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Le DéVeloppement de La Finance Du Xiii Au Xve SièCle

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Pages 45
Nicolas Boulet

Le développement de la banque au Moyen-Age. Les mécanismes financiers en Europe du XIIIème au XVème siècle.
Table des matières Introduction 2 I. Les raisons 3 A. Le développement des échanges 3 B. Une monétisation difficile 5 C. Des projets d’envergures plus risqués 6 II. Les techniques 9 A. Une réponse pratique à l’échange marchand 9 B. Les activités de change et les déséquilibres monétaires 12 C. Les grandes institutions 14 III. Les Obstacles 18 A. L’interdit religieux de l’usure 18 B. Un contexte chaotique 19 C. Les faillites et leurs répercussions 21 Conclusion 22 Annexes 23 Bibliographie 25

Introduction A partir du XIIIème siècle en Europe, on commence à sortir de la situation d’autarcie qui était la règle, les circuits commerciaux commencent à s’ouvrir au-delà de la paroisse au niveau national et international. De ce fait, les marchands commencent à s’organiser afin de mener des projets de plus grande envergure, chacun ayant des bénéfices à tirer des biens produits dans les différentes régions de l’Europe. Cependant cette ouverture des échanges pose de nombreux problèmes pratiques : les expéditions sont très couteuses et doivent être les plus grandes possibles afin d’être rentables et cela demande des fonds considérables qu’un marchand seul, ne peut pas fournir. De plus la diversité des monnaies au sein de l’espace européen à l’époque demande une organisation et rend la présence des changeurs indispensable au bon développement des échanges. On se heurte également à la rareté des monnaies métalliques qui sont le seul moyen de paiement. Des techniques sont mises en place afin d’en utiliser le moins possible sans que cela ne freine le volume des échanges mais cela n’est pas sans risque. Enfin, on remarque que ces activités liées à la finance sont très rentables, surtout lorsque l’on a des fonds suffisants que l’on peut utiliser pour prêter à des marchands, des seigneurs ou encore à des entrepreneurs. C’est tout un système financier qui va naitre durant cette période et qui posera les bases de la banque et de la finance moderne. Les différents métiers se dessinent petit à petit entre les activités de change, de commerce et de banque dont nous essaieront de délimiter mais également de montrer la richesse de leurs interactions vu que ces activités furent parfois confondues. Pourquoi un tel besoin d’innovation dans ce domaine de la finance et de la banque ? A quels besoins répond-il et par quels moyens offre-t-il une réponse aux problèmes du temps en matière d’échange ? Comment se fait-il que ces activités soient autant rémunératrices et quels en sont les risques pour les banquiers mais également pour la population ? Quels sont les freins au développement de la finance et comment les contourner ? Nous verrons donc d’abord les raisons du développement de la banque et de la finance en montrant en quoi le contexte d’élargissement et d’intensification des échanges se heurte à des problèmes pratiques car il faut des fonds importants et que la monnaie est rare. Puis nous verrons les initiatives apportées par les marchands qui se sont convertis en banquiers et changeurs à travers l’ensemble des innovations qu’ils proposent en matière d’organisation financière en essayant de montrer les activités de chacun mais également la mutation des différents métiers. Enfin nous verrons les difficultés auxquelles la finance se heurte d’un point de vue religieux avec l’interdiction de l’usure mais aussi les rigidités institutionnelles dans certaines villes et enfin les risques que comportent la banque et les dommages causés par les faillites.

I. Les raisons
A. Le développement des échanges
Jusqu’au XIII ce sont les échanges régionaux qui dominent du fait du manque de développement des moyens de transport. La région fixe l’horizon des marchands. Aux XIIème et XIIIème siècle, on constate une ouverture des routes économiques. Cela permet le développement économique du point de vue matériel et financier. C’est aussi la période de l’apparition des foires qui permettent les relations commerciales et les transactions financières (qui sont distinctes du commerce de denrées). Elles connaissent un succès du fait de leur sécurité (en 1174 est instauré le garde des foires) assurée par les autorités locales (le duc de champagne se veut le protecteur des marchands se rendant à la foire). Le roi concourt aussi à leur succès du fait d’une faible fiscalité.
Les foires de Champagne avaient une importance capitale de la deuxième moitié du XIIème jusqu'à la première moitié du XIIIe. C’était un endroit stratégique, au croisement des grandes routes européennes qui permettaient la rencontre des pays méditerranéens avec ceux du nord, de la manche au Rhin. Les marchands recevaient une protection sur leur chemin. Des guides et des escortes suivaient les caravanes des marchands, des sanctions étaient prévues pour quiconque ferait obstacle aux mouvements des voyageurs. Une organisation officielle des foires était mise en place, sous la direction du garde des foires on avait des agents de sécurité, des notaires, des courtiers, des mesureurs, des crieurs, des porteurs et des sergents. Les foires étaient alors le sanctuaire des échanges internationaux et il fallait veiller au respect des privilèges de chacun. Le sceaux du garde des foires garantissait l’authenticité des contrats qui étaient établis par les notaires. Les marchands italiens et flamands étaient les plus représentés, ils avaient d’immenses espaces à leur disposition en souterrain afin de stocker leurs marchandises.
Il y avait une grande clientèle composée de vendeurs en gros, comme au détail, des colporteurs comme des clients individuels des seigneurs et bourgeois jusqu’aux humbles villageois qui venaient s’approvisionner aux foires.
C’était aussi l’endroit où s’effectuaient les opérations de crédit. En effet au douzième jour commençait la foire des changeurs et des banquiers. Pendant 4 semaines ils s’installaient à des comptoirs avec leurs sacs de monnaie et balances afin de peser et échanger des lingots et des pièces. Durant deux semaines ils procédaient à la liquidation des dettes et l’audition des comptes depuis l’ouverture de la foire. On engageait des coureurs de Hare afin de communiquer les instructions des maisons commerciales et bancaires (les taux d’échanges ou le cours d’une monnaie ainsi que les ordres de paiements). A la fin on voyait même des coureurs de paiements qui informaient les représentants des banques des montants collectés où dépensés. Les prêts étaient négociés à ces moments. Les taux variaient entre 6% et 30%.
Le déclin des foires de Champagne s’explique par la mise en place de mauvaises mesures fiscales par les rois de France. De plus le commerce est désormais plus direct entre l’Italie et les Flandres avec le développement du transport maritime qui fut du coup plus souvent choisi (malgré le fait qu’il soit plus lent et toujours incertain). Enfin avec les guerres avec les Flandres, les marchands flamands furent interdits de commercer en France. Ces facteurs traduisent le développement de nouvelles méthodes dans le commerce international comme l’émergence des compagnies en Europe.
C’est également la période du développement du transport maritime qui fait des progrès durant les croisades, on construit de des chantiers navals comme à Venise, Gênes, Marseille ou Barcelone. La navigation était cependant limitée à la période estivale.
Les intérêts commerciaux ont conduit les pays à conclure les premiers traités commerciaux, et même entre les chrétiens avec les musulmans. La méditerranée, berceau de la civilisation depuis un millénaire devint une fois de plus le centre de commerce le plus actif au détriment de la route du Danube. On notera que la puissance de villes comme Venise était fondée sur l’échange commercial dont on retiendra des expéditions maritimes de grande envergure comme celle de Marco Polo.
Avec ouverture des nouvelles routes, on a bien une réduction des distances mais subsistent des problèmes généraux d’appréhension des milieux étrangers et des problèmes spécifiques d’adaptation aux marchés et aux affaires.
Les marchands lucquois furent les premiers italiens à commercer avec l’Eu du Nord. En témoigne le traité ratifié le 10 juillet 1153 entre Lucques et son alliée Gênes.
Gênes consentait à protéger les personnes et les biens des marchands lucquois qui passaient par le territoire génois afin de se rendre aux foires du nord dans que les marchandises n’étaient pas directement concurrentes avec celles de Gênes. De même les lucquois avaient l’autorisation de rentrer à Lucques (en passant par gênes) en payant un péage de 5 sous.
En 1209 les marchands de Lucques furent considérés, comme leurs compatriotes Florentins, de Pise, Milanais, Genois et vénitiens comme sous la protection royale garantie par Philippe II afin de garantir leur sécurité durant leur trajet jusqu’aux foires de Champagne. En 1218, Lamberto de Lucques était un créditeur de la comtesse Blanche de castille et en 1222 ils eurent l’autorisation par le nouveau compte Thibault IV pour les marchands italiens résidant en Champagne sous sa protection de mener tout type de transaction financière excepté les prêt à cout terme. En 1232 Lucques et le prêt de monnaie étaient donc toujours liés aux foire de champagne quand Thibault IV engagea un teinturier lucquois pour sa femme et lui conféra une license pour ses activités de change. Au long du XIIIe, la Champagne resta le point central de des opérations commerciales et financières lucquoises en Europe du nord. Dès 1250 les lucquois avaient des stands permanents dans deux foires de la province de Troyes. On ne connait pas le nombre exact de marchands lucquois présent mais en 1268 ils étaient suffisamment nombreux et dispersés dans la région pour avoir l’appellation de « universis mercatoribus de Luca commoranribus in Francia ac aliis regionibus convinvinis » dans une lettre du vicaire de Charles d’Anjou à Lucques annonçant la prise du port de Motrone par les forces de Charles. En 1277 les lucquois basés en Champagne nommèrent deux de leurs confrères Nicolaus Mordecastelli et Enricus de castri pour représenter les intérêts de la societas mercatorum tuscanorum et lombardorum (corpo des marchands italiens commercant dans les foires de Champagne).
Les origines restent inconnues pour le Commerce à l’international de Lucques. On a cependant la première apparition dans les sources de la societas ricciardorum en 1247 quand elle comportait déjà au moins 13 partenaires. Dans le dernier quart de siècle il existait 22 partenaires engagés dans la finance et le commerce international à Lucques.
Les partenariats obéissaient à des règles strictes sur les échanges effectuées par les différentes parties, des audits étaient réalisés au moins 3x par an et on avait également des règles sur les habitudes sociales des partenaires (interdiction de participer à des jeux d’argent par exemple).
Sur le long terme (60ans) le marché de l’échange à l’étranger à Lucques basé sur les foires de Champagne était caractérisé par de longues périodes de stabilité. Les importants réajustements résultaient essentiellement des prix des monnaies. L’introduction du florin d’or et le déclin de l’argent toscan avec toutes ses variations sur la période. L’exemple de 1284 montre l’impact des largues quantités de soie importées avait sur les demandes de crédit à court terme pour régler les achats : la monnaie se raréfiait alors et augmentait ainsi le prix du provinois pendant que les faibles volumes de capitaux affrétés à l’échange internat le faisait baisser. On avait ainsi un cycle entre les foires. Les prévisions de cours étaient possible et c’est pour ça que les changeurs italiens avaient tout intérêt à être présent en Champagne, cela permettait en effet de larges profits.

