Sujet 3
ANALYSE DU SUJET (Groupe 3-session 2005)
Problématique : Les pièges de l’autoroute

Doc. 1M. Serre, dessinateur, 1977|Doc. 2M. Tournier, romancier, 1978|Doc. 3J. Chesneau, essayiste, 1984|Doc. 4Le Monde,quotidien, 1993|Doc. 5Encyclopedie Microsoft Encarta, 2001|IDEE ESSENTIELLE DE LA LIGNE|
L’auteur caricature les accidents en série sur l’autoroute : on voit un amoncellement de véhicules qui tombent méthodiquement dans un ravin inattendu. Cela renvoie aux accidents qui s’enchaînent dans les carambolages. a|L’autoroute constitue un grand danger pour les piétons, et le personnage qui veut traverser trouve la mort.(L. ) b||Agressions de pirates de la route, en 1993 sur l’A.46, entre 23h et 5h du matin, près de Lyon. Les bandits s’en prennent surtout aux voitures étrangères. (L. ) c||LA DIVERSITE DES DANGERS DE L’AUTOROUTE(II, B)|
Les véhicules dessinés semblent impersonnels, on ne voit personne dedans, certains sont identiques. b |Gaston, l’un des deux routiers, nourrit une relation chaleureuse avec les préposés du péage, ce que Pierre, son collègue, trouve excentrique.(L. ) c|L’autoroute est le « degré zéro de la sociabilité », «des conglomérats de solitudes », elle se réduit à un ensemble de circuits.(L. ) a|||LA DESHUMANISATION DE L’AUTOROUTE, SON ASOCIABILITE.(III, A)|
Le tracé de l’autoroute sur le dessin est rectiligne, malgré le fait qu’il soit à flanc de montagne. c|L’autoroute est « une ligne droite en béton », « c’est raide, c’est propre, c’est rapide ».(L. ) d|Le but de l’autoroute : assurer un déplacement en réduisant le temps du voyage. a||Le tracé doit être « aussi peu sinueux que possible »,avec peu de déclivité, d’où de nombreux ouvrages d’art. b|DES TRACES ETUDIES POUR LA VITESSE(I. B)|
|-Idée de frontière passée au péage, qui marque l’entrée dans un autre monde. « T’as changé de monde » (L. )-Difficultés pour rencontrer une jeune fille entrevue derrière le grillage d’une aire d’autoroute. (L. )-Pierre cherche à s’échapper de cet univers fermé, mais c’est impossible : « Faut pas chercher à en sortir ».(L. ) c|-Univers « hors-sol, clos sur lui-même, dissocié de l’espace extérieur ».(L. )-Ce qui semble proche au dehors n’est en réalité pas accessible.(L. )- « Une fois engagé, on est prisonnier de la rigidité de l’autoroute ».(L. ) b|Pour limiter les agressions, il est conseillé de s’enfermer dans sa voiture.(L. ) d|A cause de l’isolement instauré par la distance entre les échangeurs,qu’aggravent encore les péages, l’autoroute constitue « un univers clos ».(L. ) a|UN MONDE A PART ET CLOS SUR LUI-MÊME(III. B)|
|Alors que l’un des deux personnages va perdre la vie, le voyage s’annonçait cependant sans histoires.Il ont une « vitesse de croisière », le camion roule « en père tranquille ».(L. ) a|C’est un espace balisé, surveillé continuellement, par des radars, des hélicoptères, des contrôles policiers multiples. b|-De nombreuses forces de l’ordre sont mobilisées pour lutter contre la délinquance autoroutière : la brigade de répression des actions violentes, des patrouilles de gendarmes et de CRS. (L. )-On organise aussi une campagne de prévention contre les agressions en Angleterre. (L. ) c||L’IMPRESSION DE SECURITE (II.A)|
La vitesse des véhicules les empêche de réagir efficacement quand ils voient le panneau indiquant la fin de l’autoroute. b|Parce qu’ils roulent vite, les véhiculent ne peuvent éviter le piéton qui veut traverser.(L. ) a|Il n’y a pas d’échappatoire possible aux aléas du moment, auxquels l’automobiliste inerte reste soumis : bouchons, intempéries accidents. C’est irréversible, inévitable.« La vitesse s’inverse en impuissance ».(L. ) c|||L’ORIGINE DES ACCIDENTS (II.C)|
Présence d’un grand panneau, qui sous forme de pictogramme absurde, indique la fin brutale de l’autoroute. c||-Présence de « puérils panneaux codés ». (L. )-Les contacts entre la nature et l’autoroute sont artificiels : aménagements dérisoires pour « paysager » l’autoroute. (L. ) b||L’autoroute est une grande consommatrice d’espace.Elle s’insère difficilement dans l’environnement. (L. ) a|LE PAYSAGE AUTOROUTIER(I. C)|
|Mercedes, DS et poids lourds sont personnifiés : ils jouent au ballon avec le piéton, et semblent ainsi particulièrement effrayants.(L. ) b|Impression d’agressivité : les petites voitures peuvent se sentir menacées par les grosses. (L. )Il y a une sorte de violence subie en permanence. a|La multiplication des agressions dans la région lyonnaise instaure un climat d’insécurité. c||L’AGRESSIVITE LATENTE DE L’AUTOROUTE (III. C)|
Le nombre de voitures entassées laisse penser que le trafic est important. b|Il y a beaucoup de circulation : le nombre de véhicules passant au seul moment où le personnage traverse en témoigne . c|||-La France possède le premier réseau routier rapide d’Europe, si l’on ajoute aux autoroutes toutes les autres voies rapides : 10000 kms. (L. )-Les autoroutes se sont ajoutées au réseau de routes nationales défini au XIXème siècle pour relier les préfectures, qui perd peu à peu de son importance.(L. )-Pour qu’une autoroute soit rentable, il faut qu’elle compte de 10000 à 15000 véhicules par jour.(L. ) a|L’IMPORTANCE DU RESEAU ET DU TRAFIC(I. A)| 4 2 1 5 3 Hiérarchisation des documents
Attention ! Le tableau comparatif prépare à la rédaction de la synthèse. Il ne doit pas figurer sur la copie d’examen.

