L’UTOPIE, ANALYSE DU CONCEPT

L'UTOPIE
1. ESPACE CLOS ET UNIVERS  La clôture de la perfection : La sécurité par insularité, l'identité contre l'incertitude due à la différence, la volonté de l'agir humain démiurgique constituent le fond du projet rationnel (plan, démographie, répartition de l'espace, carré ou cercle). Amélioration intérieure, extension extérieure commandent sa dynamique (More)  La République universelle : Il y a fusion en une nation unique (les murs protecteurs sont provisoires) : abolition des corps provinciaux pour un intérêt unique à structure administrative parfaite dans sa totalité (Cloots)  Temps futurs et vision sublime : Immobile comme un éternel présent comme arraché à l'histoire mais vouée au progrès comme processus caractérisé par sa nécessité et sa perpétuité, l'utopie est le partage du genre humain (Hugo) 2. UN SYSTEME DE REGLES  Omniprésence de la règle. Elle consiste dans l'amour des lois, la règle de droit (code, prescription, sanction sévère édifiés par des juristes et des légistes) pour faire prévaloir l'intérêt supérieur de la collectivité, sa santé morale, sa prospérité et son bonheur (Guevara) La propriété, unique cause du mal : Tous les crimes sont les variantes de l'avarice et donc de la propriété qui a compromis définitivement l'Age d'or de l' Etat de nature, d'où un modèle de législation conforme à l' Etat de nature et un gouvernement fondé sur l'élection et la rotation qui abolissent la propriété et toute politique qui y prête, pour fonder le communisme (Morelly). 

 La vertu dans le communisme : La nature humaine est faillible, l'ascèse utopique vouée infailliblement au relâchement. La vertu (amour fraternel, amitié, justice) fait s'étioler la propriété et
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la domination mais elle n'est que provisoire, même dans un communisme patriarcal où règnent l'égalité économique et politique (Montesquieu)  L'égalité, obligatoire : Il faut mettre en œuvre l'égalité réelle par abolition de la misère et communauté des biens (par un Etat central qui prend en charge la totalité des échanges et de la production, en supprimant tout espoir de devenir plus riche, plus puissant, plus distingué). Seules les qualités acquises prévalent et l'égalité réelle est à tout prix (Babeuf) Education et prévention : Elle appartient à la communauté (éducation physique, intellectuelle et morale). A la collectivisation de l'instruction s'ajoute la nationalisation des sciences et des arts comme celle de la de la culture (sélection des artistes et des savants, organisation collective des activités, diffusion des travaux) jusqu'au despotisme du bien et de la raison (censure, feu éliminent les poisons et l'art n'est plus qu'un travail) : Cabet. Notre gouvernement, c'est l'éducation : Elle postule l'indéfinie perfectibilité du matériau humain et sa nonrésistance aux techniques éducatives.. Elle se substitue à la politique, à la contrainte et à la loi. Le gouvernement se fait eugénique, hygiéniste, instructeur, scientifique (la sanction et la contrainte relevant d'autres instances sociales) : Wells La procréation réglementée Les individus n'ont plus droit à la moindre marge de liberté ni quant à leurs partenaires ni quant à la fréquence de leurs rapports sexuels, en fonction de paramètres médicaux et astrologiques et en vue de leur intérêt collectif (tout comme dans l'allaitement et l'éducation). La sexualité est contrôlée pour éviter les récipients indus (Campanella)
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L'amitié sous le coup de la loi : Il faut remodeler rationnellement la nature en récusant l'idée de progrès engendrant violence, domination et inégalité. Il faut réglementer l'amitié : elle est le fondement de la vertu civique, instrument de moralisation et moyen d'assurer le contrôle social (Saint-Just).  L'organisation collective du travail : Bureaucratique, centralisée, hiérarchisée et autoritaire, l'utopie est uchronique et économique (disparition des conflits, rivalités et la propriété). Technocratique et planificateur, l'Etat organise l'armée industrielle du travail réglementé et contraint, obligé par une sanction d'ordre économique et sociale (Bellamy).  Le châtiment accepté par le coupable : Le coupable a le désir de réintégrer l'ordre social, d'où son approbation du châtiment (par abjuration ou usage de l'autocritique) : il a altéré momentanément la totalité et par là lésé le groupe (Campanella).