B. Une monétisation difficile
Avant la découverte du Pérou ou du Mexique, les mines saxonnes, tchèques et de Tyrol fournissaient l’Europe en argent qui était un métal de plus en plus recherché. On exploitait également les mines de fer en Italie, au pays basque, en France et en Allemagne. Les mines de plomb en Bretagne et de cuivre en Italie et Allemagne. Bien que ces métaux trouvent de multiples usages (guerre, sciences) dans toute l’Europe c’est l’Italie qui est la référence en matière de création monétaire.
Néanmoins ces mines européennes ne parviennent pas à approvisionner en quantité suffisante toute l’Europe pour subvenir à ses besoins commerciaux. Il y a un réel problème causé par le manque de métaux précieux afin de battre les monnaies. De plus les métaux précieux font l’objet d’une thésaurisation (objets de culte, vaisselle…). Ces pénuries de métaux augmentent donc la valeur de la monnaie ce qui correspond alors à une situation d’inflation.
On assiste ainsi à de véritables guerres monétaires pour détourner les métaux des pays voisins en offrant de meilleurs cours mais également avec des moyens moins licites comme l’émission de faux, la refonte, le changement des alliages… Cette situation favorise d’autant plus la thésaurisation. L’expression de Gresham « La mauvaise monnaie chasse la bonne » au XVIème siècle est donc déjà applicable à la période.
La conséquence de cette rareté est le développement de la monnaie noire (billon), cependant elle n’est pas pratique lorsqu’il s’agit d’échanger des sommes importantes : à la fin du XIIème siècle la Comtesse de champagne doit payer 3 quintaux, soit un charriot rempli, pour acheter la neutralité de Philippe Auguste face à un mouvement d’émancipation urbaine.