LE PLAN DE LA SYNTHESE

I. Présentation du réseau autoroutier français A. L’importance du réseau et du trafic B. Des tracés étudiés pour la vitesse C. Le paysage autoroutier II. Les autoroutes et la sécurité A. Un univers sécurisé en apparence B. La diversité des dangers de l’autoroute C. L’origine des accidents III. Un univers qui manque d’humanité A. L’asociabilité de l’autoroute B. Un monde à part et clos sur lui-même C. L’agressivité latente de l’autoroute CORRIGE

Les autoroutes font désormais partie du paysage français. Cinq documents contemporains s’attachent à décrire ce réseau de voies à grande vitesse très particulier. Alors que l’Encyclopédie Microsoft Encarta nous le présente sous un angle technique (doc.5), l’essayiste Jean Chesneau analyse de façon critique tous ses inconvénients (doc.3). Le romancier Michel Tournier, à travers le récit d’un accident tragique, montre combien l’univers de l’autoroute est à part (doc.2). Le dessinateur Michel Serre en caricature le danger avec des accidents en série dus à l’arrêt brutal de l’autoroute au bord d’un ravin (doc.1). Enfin, un article du Monde relate un fait divers : des pirates de l’autoroute agressaient les automobilistes en 1993 près de Lyon (doc.4). Doit-on se méfier des autoroutes ? Constituent-elles un univers dangereux et inhumain qui piège les conducteurs ? Après avoir présenté le réseau autoroutier français, nous pourrons poser la question de son insécurité. Puis nous nous demanderons si cet endroit ne manque pas avant tout d’humanité.

