: ABSENCE DE JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

En effet, les droits de Common law ne connaissent pas, en principe, de juridictions administratives, comme il en existe en France, où nous connaissons un ordre de juridictions spécialisé, l’ordre administratif composé de tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et, à la tête, le Conseil d’Etat. Le Royaume Uni et les Etats-­‐Unis connaissent des “commissions” telles que le Board of Trade au Royaume Uni et aux Etats-­‐Unis, la S.E.C (Securities and Exhange Commission)ou la FTC (Federal Trade Commission) ou la FDA (Food and Drug Administration) etc... dotées de pouvoirs de régulation et de sanctions: ces commissions ne sont, pas, toutefois, des indépendantes du pouvoir judiciaire classique et relèvent du droit commun de la common law (et de l’equity, v. infra). Les questions qui, en droit français, relèveraient du Droit administratif, telles que la validité des actes administratifs et réglementaires, ou les contrats administratifs, c’est à dire impliquant une personne publique (Etat, collectivités locales et autres organismes publics), ou encore la responsabilité de l’Etat et des personnes publiques, toutes ces questions relèvent, en pays de common law, de la compétence des juridictions de droit commun. En revanche, c’est le droit “commun” qui connait une dualité de règles, relevant cependant elles aussi des juridictions de droit commun (au moins depuis les Judicature Acts de 1873-­‐1875): la Common law au sens strict, et l’Equity.

§-­‐2-­‐UN DOUBLE CORPS DE REGLES : COMMON LAW ET EQUITY-­‐ETUDE DE L’EQUITY

L’Equity est née de la réaction contre la rigidité de la Common Law, sa lourdeur procédurale, ses “writs (formulaires matérialisant la voie de droit choisie) sans lesquels l’instance ne pouvait être introduite, l’échec des procédures engagées sur la base d’un “writ” non approprié à la situation de l’espèce. Etaient aussi critiqués les remèdes insuffisants de la common law.

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Celle-­‐ci, par exemple, ne pouvait ordonner l’exécution en nature d’un engagement contractuel, mais seulement accorder des dommages-­‐intérêts, c’est à dire une compensation financière, qui n’était pas toujours satisfaisante quel qu’en fût le montant. Inappropriée, encore, était la compensation financière accordée par la common law dans le cas où une personne avait violé le droit de propriété d’autrui, par exemple en construisant sans autorisation sur un terrain ne lui appartenant pas.

Cette violation ou “trespass” ne pouvait être sanctionnée de façon satisfaisante que par la démolition de la construction non autorisée, ce que ne permettait pas la common law. Cette insuffisance ou inadaptation de remèdes proposés par la common law entravait également le développement des “trusts” (v.infra), qui reposent sur la confiance mise dans le “trustee” et le respect par celui-­‐ ci des obligations qu’il assume en contrepartie du transfert formel de propriété à son profit d’un bien ou de capitaux ou d’un patrimoine affectés d’une charge. Ainsi, le trustee aura, par exemple, à placer des fonds ou user d’une propriété immobilière dont les revenus serviraient à pensionner des enfants mineurs ou des majeurs incapables, ou à constituer une fondation, etc... La réaction contre la common law se manifesta par le recours au roi, “fontaine de justice”, qui délégua la connaissance de ces requêtes à son Chancelier, “Gardien de la conscience du Roi” (car, au début du moins, son confesseur). Le Chancelier émit des ordres :

-­‐ de faire (“orders” ou “decrees”), d’exécuter en nature un engagement contractuel; de faire enlever la construction abusivement construite sur la propriété d’autrui en violation (“trespass”) de son droit de propriété; de rembourser les frais de celui qui avait spontanément géré l’affaire d’autrui (gestion d’affaire); d’exécuter les obligations contractées en qualité de “trustee”;