On comprend ainsi, au-delà des questions de prestige, la volonté d’un retour à la « grosse monnaie » selon le modèle de Charlemagne. En effet on a le « matapan » de Venise en 1203, à Florence en 1237 le « sou » qui vaut 12 deniers (on remarquera que les grosses monnaies correspondent généralement à 12 pièces de petite monnaie), en 1266 en France le Gros tournoi, et le « groat » en 1279 en Angleterre. On a donc une généralisation de ces grosses monnaies d’argent à l’échelle de l’Europe. Puis on constate un retour à l’or pour que ce soit encore plus pratique (valeur x12) à partir de 1252 pour Venise et Gênes.
On peut voir également une grande diversité des devises. Cela pose problème parce que parfois il y a une perte au change et certaines espèces, lorsque le change n’est pas connu peuvent être refusées. On a l’exemple de la taverne de l’Ecu de Bretagne (Paris 1424) où un soldat anglais qui veut payer un écu d’or voit sa monnaie refusée ce qui est à l’origine d’une violente dispute dans l’auberge.
De plus on constate que des monnaies de substitution existent. Le troc n’est pas mort et on utilise notamment le cuir, la peau de martre ou d’autres matières comme monnaie. Dans le même temps on cherche de nouvelles routes vers l’or. En fait dans ces recherches on trouve beaucoup plus d’autres richesses (blé, sucre) que d’or.
Une solution efficace est trouvée dans la monnaie scripturaire car le volume des affaires est indifférent de la quantité de métal disponible. On règle seulement les différences en métaux. En fait les pièces d’or et d’argent ne servent que dans les petites transactions quotidiennes (salaire homme d’armes, maçon, valet).
Le jeu bancaire va apporter des changements radicaux. Développé par les grands banquiers italiens il permet de développer le prêt et lever l’asphyxie due au manque de métaux dans les grandes villes.
C. Des projets d’envergures plus risqués
Pb reste les taxes de transport : transport peut rpz 60% du coût pour denrées de haute valeur…
Avant les crises du XIV les grandes fortunes sont concentrées dans l’aristocratie rurale. Cependant les grandes expéditions (commerce à l’échelle nationale ou internationale, expéditions maritimes…) dépassent l’investisseur individuel d’autant plus que ces projets présentent des risques important : mieux vaut posséder 12 parts dans 12 bateaux qu’en avoir un à soi entier, qui peut sombrer avec tous les espoirs qu’il porte.
De plus en termes d’organisation, les marchands doivent rationnaliser la distribution des marchandises : le marchand ne peut pas être sur toutes les routes à la fois. C’est ainsi que les Hanséates mobilisent toute leur famille pour rationaliser les déplacements avec un système de commission mais cela reste seulement une organisation contractuelle du travail commercial.
Avec les commandes maritimes et le grand commerce terrestre (Aller/Retour en Orient ou dans la mer du nord) se rencontrent toutes les formes de participation financières entre particuliers. Ce sont des Investissement avec forte variabilité de la rémunération du fait du risque lié à ces expéditions.
Ce n’est qu’à partir du XIVe –après la guerre de 100ans- que se développent le crédit. Les rouennais multiplient les « prêts à la grosse aventure » qui ne lient plus les apporteurs de fonds à une part du fret mais qui tiennent le rôle d’une assurance maritime. Offre plus de liberté à celui qui mène l’expédition. Il est seulement tenu à une rentabilité et non pas à des consignes précises de marchandises.
On a donc des sociétés de participations qui fournissent un cadre idéal aux petites affaires. Cependant pour les grandes affaires les toscans ont d’autres moyens de financement. Les grands marchands sont aussi de grands banquiers reçoivent assez de dépôts pour financer leurs activités sans apport extérieur. Cela permet des trafics moins étroitement liés à leur objet même s’ils restent complémentaires. A partir de 1350 distinction de 3 principales fonctions avec l’ampleur des volumes : financement, direction et labeur salarié. Cette distinction sera à la base du capitalisme.
On a l’exemple de Francesco di Marco Datini aui est l’associé de neuf sociétés polyvalentes réparties dans l’espace économique européen. Cela lui permet de commercer sur des gros volumes tout en ayant une réduction des risques.
Avec le temps on observe une tendance des capitaux à se diriger vers des placements plus ouverts qui sont géographiquement éloignés des concentrations bourgeoises. Le capital des mines de Bosnie est donc aux financiers allemands, italiens voir grecs. C’est le même besoin de groupement des capacités financières qui pousse dès le XIVe des éleveurs castillans à s’unir en une association à l’échelle du pays : la Mesta. Mise en commun des troupeaux des grands seigneurs et monastères (dont l’Escorial est l’exemple le plus connu). Cela conduit à une fixation des centres commerciaux (foires d’automne de Medina del campo ou de riaza, foires d’hiver de villanueva de la serena) où les transactions se précisent. Financement, gestion et exécution sont, une fois de plus, dissociés.
Début XV se développent les « commandites » qui permettent la mise en commun des disponibilités financières sans engager le partage des responsabilités. En effet la responsabilité limitée est légale à partir de 1408 à Florence. Cela permet aux petits épargnants d’être investisseurs. De plus les investisseurs comme les entrepreneurs : l’entrepreneur a des capitaux disponibles qu’il ne rémunère qu’en cas de profit, l’autre voit des investissements spéculatifs avec un risque limité. Par exemple à Gênes on a des sociétés à carat : comme l’or est à 24 carats, la société est divisée en 24 parts égales. Après rien n’interdit de subdiviser les carats : on peut investir dans ¼ de carat soit 1/96e d’un navire ou d’une exploitation. Ce système n’est pourtant pas nouveau : à Toulouse les moulins sont la propriété de « pariers » qui possèdent ensemble un ou plusieurs moulins. A partir des années 1370 les moulins sont divisés en 8 parts « uchaux ». Ces parts sont cessibles et assurent la pérennité de l’entreprise. Si un moulin brule, les uchaux de la société s’effondrent tandis que la cote des autres monte. Cependant c’est un système assez opaque avec une liberté d’entreprendre limitée.
On avait donc l’habitude de se regrouper en associations. Voyons comment ces associations sont porteuses du changement et comment elle ont pu soutenir la croissance économique dans des villes comme Lucques au XIIIe siècle.
Les associations à portée internationale étaient tournées vers le commerce et la finance (on notera notamment celle formée autour de la famille Ricciardi qui commerce beaucoup avec l’Angleterre). Ces associations fonctionnent avec des joint-ventures avec des marchands d’Europe du Nord dès le milieu du XIIIème siècle. On sort alors du cadre de la famille qui restait le cadre normal des affaires). En plus on avait des facteurs (factores) en plus des des partenaires œuvrant pour leurs associations, ces factores étaient souvent des jeunes gens qui profitaient de cette position afin de se former. Ils assistaient les différentes parties et gagnaient de l’expérience dans ce terrain. De plus on commençait à étendre les activités commerciales au-delà des foires de Champagne et d’aller directement dans les Flandres (qui étaient des centres de production). On note également une installation des lucquois dans les différents centres où ils faisaient affaires (fin du XII dans les Flandres, milieu du XIII à Paris). C’est en Angleterre que fut le terrain le plus fertile pour leur business d’entreprenariat. Ils y apparurent vers 1240 en tant que pourvoyeurs de textile (soie) : ce fut un élément déterminant du développement de l’Angleterre.
Cependant il n’y a pas de centralisation du contrôle de ces activités à l’international depuis Lucques comme le montre la chute du siennois Bonsignori à la fin du siècle.
Les partenariats étaient cependant plus forts que ce que l’on entend maintenant. Cela s’illustre bien avec les noms des compagnies comme « societas ricciardorum, societas filiorum Paganelli ». On entendait donc les partenariats comme l’appartenance à une même entreprise. En effet dans le dernier quart du XIIIe on était mentionné dans les contrats « pro se ipsis et pro dicta societae et gestorio nomine pro aliis eorum et dicta societae », on distinguait ainsi la société d’entre les parties. De plus les tiers parties étaient concernées par ce système, elles avaient ainsi l’assurance que les affaires étaient menées dans le cadre d’un partenariat ou les sociétés étaient identifiées. Cependant ces partenariats n’étaient conclus que sur des objets précis clairement énoncés dans le contrat. On note quand même une certaine flexibilité du moment que les principes de formation du capital étaient respectés. La durée du partenariat était fixée (de quelques mois à plusieurs années) et comportaient généralement une clause permettant de les prolonger. On note que des provisions étaient faites afin d’anticiper le départ d’un partenaire qui pouvait se voir contraint à verser des indemnités. Une comptabilité générale était dressée afin de déterminer les apports de chacun à l’actif ou au passif.
A Lucques, comme dans le reste de l’Italie les nouvelles conditions et possibilités résultaient des innovations dans ce domaine. On note que cela ressemblait déjà à la structure d’une compagnie moderne qui était également celle employée par la banque Médicis au XV.
Afin de donner plus de flexibilité à ce système, le joint-venture était fréquemment employé afin de donner plus de flexibilité à ce système notamment en matière d’organisation du capital et de diversification des activités et de division du risque. Il amenait plusieurs parties à mener conjointement la même transaction ou série de transactions.
On note que les entrepreneurs agissant seuls étaient très rares, ils préféraient commercer collectivement à travers un partenariat ou un joint-venture.

II. Les techniques
A. Une réponse pratique à l’échange marchand
Jusqu’au XIe siècle le crédit existait sous des formes primitives qui étaient uniquement adapte à la production autarcique des villages. On avait seulement des prêts à la consommation afin de survivre. Jusqu’au XIII, l’autarcie était la norme. Ce n’est qu’à partir du XIII qu’apparait le negociator, le mercator dont l’échange est sa principale activité. Ils occupaient la position d’intermédiaire dont la fonction principale est l’achat et la revente des matières premières. Ils étaient protégés par le jus nercatorum. La majorité des marchands se fixèrent quelque part, on distingue alors le petit commerce urbain du commerce à l’échelle nationale ou internationale. Ce commerce à plus long cours était représenté par une minorité de notables et riches marchands (meliores, divites). Ainsi les marchands qui s’investirent dans ce commerce, mettaient souvent leurs ressources en commun et partageaient les risques. Les chrétiens supplantèrent bientôt les juifs dans ces activités de commerce à grande échelle, au premier rang desquels s’imposèrent les Italiens. En effet les marchands italiens se sont imposés en Italie centrale, France, Espagne Angleterre et au Sud de l’Allemagne jusqu'à la moitié du XIIIe. Les autres régions s’organisèrent en communautés, les hanses qui devinrent importantes au XII et XIII dont l’objet était de faciliter le commerce aux foires de Champagne. C’est sur ce modèle que fut créée la ligue hanséatique afin de monopoliser le trafic entre les pays du nord et l’occident.
Dans la pratique les achats se font à crédit sauf pour les voyageurs où dans un quartier où l’on n’est pas connu. Ce ne sera qu’avec les sociétés urbaines que l’on généralisera le paiement au comptant. La familiarité avec le crédit conduit au trafic des créances. L’escompte des traites 1250 en Italie et XIVe en France et en Angleterre. L’anticipation qu’est l’escompte justifie naturellement un nouveau calcul du prix. A ce trafic, chacun gagne au prorata du temps, éventuellement pondéré par l’évaluation du risque.
On note également l’apparition des « prêts amicaux » qui sont l’apanage des petites gens et qui sont motivés par un respect de l’Evangile. Il s’agit de petites sommes qui sont prêtées à très court terme (8jours). Une amende (=indemnitée) est généralement prévue lorsque les délais ne sont pas respectés. De plus, une pratique assez simple consiste à qualifier l’intérêt de « don ». Le sous-diacre Jean de Bar ayant prêté 500 florins à Clément VII le 15 juillet 1381, la Trésorerie lui versa le 12 décembre les 500 florins en remboursement plus 15 florins en don.
Si ces différentes pratiques sont utiles dans la vie courante du bourgeois, de nouveaux moyens vont être imaginé pour les gros négociants qui ont l’occasion de saisir d’importantes opportunités.
La lettre de change est une innovation majeure dans les échanges commerciaux du Moye-Age car elle constitue la première monnaie papier. Apparue en Europe au XII avec les Templiers afin de camoufler le fait qu’ils percevaient des intérêts en recevant la monnaie dans une devise différente. Elle fut largement utilisée par les marchands ce qui leur évitaient de convoyer avec eux de grosses quantités de monnaie. Son fonctionnement est illustré par le tableau ci-dessous.