Le réseau autoroutier français est important. Si on lui adjoint les rocades et les voies express, il s’agit même du premier réseau rapide d’Europe, comme le précise l’encyclopédie Encarta. Il faut le distinguer du réseau de routes nationales, qui est déjà vieux, puisqu’il date du XIXème siècle : il avait été fait pour relier entre elles les préfectures, mais il régresse peu à peu alors que les autoroutes prennent de l’importance. On apprend dans le même document que le nombre d’automobilistes doit dépasser les 10000 par jour, pour assurer la rentabilité d’une autoroute. C’est un chiffre impressionnant, corroboré par les deux premiers documents, où on perçoit bien toute l’intensité du trafic : M. Serre montre un amoncellement de véhicules dans le ravin, qui laisse supposer une circulation très importante, et le nombre de véhicules passant au seul moment où le personnage traverse, dans le récit de M. Tournier, témoigne de la fréquentation intensive de l’autoroute. Selon Jean Chesneau, le but de l’autoroute est d’assurer un déplacement en un minimum de temps, ce que confirme l’encyclopédie Encarta, où l’on indique qu’à cette fin, les tracés doivent être aussi peu sinueux que possible, avec peu de déclivité, ce qui explique la présence de nombreux ouvrages d’art. L’aspect rectiligne de l’autoroute est aussi perceptible dans le dessin de Serre, ou dans le récit de Tournier ; l’autoroute y est qualifiée de « ligne droite en béton », et l’un des personnages s’exclame : « C’est raide, c’est propre, c’est rapide !» Enfin, les différents documents décrivent les caractéristiques du paysage autoroutier. L’encyclopédie Encarta insiste sur le fait que les voies rapides sont très consommatrices d’espace, et qu’elles s’insèrent donc difficilement dans l’environnement. Le décor autoroutier n’est lui-même pas une réussite, si l’on en croit Jean Chesneau : les contacts entre l’autoroute et la nature sont artificiels, et les quelques arbustes qu’on plante pour « paysager » l’autoroute sont assez dérisoires. Quant aux panneaux codés qui la jalonnent, ils lui semblent puérils avec leurs symboles caricaturaux : un gland pour la forêt, ou un créneau pour un château fort… La présence d’un grand panneau, sous la forme d’un pictogramme absurde, indique la fin brutale de l’autoroute, dans le dessin de Serre : il souligne ainsi à sa manière la singularité de ces panneaux symboliques. Le réseau autoroutier français se caractérise donc par son importance, son trafic, ses tracés rectilignes et rapides, mais aussi par une insertion difficile dans le paysage. Cependant, on peut s’interroger sur ses dangers : est-il étudié pour assurer la plus grande sécurité à ses usagers ?

Si, effectivement, la sécurité de l’autoroute demeure une préoccupation constante, les risques sont encore nombreux, et cela pour plusieurs raisons. Souvent, les conducteurs éprouvent une sensation de sécurité sur l’autoroute. Le texte de Michel Tournier le confirme : alors que l’un des deux personnages allait perdre la vie, le voyage s’annonçait pourtant très calme, voire heureux. Le camion roulait « en père tranquille » à une « vitesse de croisière ». Jean Chesneau montre que l’autoroute est un espace particulièrement balisé, surveillé par radars et hélicoptères, et il indique que les contrôles techniques et policiers y sont très nombreux. On le perçoit aussi dans l’article du Monde : pour mettre fin aux agissements des pirates de la route, on multiplie les interventions de la brigade de répression des actions violentes, des patrouilles de gendarmes et de CRS. Par ailleurs, on a lancé une campagne de sensibilisation à ce type d’agression en Angleterre. Cela montre bien que le souci de sécurisation des usagers de l’autoroute est très important. Pourtant, les dangers de l’autoroute restent nombreux. Le dessin de Serre montre que les accidents y ont souvent lieu en série : on voit un amoncellement de véhicules qui tombent méthodiquement dans un ravin inattendu. Cela renvoie aux accidents qui s’enchaînent dans les carambolages. Le récit de Tournier met en évidence le danger que constitue l’autoroute pour les piétons. L’un des deux personnages meurt, en voulant traverser les voies à pied pour rejoindre une jeune fille qu’il avait rencontrée sur l’aire de repos opposée. Cet incident tragique occasionne des dérapages et un bouchon. Enfin, le document 4 relate les méfaits d’une bande de pirates de la route, qui opérait sur l’A46, en 1993, entre 23h et 5h du matin, près de Lyon, en s’en prenant surtout aux automobilistes étrangers. On peut s’interroger sur les raisons de cette insécurité subsistante. Plusieurs documents font apparaître que la vitesse est la cause majeure des accidents. Dans le récit de Tournier, c’est parce qu’ils roulent vite, que les véhicules ne peuvent éviter le piéton qui veut traverser. La cause du danger est la même dans le dessin de Serre : la vitesse des véhicules les empêche de réagir efficacement quand ils voient le panneau indiquant la fin de l’autoroute. Ils n’ont pas le temps de s’arrêter. J. Chesneau en tire une leçon : il n’y a pas d’échappatoire possible aux aléas du moment, auxquels l’automobiliste inerte reste soumis : bouchons, intempéries, accidents. C’est irréversible, inévitable. « La vitesse s’inverse en impuissance », selon lui. Le constat des documents est donc assez noir ; même si des efforts sont faits en matière de sécurité, ils sont insuffisants, car les dangers de l’autoroute restent nombreux, principalement du fait de la vitesse. Cette vision négative de l’autoroute est renforcée par la mise en évidence de ses aspects inhumains.