-­‐ de ne pas faire (“injunction”), comme exiger deux fois le paiement sous le prétexte qu’il avait conservé l’original de la reconnaissance de dette etc... Dans tous ces cas, le Chancelier, souvent prêtre et homme de loi, appliquait, au moins au début, des principes d’équité ou de justice naturelle. Au fil du temps, ceux-­‐ci allaient laisser place à de véritables règles de droit, aussi “techniques” que celles de la common law, et elles aussi soumises à la règle du précédent. Peu à peu, les services du Chancelier laissèrent place à une véritable juridiction, d’abord distincte de celles de la common law, puis, lors de l’unification des juridictions par les Judicature Acts de 1873-­‐1875, par le regroupement de toutes les juridictions au sein de la High court of Justice, avec des sections spécialisées.

A -­‐ LES REMEDES D’EQUITY

L’Equity permet l’exécution en nature ou “specific performance”, (qui aura pour effet, notamment, le développement du trust) ou la nullité des contrats (rescission), ou leur rectification. La juridiction d’Equity prononce aussi des injonctions (“injunctions”) dans les domaines les plus variés, allant jusqu’à ordonner la cessation de nuisances, ou à interdire de faire ou de poursuivre tel ou tel comportement, ou de mettre fin à une occupation indue.

B -­‐ CONDITIONS ET MODES D’ACTION DE L’EQUITY

Le principe est que l’Equity se veut respectueuse de la common law, qu’elle ne viole pas, mais dont elle comble seulement les lacunes ou insuffisances.

L’Equity ne contredit pas la Loi (Common Law) mais en évite les excès ou les lacunes et le judicature Act 1873 dispose que lorsque les règles d’equity entrent en conflit avec celles de la common law, ce sont ces dernières qui prévalent: “Equity follows the law”.

a) La procédure, écrite, se veut simple: 18

La saisine du juge se faisait simplement, suivant un seul writ, le “writ of subpoena”, qui est un ordre de comparaître sauf à subir une sanction, pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement. La procédure est écrite et le juge statue sur pièces et sans jury. Il a la possibilité d’exiger des parties la fourniture de documents (“discovery”) tant par les parties que par des tiers, exigence sanctionnée par le “contempt of court”, qui permet au juge même d’emprisonner le récalcitrant.

b) “Equity acts in personam”

L’Equity agit sur la personne puisque les remèdes d’Equity prennent la forme d’ordres, d’injonctions de faire ou de ne pas faire, adressées à la personne.

c) Les maximes d’Equity

Le demandeur doit être irréprochable et cette exigence s’exprime par quelques maximes. Ainsi, il doit se présenter avec les “mains propres” (“clean hands”), car celui qui recourt à l’Equity doit, lui aussi avoir agi en “équité”: “He who comes to equity must do equity”. Il doit être diligent (Delay defeats equity)

C -­‐ MATIERES D’EQUITY

Les domaines historiques et traditionnels de l’Equity: -­‐ Le Trust -­‐ Les successions et la protection des mineurs -­‐ La vente des biens immobiliers et les divisions de la propriété Les domaines nouveaux du Droit :

-­‐Company law (sociétés par actions) -­‐Bankruptcy law (seulement l’organisation de la liquidation des sociétés de personnes; les sanctions, elles, relèvent de la Common Law). -­‐ Les brevets, les marques, le droit d’auteur -­‐ -­‐ En gros, les matières de procédure écrite relèvent de l’Equity De plus, comme on l’a vu, le recours à l’Equity s’impose aussi pour obtenir la cessation de divers comportements, ou la cessation de nuisances diverses (bruits, fumées d’usines etc...), ou pour interdire une occupation indue, ou ordonner le paiement d’un solde de prix auquel il avait été renoncé par le créancier, dans le besoin, sous la pression du débiteur (qui avait proposé de lui payer une somme moindre pour renoncer à invoquer des motifs fallacieux de contestation de la créance).