Les grandes foires donnent un caractère cyclique à l’économie. On connait facilement les échéances de paiements (entre client et marchand ou entre les marchands). On achète surtout de la laine et du vin. Cependant le vin est un produit lié à la région et on ne trouve pas les meilleurs prix pour la laine (on l’a beaucoup moins cher et assez facilement sur d’autres marchés locaux ou spécialisés). Les marchés spécialisés survivent : la laine à Medina Del campo au XIVème siècle, soierie et épices à Lyon XV et ce malgré la concurrence des ports languedociens et de Genève). Cependant les foires sont également le moyen de fixer des cotes pour les devises, et les cargaisons à venir. Cette organisation permet également la survie de certaines foires (Boston en Angleterre pour la laine et les draps, Berg op Zoom dans la distribution des draps, Francfort pour l’ensemble des produits Allemands (= toiles, outils, armes, hareng), Leipzig avec les fourrures de Pologne et de Russie. Enfin, Genève bénéficie du trafic transalpin avec des produits issus négoce avec l’Italie et l’Europe du Nord-Ouest. On a également des foires de change qui suffisent à attirer des individus désireux d’y effectuer des transactions. Les foires sont sur le déclin (comme les foires de champagne depuis 1300) survivent grâce aux activités de change qui restent attractives
XIII, Bruges : les crédits existaient mais n’étaient pas institutionnalisés. C’étaient les plus riches qui prêtaient. On a notamment les financiers d’Arras qui faisaient des crédits à la ville de Bruges. C’étaient seulement de riches rentiers (ne faisaient pas d’opérations avec leur argent pour s’enrichir comme le faisaient les banquiers italiens avec les foires de Champage. Les taux d’intérêts étaient de 14%. On prêtait aux villes en espérant d’importants retours, cependant ce n’était que très rarement le cas. En effet dès 1295 la ville de Bruges écrit au pape pour accuser les financiers d’Arras qui mettait en péril la santé financière de la ville. Cela donna suite à plusieurs bulles pontificales qui restèrent sans effet… En 1299 un arrangement fut trouvé sur la somme à rembourser (110000 livres parisis en 11 ans) cependant à cause de la guerre avec la France les versements furent interrompus et la dette, bien que renégociée à plusieurs reprises ne fut jamais honorée.
Bruges était une ville centrale dans l’organisation commerciale européenne des italiens. Même si pour Sombart il n’y avait aucune rationalité économique au moyen-âge, on peut considérer que les italiens faisaient preuve de rationalité éco car ils étaient en constante recherche de l’amélioration de leurs procédés. En effet comme la concurrence était importante, les marchands ne s’octroyaient que de faibles marges et donc leur organisation devait être la plus efficace possible.
On note également que les affaires étaient globalement lentes (faible rotation des actifs) alors que les investissements étaient importants. Cela mène notamment a l’usage de la lettre de change mais également des grands centres urbains ou les activités commerciales étaient concentrées. Cependant afin de pouvoir faciliter les paiements on faisait des partenariats afin d’effectuer les transferts de dettes car les parties ne pouvaient pas être présentes à chaque fois.
Les conditions économiques de Lucques qui permettait ce système de partenariat et Joint-venture. Ces conditions étaient dues au développement d’une tierce association qui permettaient d’attirer le capital au-delà de la communauté marchande et commerciale. Afin de répondre à la demande de capital on avait des associations « societas ad partem lucri » qui avaient pour fonction de permettre des dépôts rémunérés à des taux fixes. Ces associations connurent une popularité croissante. Le terme de ce dépôt était clairement spécifié et selon les circonstances le partenaire actif se devait de lui rendre le dépôt +/- le pourcentage de profit/perte il assignait à l’investisseur. Ce pourcentage était informellement déterminé à l’avance. Même si cela ressemble à un simple dépôt, sa structure juridique diffère. En effet le taux de profit/perte était dépendant du succès ou non de l’entreprise. Le taux d’intérêt fixé représentait ainsi le risque pris par le déposant.
Cela a joué un rôle important dans le partage des capitaux dans le cadre de l’extension du commerce (les dépôts pouvaient être déposés à plusieurs). ex : le partenariat des fils d’Orlando Bettori était une des plus importantes organisations engagée dans le commerce et la finance à l’international. En 1272 les Bettori étaient représentés à Gênes pour la soie et la Banque, leurs agents étaient les premiers lucquois en Angleterre ou ils étaient actifs dans le commerce de la laine, les finances et plus tard dans les dépôts papaux.
En janvier 1273 ils reçurent 380 livres de deux frères Jocobo et Niccolo, fils de Ugolino Ponci. En septembre 73 les Bettori acceptèrent 410 livres du noble Guido Porcho.
On note aussi que les déposants étaient des individus qui étaient indirectement liés à l’activité qui allait être développée avec les dépôts (un marchand de laine qui aide à investir dans le commerce d’un marchand d’habits). Ce système était pratique car il permettait de limiter les risques, (supportés en partie par la societas ad partem lucri).
On a également le cas de la famille Ricciardi, famille de premier ordre à Lucques. Le commerce de la soie est au cœur de leurs activités (vers 1230). En 1245 Perfetto emprunte 175livres lucquoises d’un changeur local (stratégie de ne pas vendre ses propriétés, il en avait pas mal). Finalement il a toute une collection de propriétés rurales qu’il entretien et qui sont autogérées et rapportent des profits, permet de mettre en place des économies d’échelles dans la campagne qui reste très fractionnée. Les fermes sont plus efficaces même si l’enrichissement là-dessus n’était pas son but principal. Il rémunérait de façon fixe les fermiers et cela marchait très bien car ils avaient une stabilité de vie et du coup restaient en place ce qui était un problème de l’époque d’avoir une main d’œuvre très volatile avec beaucoup de turnover comme le montre l’abondance des journaliers à l’époque.
Si d’une manière générale, les risques des projets restent très présents, ils justifient la rémunération du prêteur. Il existe quand même des moyens de les éviter en dégageant, divisant ou thésaurisant.
B. Les activités de change et les déséquilibres monétaires
Les métiers de changeurs sont très rémunérateurs : Sur 503 parisiens assujettis à l’impôt de 1423 on compte 43 changeurs. Dont 10 figurent parmi les 20 les + lourdement taxés.
Ce sont eux qui vont faire muer la monnaie avec une modification du rapport du métal précieux dans la monnaie dans le but d’effectuer une correction par rapport à la réalité économique.
On a le change tiré : change qui n’est pas immédiat. Echange des soldes entre les différentes succursales. Utile pour réaliser les paiements lointains. Cependant fondé sur la confiance du tireur. C’est le tirage des changes qui permet le remploi commercial lors des expéditions et permet de rentabiliser le voyage dans les 2 sens.
On note une Grande instabilité des monnaies. Seule valeur « refuge » = florin de Florence + sou de florin (1/29e = 12 puis 27 deniers de monnaie courante). Cette monnaie permet de se mettre à l’abri des crises sur l’argent.
Si le taux d’intérêt avait été le seul facteur déterminant du niveau du taux de change alors un rachat de créances aurait toujours été profitable. Cependant on note d’autres forces qui causaient d’importants déséquilibres sur le marché des changes. En effet la fluctuation des monnaies, les déséquilibres des balances des paiements entre les régions mais aussi les spéculations selon les prévisions des changeurs qui voulaient s ‘accaparer le marché en tirant des profits durant les périodes de pénuries de monnaie sont autant d’éléments qui provoquent de violentes variations dans le cours du change.
Ex : si il y a une pénurie de ducats de Venise celui-ci s’appréciait et donc le florin également (le ducat était basé sur le florin), suivaient ensuite le Franc. Cela correspond à une situation de trop-plein de ducats à Venise (et donc pas assez pour les marchands étrangers). La situation commerciale de Venise (excédent de la balance des paiements) à une influence sur les monnaies et la spéculation est alors possible.
Généralement les valeurs des monnaies sont à l’équilibre, qui était quand même recherche car les déséquilibres freinaient les échanges. En effet dans les cas d’importantes fluctuations c’étaient les créanciers qui tiraient le plus de profit (grâce au taux d’intérêt) cependant les déséquilibres pouvaient leur être défavorables lorsque ces derniers étaient trop important pour être contenus par les taux d’intérêts.
L’excès comme le manque de monnaie dans une région amenait une situation économique défavorable. On note ainsi une économie assez cyclique oscillant entre ces deux types de déséquilibres.
On à un exemple détaillé avec les écrits des Orlandinis de Bruges destines à Gênes. Dans une lettre du 26 novembre 1399 la situation décrite est que la monnaie est chère mais les prix sont bas ce qui permet un enrichissement de ceux qui avaient des liquidités. En mars 1400, la faible demande fait que la monnaie est peu chère mais le commerce est ralenti. On assiste ici a une situation de dépression causée par un mécanisme de spirale déflationniste (comme la monnaie faiblit, les prix sont moins chers, les consommateurs attendent ainsi avant d’acheter afin de faire les meilleurs affaires ce qui contraint les vendeurs à diminuer leurs prix afin de survivre ce qui amplifie le phénomène). Il y a une intervention du pouvoir public afin de relancer le commerce. C’est ainsi qu’en février 1401 la monnaie est toujours abondante et cette fois ci les prévisions commerciales sont favorables, de ce fait les taux d’intérêts augmentent en prévision d’une pénurie de monnaie.
Les changeurs de Bruges, bien que riches, conduisaient leurs affaires dans de petits ateliers/magasins. De plus ils étaient situés dans le centre de la ville (différent des lombards qui étaient plus excentrés et dans des plus grands espaces). L’outil le plus utile dans leurs activités était la table de change. Cependant leurs activités allaient bien au-delà de l’échange direct d’une monnaie dans une autre, ils étaient aussi banquiers comme ce fut le cas des changeurs des Flandres.
Si beaucoup pensent le change comme moyen de transporter les fonds en se dispensant du transport matériel des espèces le crédit est estimé à sa juste valeur, c’est lui qui ménage le preneur. Il a investi dans le change et il retrouvera son argent que plus tard et il en sera dédommagé. La banque nait de cet échange d’obligation à terme.