L’inhumanité de l’autoroute a plusieurs aspects, selon les auteurs : tout d’abord, c’est un endroit où il n’y a pas de relations entre les individus ; de plus, c’est un monde fermé, et enfin, il renferme une grande violence latente. Sur l’autoroute, en général, on ne peut pas communiquer en dehors de son véhicule. Selon J. Chesneau, l’autoroute est le « degré zéro de la sociabilité », elle constitue «des conglomérats de solitudes », et elle n’est pas humaine, car elle se définit avant tout par un ensemble de circuits. Sa théorie est bien illustré par Serre : les véhicules dessinés semblent impersonnels, on ne voit personne dedans, certains sont identiques. Il n’y a même pas trace des victimes dans le ravin où gisent les véhicules. Pourtant, dans le récit de Tournier, Gaston, l’un des deux routiers, nourrit une relation chaleureuse avec les préposés du péage, comme s’il voulait déroger à cette incommunicabilité propre à l’autoroute. Mais Pierre, son collègue, trouve ce comportement excentrique. Gaston, parce qu’il met de la chaleur humaine dans sa relation à l’autoroute, en personnalisant ses contacts avec les employés du péage, n’apparaît donc pas comme « normal ». De surcroît, à cause de l’isolement instauré par la distance entre les échangeurs, qu’aggravent encore les péages, l’autoroute constitue « un univers clos ». C’est ce que constate l’encyclopédie Encarta. J. Chesneau le confirme : pour lui l’autoroute est un univers « hors-sol, clos sur lui-même, dissocié de l’espace extérieur ». D’ailleurs, ce qui semble proche au dehors n’est en réalité pas accessible, parce qu’il faut attendre la prochaine sortie pour l’atteindre. L’autoroute serait une sorte de prison : « Une fois engagé, on est prisonnier de la rigidité de l’autoroute ». Ces idées sont parfaitement illustrées par le récit de M. Tournier : une véritable frontière semble passée au péage, qui marque l’entrée dans un autre monde. « T’as changé de monde », affirme l’un des deux personnages. On y constate aussi les grandes difficultés qu’éprouve Pierre pour rencontrer une jeune fille entrevue derrière le grillage d’une aire d’autoroute : elle n’appartient pas au même univers, la rencontre est donc impossible. Pierre cherche à s’échapper de cet univers fermé, mais il en meurt. La leçon finale du récit est sans appel : « Faut pas chercher à en sortir ». La même idée d’enfermement n’est pas étrangère à l’article du Monde, puisque pour limiter les agressions, il est conseillé de s’enfermer dans sa voiture. Enfin, l’autoroute semble renfermer une grande violence latente. Selon J. Chesneau, on peut ressentir une impression d’agressivité : les petites voitures peuvent se sentir menacées par les grosses. Il y a une sorte de violence subie en permanence, à l’image de notre société moderne. Il est vrai que dans le récit de Tournier, Mercedes, DS, ou poids lourds apparaissent menaçants, puisqu’ils semblent jouer au ballon avec le piéton. L’article du Monde montre que la multiplication des agressions dans la région lyonnaise instaure un climat d’insécurité et les mesures de prévention, peut-être disproportionnées, pourraient faire craindre la psychose.

En conclusion, on ne peut pas dire que ces documents offrent une vision très positive de l’autoroute : très importante dans le paysage français, elle se caractérise surtout par ses dangers, principalement dus à la vitesse, et par son aspect inhumain. Sur l’autoroute, les accidents, s’ils sont certes effrayants, restent beaucoup plus rares que sur le réseau routier traditionnel. Les documents semblent ignorer que l’autoroute demeure de nos jours le moyen le plus sûr de voyager en voiture. Ils passent sous silence également d’autres sources de dangers fréquents sur l’autoroute, comme l’assoupissement au volant- sûrement plus fréquent que les agressions des pirates de la route- ou les pneus mal gonflés. Le risque zéro n’existe pas, mais pour voyager moins dangereusement, le train et l’avion restent d’autres moyens de transport rapides et de moins en moins chers. Cependant, notre culture individualiste nous incite davantage à prendre la voiture. On peut déplorer par exemple que le ferroutage, pourtant très au point techniquement, ne se développe pas davantage dans notre pays : il permettrait de diminuer le nombre de poids lourds sur le réseau autoroutier.