SECTION II. LE TRUST

Le développement du trust, institution centrale et mécanisme fondamental des droits de common law, est dû à l’equity. Ce mécanisme permet à une personne de transférer à une autre la propriété d’un bien ou d’une somme d’argent à charge pour le nouveau “propriétaire”, appelé trustee, d’en faire un usage déterminé ou de remplir une mission avec ce bien ou cet argent, au profit d’un tiers bénéficiaire ou de l’ancien propriétaire lui-­‐même. Le trustee pouvait ne pas exécuter son obligation et la common law n’offrait aucun recours contre celui-­‐ci qui était devenu, en droit, propriétaire de “sa” chose, et libre d’en faire ce qu’il voulait.

Ce fut donc le Chancelier qui ordonna au propriétaire “at law” (“en droit”, i.e selon la Common Law) d’exécuter d’entière bonne foi la mission pour laquelle la propriété lui avait été transférée, ce qui imposait au trustee de servir les intérêts du bénéficiaire désigné (soit un tiers soit l’ancien propriétaire lui-­‐même). Ce faisant, le juge d’equity imposait au propriétaire d’une chose en vertu d’un trust d’exécuter l’obligation qu’il avait contractée par le trust au profit de l’ancien propriétaire de la chose ou d’un tiers bénéficiaire du trust (v. infra).

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§ 1 -­‐ MECANISME ET ANALYSE DES TRUSTS

Le trust est présent et vivant dans tous les droits de common law et aux Etats-­‐Unis a fait l’objet d’un “Restatement” (Restatement Second of Trusts) qui constitue, comme tous les “Restatements”, l’Exposé des règles généralement admises dans l’ensemble des Etats de l’Union sur une question ou un domaine du droit.

A -­‐ MECANISME

a) Le “settlor of the trust” constitue un bien ou une somme d’argent au nom d’un “trustee”, qui va administrer le fonds constitué dans l’intérêt du “beneficiary” (protection des incapables, organisation de l’aide à un tiers, fondation, aménagements successoraux, etc...). Les biens donnés en trust deviennent la propriété du trustee, qui en est le “legal owner” at law, c’est à dire en common law, mais se trouve obligé de respecter la volonté du “settlor” et de veiller à l’intérêt du “beneficiary”. Il s’opère donc une sorte de division (on n’ose pas parler de “démembrement”) de la propriété, qui est bien celle du “trustee”, selon la loi, mais donne lieu à la reconnaissance d’un droit du bénéficiaire, l’”equitable interest “ou “equitable right”, face au “legal right”, droit du propriétaire légal qu’est le “trustee”. En réalité, la propriété elle-­‐même n’est pas techniquement atteinte, et ne peut être reprise en cas d’infidélité du “trustee”, pas plus que le trust, qui n’est pas un mandat, ne pourrait être révoqué (sauf s’il est prévu limité dans le temps). La common law, qui n’accordera que des dommages-­‐intérêts, ne permet nullement d’empêcher l’inexécution des obligations d’”equity” du “trustee” ni de lui imposer le respect de l’”equitable interest” du “beneficiary”. C’est alors qu’intervient la cour d’equity. Celle-­‐ci pourra, par des ordres ou des injonctions, ordonner au trustee d’exécuter ses obligations.

Les ordres sont adressés au “trustee”, qui subit personnellement la contrainte du juge, (”Equity acts” in personam”, sur la personne (et non sur les biens donnés en “trust”, i.e sans que la propriété du “trustee” soit remise en cause). Le refus d’obtempérer à l’ordre ou à l’”injunction” (ordre de ne pas faire) sera sanctioné par la procédure du “contempt of court” (“mépris de la cour”, qui permet même au juge d’ordonner la mise en détention du récalcitrant) b) Le bénéficiaire du Trust C’est nécessairement une personne identifiée : personne physique ou morale Cependant il est possible de faire des Trusts pour certaines oeuvres charitables Enfin, Trusts pour des associations sans personnalité morale (mais au nom de personnes physiques).