C’est de cet échange d’obligation à long terme que nait la banque au sens moderne du terme. Les places bancaires seront donc dans un premier temps les places commerciales où le trafic des marchandises laisse disponible un complexe de créances. On ne tire des changes que sur une place où il y a de l’argent (et donc des marchandises).
Les milieux d’affaires peuvent avoir une politique européenne délibérée et non contingente. Florence met la main au XIVe sur les mouvements de fonds sur la fiscalité pontificale, collectent des impôts à Londres à l’Eglise d’Angleterre et achètent des laines sans avoir à livrer à Avignon les laines d’une indus florentine qui n’a pas de créances sur Londres. Quand ils donnent les finances de Cracovie à la pontificale, ils ne se demandent pas s’ils ont des biens à acheter à Cracovie. Ce n’est qu’à la fin du siècle que la banque se détachera des marchandises et fera transiter les crédits sans l’intermédiaire des marchandises (s’éloigne du commerce). Toujours est-il que ce sont les balances commerciales qui déterminent le prix de l’argent. Cela amène un nouveau type de banquier qui est plus un homme d’affaires international que le simple changeur dont l’activité reste cloisonné au sein des villes. C’est grâce aux avantages de ce système que les banquiers développent ces activités. De plus ce système, par la vitesse de la circulation des capitaux permet de pallier le manque de numéraire en circulation parce qu’il s’en détache.
Pour De Roover, il y a une confusion des historiens dans l’utilisation du terme « lombard » conduisant à d’importantes erreurs dans l’interprétation de l’histoire de la naissance de la banque en Europe. Les lombards ne sont pas tous les gens de Lombardie qui venaient du milieu de la finance. Dans sa reconstruction de l’évolution des techniques bancaires, il existait 3 catégories d’activités fin au MA : les banquiers marchands qui ont évolués vers les activités purement bancaires, le change de monnaies et les activités de dépôts et transferts d’argents et les prêteurs sur gages dont l’activité n’a pas évolué dans des activités bancaires mais plutôt dans des activités de charité avec des institutions publics au XVIe (monts de piété). Cependant cette distinction, justifiée dans les travaux de De Roover sur Bruges pendant le haut Moyen-Age, n’était pas aussi distincte à Lucques au XIII.
C. Les grandes institutions
Les institutions de crédit ne firent leur apparition qu’à la fin du XIIIe avec l’arrivée des marchands italiens dans la région qui avaient délaissés les foires de Champagne et qui marque l’arrivée d’un nouveau mode d’organisation commercial plus rationnalisé qui vient remplacer celui des marchands itinérants. Cela amorcera le mercantilisme.
Les milieux toscans privilégient le modèle de la compagnie dès 1300. En effet ce modèle est plus complexe mais également plus adapté à la concentration de capitaux. L’investissement est vite distinct de l’activité commerciale ou bancaire. C’est un modèle qui est fondé sur la famille ce qui donne lieu à des alliances stratégiques et permet la confiance. En 1335 la puissante compagnie florentine des Peruzzi, six des 15 branches ont à leur tête un associé ou le fils d’un associé et trois d’entre eux sont représentées par le fils, le cousin et le neveu de l’associé principal : Giotto di Arnoldo de’ Peruzzi. Idem avec les frères Fugger qui se partagent les responsabilités. L’ainé, Ulrich dirige les affaires à Augsbourg et noue la trame des relations avec Fréderic III. Andreas et Johann sont un temps à Venise. Peter et Georg se succèdent à Nuremberg. Marcus, secrétaire à la chancellerie pontificale. Comme la société en commandite, les associés partagent risques, profits et pertes. Cependant la compagnie introduit la notion de responsabilité collective, cimentée par l’interdiction des appartenances multiples. Cependant si les Peruzzi liquident leur société en 1335 avec une perte de 15% sur le capital, les liquidations successives depuis 1300 ont assuré 15 à 20% de dividendes annuels. Au XVe les Médicis offrent 30% à la filiale de Genève (1430-1450) et plus de 60% après 1450.
Les dépôts sont constitutifs du système. Cependant le dépositaire n’a aucun regard sur les activités de la banque. Son intérêt est garanti et il varie selon la loi de l’offre et la demande. En effet en Italie au XVe les compagnies servent de 8%à 12% l’an. A Lubeck de 1280 à 1310 on les voit tomber de 10 à 5% parce que l’S est importante. Cependant ce système repose sur la confiance des déposants : A la clôture de 1318 les Bardi ont un actif de 1 266 775 Livres dans lequel le capital social entre pour moins de 100 000 Livres, emprunter 12x son capital pour développer ses affaires c’est mettre celles-ci à la merci d’un mouvement de méfiance. (1342 1346 : crise de méfiance, les Médicis restent quand même une référence au prix de faibles taux d’intérêts). En effet servir aux déposants des taux de 12% signifie qu’on se fait fort de dépasser ce taux de profit. Cependant le risque est très important que les opérateurs inventent des protections. L’une est la société à carats qui permet la multiplicité des petites participations et où les intérêts ne sont pas garantis (généralement les compagnies comme celles des Peruzzi et des Bardi sont obligées de servir des intérêts même si la compagnie fait des pertes). L’autre est le dépôt à terme qui permet aux compagnies de se prémunir des retraits massifs qui interviennent lors des crises de confiance et qui peuvent faire couler les institutions. Cependant le gigantisme des compagnies constitue un danger dans la mesure si les risques se concrétisent. Les Toscans imaginent donc un système dès 1370 avec des sociétés filiales qui font des affaires où les risques sont complémentaires. Il tend aussi à favoriser les initiatives locales, seule réplique à la lenteur paralysante des communications. Les différentes sociétés ont les mêmes intérêts et les dirigeants ont la liberté dans la saisie des opportunités et la prise de risque, le tout dans une politique globale symbolisée par le nom collectif. Ce système s’impose au XV comme la structure idéale. Toujours est-il que la famille à l’origine de la compagnie entend être majoritaire dans chacune de ses filiales, elle est plus tangible en ce qui concerne la gestion et le représentant sur place est plus à-même de former des jugements immédiats sur les hommes et sur les affaires. Cependant c’est la division des risques qui est la plus utile.
La réussite des Médicis est en ce sensexceptionnelle. Mais ils ne sont pas les seuls sur le marché européen. Joseph Hompys fonde en 1380 la « grande société commerciale de Ravensburg » qui installe des filières dans toute l’Europe.
La monnaie était le moyen du financement. Comment étaient organisés les fonds qui étaient a la disposition des grandes institutions de crédit ? On note que pour avoir du change dans différentes monnaies elles pratiquaient des activités commerciales, notamment avec le commerce des matières premières ou à travers des prêts aux marchands. On a l’exemple d’un article d’Angelo Tani, partenaire de la banque Médicis à Bruges qui voyaient ses activités règlementées. En effet ses opérations devaient être licites et s’il avait l’autorisation d’octroyer des prêts, il ne pouvait être créancier ni de l’Eglise, ni de seigneurs. On voit ainsi un exemple d’un marchand banquier. Cette situation était assez courante dans ce milieu et la pratique la plus répandue était le rachat de lettres de change a des marchands aui n’étaient pas forcement des clients de la banque a laquelle ils appartenaient.
Le premier échange des banques avec Bruges est daté de 1306 avec le contrat de change (cambium) entre Giovanni Villani (représentant de la banque Peruzzi) et Tommaso Fini (de la compagnie Gallerani de Sienne). C’est un document notarié dans la mesure où l’échange n’est pas direct. En effet Tomaso reçoit des gruaus et promet de remettre des livres lors d’une foire qui aura lieu dans 1an. Ce type de contrat est particulièrement utilisé par les marchands itinérants qui avaient besoin de différentes devises afin de mener leurs affaires. Cependant le cambium tombe en désuétude avec la montée des comptoirs à l’étranger qui est une initiative italienne afin de trouver une solution à ces problèmes de change (on note que leur développement accompagne le déclin des foires de Champagne). Cela va de pair avec le développement de la lettre de change qui est un moyen pratique afin de régler ses achats. Le cambium perdure toutefois en Europe du Nord et est mentionné jusqu’au XVIe siècle. Il en va de même pour le cambium nauticum qui est le même type de contrat adapté aux expéditions maritimes et est conditionné au succès de l’expédition.
La famille apparait dans les actes notariés de la ville pour la première fois en 1250 en tant que changeurs « campsores ». Plus tard ils seront largement associés au développement des banques et de la finance à l’échelle internationale. Ils sont au cœur de la naissance de la banque à Lucques, centre industriel et commercial de premier ordre. Les sources nous éclairent assez précisément sur cette famille de 1250 jusqu’à leur expulsion de la ville en 1300. (Famille Castrani à Lucques) Pilio et Rugerio furent deux changeurs prospères et laissèrent des héritages considérables à leurs héritiers quand ils en avaient (Savarigio). De ce succès en tant que changeurs, ils bénéficiaient également de rentes du fait de leurs nombreuses propriétés qu’ils s’étaient constitués depuis les années 1250 (ville + campagne). Ils menaient également des investissements dans le bétail et les chevaux qu’ils revendaient ensuite + dans les mines de fer et d’or. L’investissement dans le minerai s’est amplifié jusqu’à devenir majeur dans leur business.
On date véritablement l’entrée de la famille dans le monde de la banque en 1252 lorsque Rugiero, Castracane et Luccerio achetèrent conjointement une tabula pour 15 livres à la guilde des changeurs (la plus vieille de la ville selon les sources, date de 1111). Ils avaient également une boutique apotheca où ils conservaient leurs documents et le cash nécessaire à leurs affaires car assez proche de la tabula.
A partir de 1270 Castracane décide de diversifier et étendre ses opérations qui étaient jusque-là de court terme. Il a notamment contribué au financement d’une mine d’argent ce qui lui permettait d’avoir des réserves dans ce métal alors que son frère commerçait surtout en billon et pièces d’argent. Les métaux précieux permettaient le maintien et la stabilité des changeurs.