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 L'exécution comme acte collectif : La transparence contribue à l'enfermement, la surveillance perpétuelle de chacun par tous. Il y a une liturgie de l'utopie (fête, consentement du condamné, participation du groupe à son élimination, le Bienfaiteur espion et répressif) : Zamiatine.  Eliminer l'autre : L'Etat par raison d'Etat pratique le meurtre et l'esclavage (les rescapés de l'entreprise le sont pour des raisons pratiques : un éventuel déficit de main d'œuvre). Ne sont humains que les citoyens de la communauté utopique (droits et dignité respectés, lois de la cité et lois morales appliquées) : Fontenelle 3. UNE FIGURE DE LA PERFECTION  Un savoir sans bornes : Il s'agit de dominer technologiquement la nature par la connaissance des causes et des effets dans une stratégie démiurgique (l'imiter pour la reproduire, voire la remplacer ou la dépasser), en vue de l'amélioration humaine (Bacon).  Une action sans limites : Après l'inventaire des passions (sensuelles, affectives, distributives) pour grouper les individus selon leurs affinités par séries passionnées, bonheur et épanouissement formeraient une symphonie qui fait parvenir l'homme à la toutepuissance de la domination de l'univers (Fourier).  Le règne du travailleur : Le travail est un plaisir à la source du bonheur collectif qui condamne les inutiles et exalte la transformation du monde-ci. L'industriel doit être investi du pouvoir politique. Il y a une technocratie des producteurs, des savants pour une humanité vouée à la production et à la science. Le continent se transforme en un immense et laborieux atelier dirigé par un parlement européen représentant les producteurs (accord et unanimité s'établissent entre les hommes et les nations) au risque d'une administration des choses : la société se fait ruche (Saint-Simon).  Le bonheur dans la vertu : Fidélité, frugalité, sobriété, douceur, modestie sont l'effet de dispositions spontanées instinctives qui n'a besoin ni de lois ni de juges ou de politique. Antiunitaire, l'îlot utopique n'est ni utopie ni contre utopie (elles prétendent reconstruire, alors que l'anti-utopie veut la perfection donnée et conservée) : Fénelon.
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Vers la félicité universelle : La vertu rigoureuse se confond avec la démocratie en instaurant la félicité universelle. Le peuple est le bien luttant contre l'immoralité de ses ennemis (rois, aristocrates) par le passage révolutionnaire qui accouche des temps nouveaux et restaure entre les êtres régénérés la bienheureuse unité perdue des origines (Robespierre).

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Ambiguïtés du bonheur utopique : Si l'utopie est possible, est-elle pour autant supportable ? La satiété, la stabilité, l'absence d'inquiétude, de passion, ou de lutte engendrent par contrecoup l'ennui auquel on n'échappe que par l'usage des poisons, le suicide ou la fuite. Les vices et les guerres seraient indispensables à la créativité et à l'héroïsme, grandeurs spécifique de l'espèce (sans cela, l'espèce se trouve plongée dans l'hébétude uniforme et désespérante). Bulwer-Lytton. L'unité, idéal du politique : La cité est en paroles par analogie avec le cosmos (organisation, fonction, composition des individus) ; elle est condamnée par l'histoire et vouée à l'histoire dans une vision cyclique et tragique incompatible avec l'utopie. L'unité serait le plus grand bien (cosmos, classe des producteurs à l'âme désirante, celle des philosophes à l'âme raisonnante, classe intermédiaire des gardiens, je individuel auquel se substitue autoritairement et généralement un nous ou moi collectif). Toute appropriation disparaît (biens, meubles, immeubles, enfants, femmes) dans une cohésion sociale absolue sans failles (Platon). De la réconciliation au dépérissement de l'Etat : Le gouvernement des hommes n'est pas l'administration des choses. Il y a une identité de structure entre les forces de la nature et les forces d'action sociale. Il faut leur ajouter l'appropriation sociale qui doit subvertir la division sociale gênante et superflue, même si elle a été historiquement inévitable. La réconciliation produit une unité qui abolit la contradiction entre production et consommation, la rupture entre producteur et outil de production, la division entre exploiteurs et exploités, les antagonismes gérés par l'Etat. On passe ainsi du règne de la nécessité à celui de la liberté (Engels).  Langage et unité politique : La langue de bois doit être retournée : la langue unitaire qui constitue une fin et un moyen pour accélérer le progrès et supprimer les obstacles sur le chemin de la raison triomphante (Orwell).
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Construire la cité immortelle : L’utopie est hantée par la durée (prévoyance, perpétuité, réglementation, intangibilité des lois, égalité), d’où l’analyse des causes de sa corruption et des menaces extérieures (Harrington)  De la longévité corporelle à la stabilité politique : Le ruisselet du progrès doit devenir fleuve et ce, sans aucun terme. Il y a un lien de causalité entre le perfectionnement physique et le perfectionnement scientifique : développement et perfectionnement sont sans fin (Condorcet)

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4. LE PARADIS RECONSTRUIT  L'Age d'or : La combinaison des intérêts individuels produit le bonheur collectif jusqu'à l'arbitrage européen (abbé de Saint Pierre)  L'Eden reconquis : Le progrès technique accompagne le progrès intellectuel et ce, sans fin, pour produire une société de satisfaction complète (sans haine, sans crime, passions organisées, homme libéré, humanité équilibrée) : Zola.

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