B -­‐ ANALYSE

Le trustee est propriétaire, selon la Common Law, des biens mis à son nom (c’est souvent un avocat, une banque), et peut tout faire de ces biens, dont il est légitimement propriétaire. Mais en conscience, et selon les règles d’Equity, il est tenu d’administrer les biens comme il s’y est engagé. Le “beneficiary”, n’ayant pas de “remedy at law” pour obtenir l’exécution des obligations de “conscience”, sous peine de “contempt of Court”. Puis, la Cour du Chancelier arrêta que tous les ayants-­‐cause du “beneficiary” sur le bien pouvaient exiger le respect du Trust et faire valoir leurs “équitable interests”. L’organisation de cet ensemble de règles constitue le Droit des Trusts, soumis à la règle du précédent depuis la fin du 16ème siècle (Lord Ellesmere), Il allait devenir un corps de règles aussi rigides et contraignantes que la Common Law et l’avenir confirma cette tendance que le respect dû au précédent ne pouvait qu’affermir.

20

En 1951, Lord Simonds affirmait de nouveau que l’equity n’était pas fondée sur la notion proprement dite d’équité (“fairness” en anglais, et non “equity”) et ne présentait pas d’intérêt pour trancher un litige, écho et rappel, deux siècles et demi plus tard, de Cook V. Fountain. L’equity n’est pas l’équité

C -­‐ DIVERSITE ET UTILITE DES TRUSTS C1 -­‐ DIVERSITE DES TRUSTS

C1-­‐I -­‐ LES PRIVATE TRUSTS Ces trusts sont institués au profit d’une personne déterminée, à qui ils donnent des droits ou intérêts lui permettant d’en demander l’exécution. Le Trust peut être ou conventionnel ou légal : a) Trust conventionnel (le plus souvent) : Trust alors créé par le propriétaire lui-­‐même : soit le propriétaire se déclare lui-­‐même “trustee” au profit d’autrui, soit il transfère les biens à un “trustee” distinct pour qu’il détienne au bénéfice d’un tiers, le “beneficiary” (le “trustee holds the property on trust for another”). * Dans les deux cas, c’est un Trust exprès (express trust). * Le Trust peut être aussi implicite ou présumé (presumed ou presumed resulting trust): presomption simple. Ce trust résulte de la volonté implicite, dégagée par le juge, de créer un trust. Ex: Une propriété commune: deux personnes font en commun l’acquisition d’une chose, mais l’acquisition ne se fait qu’au nom de l’une: le juge considèrera que le propriétaire en titre détient la chose en trust pour l’autre personne à proportion de son apport ou de sa participation.

b) Le Trust légal

* Succession ab intestat (sans testament) Par exemple, si une personne décède ab intestat (sans testament), ses biens seront affectés de certains Trusts créés par la Loi.

*Le “constructive trust”

Il peut être aussi déclaré par le juge comme résultant d’une situation et indépendamment de toute volonté du constituant: c’est le “constructive trust”. Son objet est de sanctionner un enrichissement sans cause et d’y mettre fin, ou de reconnaître une gestion d’affaires. Le gérant d’affaires devient légalement “trustee” et est tenu, en cette qualité, d’une “fiduciary relationship” à l’égard du maître de l’affaire.

C1-­‐2-­‐ LES CHARITABLE TRUSTS

Ces trusts sont destinés à bénéficier au public ou à une portion du public. L’éxécution peut en être demandée par l’Attorney general dans l’intérêt général. La durée de ces trusts est en général non limitée et ils bénéficient d’avantages fiscaux. Sont des “charitable trusts” ceux constitués pour soulager la pauvreté, développer l’éducation, developper la religion, et pour tous autres buts d’intérêt général. Un trust qui risquerait de s’éteindre par épuisement de son objet peut trouver une nouvelle vie par la doctrine “cy-­‐près”, qui permet de le transférer au profit d’une autre cause similaire. De même, s’il a été constitué par erreur au profit d’une association qui n’existe pas ou a cessé d’exister.