Cependant c’était les activités bancaires qui faisaient le cœur de Lucques au milieu du XIII. C’est le prêt qui était financé par des dépôts à préavis des classes les plus aisées et qui allait en direction des artisans et des paysans. D’une manière générale, on rémunérait les dépôts à 10% et on prenait 20% d’intérêt aux emprunteurs.
Ces activités étaient liées au commerce et donc la finance et l’industrie de Lucques dépendant du port de Gènes par lequel arrivaient la soie et les autres matériaux qui étaient transformés à Lucques. De plus les marchands de Lucques étaient présents dans les foires de Champagne où se faisaient également beaucoup d’opérations. L’acheteur délivrait des fonds à Lucques and recevaient un acte notarié promettant son remboursement à l’une des foire de Champagne dans la monnaie locale. De ce fait l’acheteur est alors un prêteur et le vendeur un emprunteur. Les Castracani étaient très actifs dans ce système. Puis ils reconvertissaient l’argent en achetant des biens qu’ils importaient en Italie et revendaient. Quand c’était entre Lucques et la Champagne, ce système était relativement court par exemple en achetant de la soie à Gênes qui pouvait être vendue à Lucques.
Le conflit à Lucques entre les noirs et les blancs éclate en 1300. Les banquiers et les marchands supportent les blancs mais ce sont les noirs qui l’emportent
A Bruges on a donc 3 différents types de changeurs : les banquiers marchands qui combinaient les échanges internationaux avec le rachat des lettres de change, les lombards qui étaient surtout des prêteurs sur gage et les changeurs qui alimentaient les ateliers monétaires. Avec le déclin de Bruges les banquiers marchands délocalisèrent leurs activités a Anvers qui était le nouveau centre financier du nord à partir du XVI.

