Dans nos sociétés modernes, 90 % de la population active est salariale et 70 % travaille dans le secteur tertiaire. L’emploi est donc au cœur des préoccupations économiques et sociales contemporaines. Aujourd’hui, la question du chômage reste déterminante car bien qu’en baisse, il concerne toujours environ 8% de la population.
La crise des années 70 a entraîné une demande moins dynamique et plus fluctuante ; les entreprises doivent donc s’adapter à des goûts plus diversifiés (remise en cause de la production standardisée et apparition du toyotisme). C’est ainsi que de nombreux dirigeants économiques et politiques s’emploient à rendre le statut du travail plus flexible, c'est-à-dire plus adaptable aux changements. La flexibilité du travail étant la capacité d’une entreprise à s’adapter aux variations de la demande, nous comprenons que cette logique est créatrice d’emplois. Cependant elle présente certaines limites et c’est pourquoi nous sommes en droit de nous demander dans quelle mesure la flexibilité du travail favorise l’emploi.
Pour répondre à cette interrogation, il convient d’analyser, dans un premier temps, les effets positifs de la flexibilité du travail sur la croissance de l’emploi et dans un second temps, de souligner les limites de cette politique.

Dans le cas du marché du travail, la flexibilité peut se décomposer en plusieurs éléments, comme le distingue Bernard Bruhnes. Il existe ainsi la flexibilité quantitative externe qui est la possible modification des effectifs en fonction des besoins de l’entreprise, l’externalisation qui est la réalisation de tâches secondaires par des entreprises sous traitantes, la flexibilité quantitative interne qui est la modulation du temps de travail, la flexibilité fonctionnelle qui est la polyvalence de fonctions exigée des salariés et enfin la flexibilité de rémunération qui est la variation des charges salariales en fonction des résultats de l’entreprise.
A la fin des années 80, on constate une montée de la flexibilité. Les entreprises cherchaient à enrichir la croissance en emploi et donc à baisser le taux de chômage qui est l’état d’une personne sans emploi, active et disponible. Grâce à la création d’emplois dits « atypiques » (travail à temps partiel, contrat à durée limitée, contrat de travail temporaires) dès les années 85, le taux de chômage a remarquablement diminué. Il existe un cercle vertueux entre la demande et l’emploi car la demande est à l’origine de la hausse de la productivité des entreprises et lorsqu’une entreprise a une productivité inférieure à la demande réelle, elle aura tendance à embaucher.

La flexibilité du travail permet aussi un enrichissement du contenu en emplois dans l’entreprise. Pour augmenter leur productivité, les entreprises vont faire appel à la flexibilité du travail. En effet les gains de productivité favorisent la croissance économique qui est créatrice d’emploi. La nature des emplois créés est diverses et en fonction du coût du travail l’employeur va décider ou non d’embaucher. D’après la vision libérale qui considère le travail comme une marchandise, c’est le coût du travail trop élevé avec le salaire minimum instauré par l’Etat qui est créateur de chômage. L’offre et la demande ne peuvent alors pas se rencontrer. Pour pallier à cette création de chômage, il faut limiter l’intervention de l’Etat et les rigidités qui l’accompagne. Pour créer davantage d’emplois, la baisse du seuil de croissance est nécessaire. En France dans les années 90, le seuil de croissance a diminué d’environ 2.5% (par rapport à 60/73) et ceci est dû à la multiplication des emplois atypiques comme le temps partiel, emplois créés par la flexibilité du travail. Les employeurs modifient en effet la nature ainsi que le volume des emplois créés en fonction de la croissance (et donc de la demande) dans une logique de rentabilité et compétitivité.
* La flexibilité du travail permet la création d’emplois atypiques, mais ces emplois sont précaires et vont parfois à l’encontre de l’intégration sociale.

Un certain nombre de lois vont permettre la flexibilité du contrat de travail, où le contrat à durée indéterminée est le model dominant. Cependant à côté de la norme du CDI vont apparaître de nouvelles formes d’emplois que l’on appelle travail précaire. La flexibilité du travail a donc modifié la structure des emplois et créé des inégalités tout en ne favorisant pas toujours la croissance de l’emploi.
Un salarié en travail précaire s’investira peu voir pas dans la vie de l’entreprise, puisqu’il sait qu’il n’évoluera pas, qu’il n’a pas de possibilité d’ascension sociale, alors qu’un salarié en CDI, pour obtenir une promotion, sera évalué sur ses performances, sa compétitivité ainsi que son savoir être. La notion de travail a donc évolué puisqu’elle n’est plus toujours facteur d’intégration et de cohésion social. On distingue alors un clivage au sein de l’entreprise entre employés en CDI bien intégrés, et employés précaires. Cet aspect souligne la notion de chômage volontaire mise au point par les libéraux. Ainsi, le chômage est inexistant sur le marché du travail en raison d’un équilibre où l’offre (ressource en main d’œuvre) est égale à la demande (besoin en main d’œuvre) sauf s’il est volontaire, c'est-à-dire que certaines personnes ne souhaitent pas travailler au prix du marché. En effet le sous-emploi (ajustement du temps de travail pour conserver des emplois malgré les gains de productivité), correspondant au travail à temps partiel des personnes souhaitant travailler plus, a fortement augmenté, et certains en arrivent à se sentir exclus du processus de production. C’est le cas des personnes les moins qualifiés tels les ouvriers qui en raison de la tertiairisation de l’activité économique, et les progrès techniques, se sentent dépassés. La flexibilité du travail a donc aussi entraîné un clivage entre personnes les moins diplômées et personnes les plus diplômées. Force est de constater que les premiers, peu adaptés à cette nouvelle politique (habitués au travail répétitif à la chaîne), se sont vus attribués des contrats courts, des passages à la sous-traitance où l’emploi est instable alors que les seconds plus polyvalents car plus qualifiés sont favorisés.

Une entreprise pratique une flexibilité du travail pour augmenter sa productivité en fonction de sa demande. Hors, en France, le taux de chômage s’avère encore élevé puisqu’il touche environ 8% de la population active. Ainsi, on constate que la pratique d’une flexibilité « conventionnelle » n’est pas efficace puisqu’elle ne diminue pas le taux de chômage. La flexibilité du travail a des effets au niveau microéconomique (pour l’entreprise) mais au niveau macroéconomique, il peut n’avoir aucune répercussion. Prenons l’exemple de l’Allemagne : dans les années 80, au moment où la flexibilité était très forte, le taux de croissance de l’emploi était assez faible puisqu’il stagnait autour de 2%. Lorsque la croissance est basse il n’y a pas de création d’emploi. La flexibilité peut donc être élevé au sein de l’entreprise mais n’engendrer aucune réelle répercussion sur l’emploi à l’échelle d’un Etat.

***La flexibilité du travail permet donc une adaptation rapide aux aléas de la conjoncture (fluctuations économiques). Mais la valeur du travail a largement évolué au cours des quarante dernières années si bien qu’il ne représente plus toujours un facteur d’identification social. Pour maintenir les emplois, un comportement est souvent adoptés par les entreprises, elles limitent le temps de travail et imposent des sous emplois. Bien qu’ayant des répercussions au niveau micro, les effets de la flexibilité du travail sur l’emploi ne se font pas toujours sentir au niveau macro.
La question du chômage reste donc aujourd’hui sans réponse. Un idéal économique parviendrait à concilier croissance économique et richesse des emplois dans un cercle vertueux.