C-­‐2-­‐ LES FINS ET FONCTIONS DU TRUST 21

Dans les relations de famille Le trust trouve des applications pour des arrangements entre époux, comme substitut de régime de régime matrimonial. Il permet aussi la protection des mineurs ou incapables majeurs, institués “beneficiaries” dans des trusts établis par le père de famille ou le conjoint, et trouve aussi application en droit des successions pour organiser des substitutions d’héritiers. Investissements financiers En dehors de la famille, le trust trouve aussi application dans les placements de toutes sortes: portage de titres, placements financiers, optimisation fiscale. Garanties de crédit Il peut aussi servir à la mise en place de garanties données à un créancier: par exemple à une banque. Création de Fondations Il permet aussi de constituer des fondations (ex, Fondations Rockefeller, Ford, Carnegie etc...), de doter des musées, des universités, de créer des bourses universitaires, des fonds d’aide de toutes sortes, des institutions de charité, des syndicats, des groupements sans personnalité morale, etc...

§2 -­‐ DEVOIRS, POUVOIRS ET RESPONSABILITÉS DU TRUSTEE A -­‐ LE TRUSTEE PROPRIETAIRE AU BENEFICE D’AUTRUI

a) Devoirs stricts de loyauté

“Fiduciary relationship” imposant au Trustee d’agir en outre en “homme d’affaires raisonnable” (“reasonable man of business”). Le Trustee n’est pas le mandataire du beneficiary et celui-­‐ci ne peut le révoquer comme il est non responsable des actes du Trustee. Le Trustee Act de 1925 prévoit la possibilité pour le Trustee de déléguer des pouvoirs à un mandataire, mais qu’il devra contrôler.

b) Outre les pouvoirs prévus à l’acte constitutif, la loi de 1925 permet par exemple au Trustee d’investir jusqu’à la moitié des capitaux du Trust en actions de certaines sociétés, de pouvoir employer le revenu au profit des besoins du bénéficiaire, et même de lui avancer une fraction du capital. Les Trustees peuvent même demander une extension de leurs pouvoirs au juge.

B -­‐ LE TRUSTEE RIGOUREUSEMENT RESPONSABLE DE SA GESTION

a) Il est “déontologiquement” responsable en raison de son “fiduciary office” (comme un dirigeant de société : fiduciary relationships) Il n’a pas droit à une rémunération, incompatible avec sa fonction de Trustee, sauf si l’acte de constitution le prévoit. Il a droit au remboursement de ses frais sous forme d’indemnité.

b) Sa responsabilité sera mise en cause en cas de conflits d’intérêts

Et ce, même si les bénéficiaires profitent de ses initiatives, s’il réalise des profits personnels à l’occasion du Trust (même honnêtement) (Phipps v/ Boardman and Phipps -­‐ 1967) : la Chambre des Lords jugea qu’en se présentant comme représentants du Trust (la trustee était sénile) Bordman, “solicitor” compétent, et Tom Phipps, l’un des bénéficiaires du Trust, firent faire de bonnes affaires au Trust en acquérant pour celui-­‐ci des actions données en Trust; mais ils firent aussi des achats pour leur compte à bon prix. Le frère de Tom Phipps assigna son frère et Boardman en revendication de leurs profits.

22

La Chambre des Lords estima que Boardman et Phipps,représentants du Trust,s’étaient placés dans une situation de“fiduciary relationship” (relation de confiance spéciale) qui justifiait la demande du bénéficiaire, même s’ils avaient agi au su et au vu de celui-­‐ci, honnêtement, et dans l’intérêt du Trust. Voir aussi l’exemple du bail renouvelé au bénéfice personnel du trustee. (Keetch v Sandford)

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