III. Les Obstacles
A. L’interdit religieux de l’usure
L’interdiction de l’usure vient de la Bible, cette interdiction est rappelée à de multiples reprises :
« Si tu prêtes de l'argent à mon peuple, au pauvre qui est avec toi, tu ne seras point à son égard comme un créancier, tu n'exigeras de lui point d'intérêt. » Exode 22 : 24
« Si ton frère devient pauvre, et que sa main fléchisse près de toi, tu le soutiendras; tu feras de même pour celui qui est étranger et qui demeure dans le pays, afin qu'il vive avec toi. Tu ne tireras de lui ni intérêt ni usure, tu craindras ton Dieu, et ton frère vivra avec toi. » Lévitique, 25 :35-37
« Pecuniam tuam non dabis ei ad usuram et frugum superbundatiam non exiges » Vulgate de St Jerome
« Lorsque tu prêteras de l'argent, des vivres ou toute autre chose à un compatriote, vous n'exigerez pas d'intérêt de sa part.
Vous pouvez exiger des intérêts lorsque vous faites un prêt à un étranger, mais vous ne prêterez pas à intérêt à vos compatriotes. » Deutéronome 23 :20-21

« Et si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on? Les pécheurs aussi prêtent aux pécheurs, afin de recevoir la pareille. Mais aimez vos ennemis, faites du bien, et prêtez sans rien espérer. » Luc 6 : 34-35
On a une longue tradition dans la religion chrétienne qui condamne l’usure. Les écritures condamnent l’usurier depuis des millénaires, les nouvelles valeurs du XIIIème siècle. Le profit réalisé n’est pas le fruit du labeur « C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière. » Genèse 3 :19.
Le seul moyen pour l’usurier d’accéder au salut est de faire une restitution totale de ce qu’il a pu gagner par ses activités
Même si on condamne les usuriers (car le temps n’appartient qu’à Dieu) il y a un certain pragmatisme. St Thomas d’Aquin, Somme théologique « Recevoir un intérêt pour une somme d’argent prêté est en soi une chose injuste ; on vend ce qui n’existe pas, provoquant une inégalité contraire à la justice ».
Dès le XIIIème siècle les théologiens de la croissance économique, souvent issus des milieux d’affaires ou assez proches de ceux-ci, s’entendent à définir les cas où Dieu ne saurait condamner le bénéfice du prêt. Dans le même temps, les textes canoniques nuancent leurs condamnations, s’attaquent à l’excès de l’usure plutôt qu’à la pratique elle-même. De plus on tente de justifier le prix par le travail à fournir par le prêteur afin de pouvoir mettre en place le système, le prix du renoncement à cette somme (coût d’opportunité) ainsi que le prix du risque. L’interdiction est quand même répétée aux différents conciles (Latran IV, Trêves 1227 et Lyon 1274 où passible de privation de sépulture).
Cependant la pratique du crédit est nécessaire au développement économique. Les princes eux-mêmes ne cessent d’emprunter et rémunèrent avec des privilèges ou des avantages commerciaux. Ils ont surtout recours aux gages comme Edouard III qui, au début de la guerre de 100ans, met en gage avec sa couronne et des pierres précieuses contre 45000 florins prêtés par l’archevêque de Trêves. Louis VII et saint Louis se contentent de fixer un taux max qui est de 33 ½ % dont nul ne cache qu’il est le taux plafond toléré pour l’ensemble des chrétiens. Pendant le grand schisme avec la rivalité entre Benoit XIII et Innocent VII, les papes étaient à la recherche de financement. Innocent VII dû mettre en gage sa « mitre précieuse » et son château de Civitta Castellana en gage à Giovanni di Bicci de’ Medicis. Les banquiers se cédaient la créance et la tiare avec. Lorsque Grégoire XII la récupère en 1409, il lui en coûte la somme de 12000 florins qu’il emprunte d’un autre, moyennant de nouvelles garanties. Idem avec Charles VI qui met sa couronne en gage pour financer les aventures du duc d’Orléans qu’il ne récupère qu’au moyen d’un nouvel impôt sur le sel en 1407.
Dans les comptes de la papauté on triche un peu avec les mots : le trésorier de Clément VII mentionne à plusieurs reprises les sommes qui servent à payer les intérêts : pro interesse, pro lucro et interesse, pro dampno et interesse quand encore le prêt n’est pas mentionné comme mutuum cum usuris ou mutuum sub usura. Cela dépend de qui est le prêteur (pas pareil entre un prince ou un cardinal qu’un simple changeur avignonnais).

B. Un contexte chaotique
Certains groupes de marchands étrangers étaient assez puissant pour faire pression sur la ville afin qu’elle rembourse les pertes en menaçant de quitter la ville et de faire leurs échanges ailleurs. Une telle garantie fut accordée aux marchands de la ligue hanséatique dès 1309 : « ‘in case any of the said merchants placed money on deposit at the exchange or recieved an assignement on a money changer, the city of bruges would be responsible for any loss suffered as a consequence of insolvency on the part of a money changer’ » Ces privilèges furent reconduits et imités dans différentes villes avec quelques modifications dont on retiendra un plafond fixé à 600 couronnes fixés à 48 pièces de gruau pour la ville d’Anvers en 1480.
Ce sont les Hanséates qui se méfient plus du crédit. La réticence est encore sporadique au XIII et devient vraiment hostile à partir du XVe. On peut trouver une explication culturelle dans les tempêtes de la mer du Nord. En effet le crédit est une forme de l’aventurisme, il facilite les opérations hasardeuses et engendre l’instabilité des prix : l’un achète à des prix trop élevés, puisqu’il n’a pas à payer sur le champ ; l’autre vend à perte pour se dégager d’un endettement excessif. Les Hanséates sont des marchands prudents et ils sont choqués par des effondrements spectaculaires comme celui du grand marchand Hildebrand Veckinchusen arrêté pour dettes en 1422 et l’effondrement du seul banquier lubeckois, Godeman van Buren, en 1472.
Cette hostilité à une autre source : les hanséates sont en retard sur le système et avoir recours au crédit serait favoriser ses concurrents, les Lombards.
Cependant ces limitations sont marginales et le crédit s’est développé jusqu’au XVème siècle car les interdictions (Novgorod ou l’on pratique encore le troc avec les peaux de martre notamment) sont rares. Cependant à partir du XVe les marchands hanséates se rendent compte de la mainmise étrangère sur leur domaine économique. En effet, avec des alliances les italiens parviennent à imposer le crédit dans la hanse. La région risque donc de subir la colonisation qu’elle a elle-même imposé.
En1399 à Riga et Reval. On interdit le crédit pour les transactions avec les Russes. En 1401 la diète de Lubeck tente d’interdire le crédit dans toute la Hanse cependant les Hanséates à Bruges voient la folie de cette mesure et elle est rapportée. Riga exigera tout de même que les marchandises achetées en Flandres soient payées en Flandres. Cela ne pose pas de problème dans la mesure où le troc est largement dominant dans ces échanges. C’est ainsi que l’interdiction du crédit en Flandres est reprise en 1417 avec succès. Le petit crédit demeure mais cette interdiction sera un facteur de l’étiolement de la Hanse.
De plus les privilèges accordés par les villes aux marchands étaient sources de conflits. Notamment celui selon lequel un aubergiste était responsable si un de ses employés s’enfuyait avec des richesses appartenant à ses clients. A partir de 1351 lorsque Laurent Van der Beurse mourut alors qu’il avait beaucoup de dettes envers des marchands hanséate, les biens de Laurent furent vendus, selon la procédure, au bénéfice de ses créditeurs natifs si bien que les créditeurs étrangers ne reçurent rien du produit de la vente. Cela entraina une rupture entre Bruges et la ligue
Hanséatique. Quand la paix revint en 1359, les hanséates demandèrent une extension des provisions qui leurs étaient garanties. Le nouveau privilège de 1359 stipule ainsi que la ville devait assurer les pertes des marchands s’ils subissaient une perte due à un aubergiste. Cette clause exceptionnelle était le prix à payer pour le retour des marchands, la ville accepta cependant elle tenta par n’importe quel moyen de ne pas respecter cet engagement (sinon trop cher pour elle). A partir de 1387 les hanséates trouvèrent d’autres alternatives aux aubergistes en utilisant les dispositifs bancaires. De plus les aubergistes étaient trop nombreux pour organiser un système de paiement par transfert de comptes. C’est certainement la raison pour laquelle ils n’ont pas réussi à supplanter les changeurs. Même si il y eut un retrait des changeurs, notamment dans les Pays Bas et durant le XVe siècle. On note l’ordonnance Maximilien du 14 décembre 1489 interdisant la de fonction changeurs-banquier mais dont le but final est la suppression de la banque. On admettait des exceptions pour les villes aui pouvaient nommer des trésoriers, les compagnies de marchands étrangers pouvaient faire appel à un commis pour effectuer les paiements par transfert et les particuliers étaient autorisés a récupérer leurs créances avec accord préalable d’un notaire. Cette ordonnance coupa le souffle au développement de la finance et se justifiait par le fait que les faillites nombreuses ruinaient les marchands et d’autres notables sans compter que leurs spéculations étaient largement critiquées car les moyens étaient considérés mauvais pour l ‘ensemble de l’économie. On trouva quand même des moyens de contourner cette ordonnance au XVI
C. Les faillites et leurs répercussions
Les plus grands seigneurs de l’époque étaient débiteurs de ces grands banquiers italiens. On compte les comtes de Flandres et de Champagne, les ducs de Bourgogne mais également les papes, les empereurs et les rois de Naples, France et d’Angleterre. Ils avaient avancé à Charles IV de France près de deux millions de francs en une seule année. En 1340 Edward III avait une dette de 1 400 000 de livres, il dut se déclarer en faillite.
La banque était un secteur à risques au Moyen Âge. Il n’y avait pas de Banque Centrale qui pouvait aider les banques secondaires lorsque celles-ci connaissaient des difficultés. Il n’y avait pas les instruments modernes et l’autorisation de découvert était la forme la plus commune de crédit. L’usure était prohibée et ses implications légales formaient un frein au développement du crédit. Les méthodes variées de comptabilités étaient une autre source de difficulté et de toute façon le banquier ne savait pas exactement à quel point s’étendaient ses obligations. D’une manière générale les banques étaient trop petites et vulnérables. Finalement la participation directe dans des expéditions était risquée et immobilisait des fonds considérables.
De par ces circonstances, les banquiers ne pouvaient compter que sur d’importantes réserves de liquide qu’ils tentaient de préserver par tous les moyens. Pendant les périodes où la monnaie précieuse était rare, les banquiers n’hésitaient pas à user de tous les subterfuges possibles afin d’éviter de les payer cash. Et s’ils n’avaient plus le choix. Les clients demandant des espèces étaient envoyés d’une banque à une autre et les recevaient parfois en monnaie de billon qu’ils devaient transporter en charriots tellement cette monnaie était faible. Cependant les dépositaires pouvaient aisément payer en assignant leur banque (lettre de change) et leur banque leur fournissait alors des avantages s’ils faisaient cela. On avait recours à tout : falsification de la compta, réduction des horaires d’ouverture… Cependant à cause de ces pratiques, les dépôts bancaires n’étaient plus immédiatement liquides et à Venise en 1526, les espèces étaient 20% plus chères que le papier-monnaie délivré par les banques.
Toutes ces causes menèrent à des suspicions sur ces banques. Selon le sénateur vénitien Tommaso Contarini, une fausse rumeur, l’imminence d’une guerre, l’annonce de l’échec d’un gros projet commercial, un marchand incapable de régler ses dettes pouvait conduire à un bankrun. Selon lui, 96 des 103 banques vénitiennes qui avaient pu exister à Venise se sont éteintes de cette manière.
Les conditions à Bruges étaient les mêmes qu’à Venise. On note notamment comme faillites des changeurs : Boidin Wegghebedde (1315), Diederic Urbaens’ widow (1350), Guillaume Ruyelle (1370), Collard de Marke (1370), Jan Baudeel (1409), Simon de Cokere (1453), Collard de May (1482), Willem Roelands (1482).
On utilisait alors l’expression « faulte en le change ». Ces expressions restèrent courantes tout au long du XIVe. Ce n’est qu’à partir de 1489, suite à l’ordonnance de Maximilien que l’on parle de banqueroute.
On parle donc de banqueroute lorsque la banque de trouve en état de cessation de paiement. Le changeur aillant fait faillite perdait alors tous ses biens qui étaient confiés à la justice tout comme ses comptes puis les biens étaient vendus au bénéfice des créditeurs. Cependant on avait des problèmes dans la distribution des gains produits par la liquidation. Selon le droit romain ils devaient être répartis équitablement alors que selon le droit germanique ils revenaient aux premiers qui en faisaient la demande. Certaines villes, comme Lille mirent au point un système intermédiaire. En effet d’après un doc daté du 12 octobre 1358, les autorités de Lille partagèrent les biens du changeur Jehan le Nepveu avec en priorité la ville et les orphelins, puis les dépositaires qui ne devaient toucher aucun intérêt sur leurs dépôts.
S’il restait quelque chose, et après que les prieurés eurent eu leur part, les créditeurs qui avaient mis leurs dépôts ‘à risque’ dans l’ordre de réclamation.
On note également beaucoup de cas singuliers donnant lieu à des jurisprudences cependant la décision finale de la cour n’est pas toujours connue.
A Venise, afin qu’une transaction soit valide, le créditeur et le débiteur devaient impérativement être présents, idem à Florence où les parties devaient en plus prouver leur solvabilité (à partir de 1355). Cependant les pratiques de Bruges étaient plus laxistes, ce n’était pas essentiel que le créditeur soit présent lors d’une transaction en sa faveur.

Conclusion Les marchands apportent donc toute une nouvelle organisation afin d’organiser les transactions à l’échelle de l’Europe et fournissent de grandes facilitées de paiements à travers les différents systèmes qu’ils ont pu élaborer. Cependant on remarque que les rôles sont parfois confus, que ces financiers ne maitrisent pas toujours leur environnement et que là où ils pensaient faire du profit, ils accusent de grandes pertes suite à un retour de la conjoncture. Néanmoins ils ont pu contribuer au développement économique de l’Europe (surtout dans les grandes villes) en permettant le financement de projets d’envergures (expéditions mais aussi les guerres) qui n’auraient pas pu avoir vu le jour sans eux. De plus ils posent les bases de la finance et de la banque dont les principes de bases sont restés les mêmes (accroitre le financement, tirer du profit, limiter les risque). Néanmoins, malgré leurs immenses possibilités ils ne pouvaient être que tributaire de la conjoncture économique et se retrouvent bien souvent impuissant en situation de crises, où ils ne peuvent compter que sur leurs propres réserves.

Annexes
I. Les raisons
Jean Favier, De l’or et des épices. Naissance de l’homme d’affaires au Moyen Âge, Paris, Fayard, 1995.

Jean Favier, De l’or et des épices. Naissance de l’homme d’affaires au Moyen Âge, Paris, Fayard, 1995.

II. Les techniques Jean Favier, De l’or et des épices. Naissance de l’homme d’affaires au Moyen Âge, Paris, Fayard, 1995.

Thomas W. Blomquist Merchant Families, Banking and Money in Medieval Lucca. Varovium (2005)

Bibliographie
Commentaires :
Les sources bibliographiques sur ce sujet sont assez limitées. En effet on à d’une part quelques ouvrages généraux qui reprennent sensiblement les mêmes informations générales, parfois avec les mêmes exemples. Cependant bien qu’ils citent tous les mêmes référence (notamment Raymond de Roover qui est la référence sur le sujet), il est très difficile, voire même impossible d’avoir accès à certains articles qui font foi et sur lesquels ils se fondent pour faire leurs analyses. On peut bien évidemment trouver des comptes rendus et des descriptions des œuvres de De Roover mais d’une manière générale on n’y apprend peu de choses car les critiques sont parfois très différentes et, malheureusement, trop courtes. Enfin j’ai pu avoir accès à certains recueils d’articles ou ouvrages précis sur un sujet cependant, ce sujet comporte des réalités très différentes selon la géographie. En effet une étude sur la finance à Lucques n’insiste pas sur la même période ni sur les mêmes réalités. De plus, on est vite submergé devant le flot d’informations chiffrée données par les archives de telle ou telle ville que il est impossible de toutes les analyser. Enfin j’ai été limité dans mes recherches à des sources en anglais (je n’ai pu consulter que l’ouvrage de Jean Favier à la bibliothèque de Grenoble et j’ai poursuivi le reste de mes recherches à la National Library de Singapour).

Ouvrages Généraux :
Jean Favier, De l’or et des épices. Naissance de l’homme d’affaires au Moyen Âge, Paris, Fayard (1995).
P. Boissonnade, Life and work in medieval Europe. Dover publications (2012).
Ouvrages spécifiques :
Raymond de Roover , The Emergence of International Business 1200 – 1800. VOLUME II MONEY, BANKING AND CREDIT IN MEDIEVAL BRUGES. (1999)
Thomas W. Blomquist Merchant Families, Banking and Money in Medieval Lucca
Jacques le Goff, Your money or your life : Economy and religion in the Middle Ages. Paperback (1990)

Articles :
“The impact of Italian banking in the late Middle Ages and the Renaissance, 1300-1500” David Abulafia
Bautier Robert-Henri. “Raymond de Roover. The Medici bank ; its organization, management, operations and decline.” New- York, N.-Y. University press, and, London, Oxford University press, 1948. (Business history series. Graduate school of business administration, N.-Y. Univ.), Bibliothèque de l'école des chartes, 1948, vol. 107, n° 2, pp. 308-309.
François Menant Séminaire « Éléments d’économie médiévale » ENS, 2006-2009
F. Menant, ENS 2006-2007 et 2007-2008 Séminaire: « Eléments d’économie médiévale »
“MERCHANT BANKING IN THE MEDIEVAL AND EARLY MODERN ECONOMY” Meir Kohn Department of Economics Dartmouth College Hanover, NH 03755
Carlo M. Cipolla, “Currency depreciation in medieval Europe”. The Economic History Review

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[ 1 ]. P. Boissonnade, Life and work in medieval Europe. Dover publications (2012).
[ 2 ]. Jean Favier, De l’or et des épices. Naissance de l’homme d’affaires au Moyen Âge, Paris, Fayard, 1995.
[ 3 ]. Jean Favier, De l’or et des épices. Naissance de l’homme d’affaires au Moyen Âge, Paris, Fayard, 1995.
[ 4 ]. Jacques le Goff, Your money or your life : Economy and religion in the Middle Ages
[ 5 ]. Raymond De Roover, The Emergence of International Business 1200 – 1800. VOLUME II MONEY, BANKING AND CREDIT IN MEDIEVAL BRUGES

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