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Accord de Libre-Échange Nord-Américain

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Words 39442
Pages 158
ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN GROUPE SPÉCIAL ARBITRAL INSTITUÉ CONFORMÉMENT AU CHAPITRE 20

DANS L’AFFAIRE DES SERVICES TRANSFRONTIÈRES DE CAMIONNAGE (Dossier du Secrétariat no USA-MEX-98-2008-01)

Rapport final du Groupe spécial

6 février 2001

Composition du Groupe spécial : J. Martin Hunter (président) Luis Miguel Diaz David A. Gantz C. Michael Hathaway Alejandro Ogarrio

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphe I. Introduction ......................................................................................................................... 1 A. B. Objet du différend ................................................................................................... 1 Mandat .................................................................................................................. 12

II.

Historique de la procédure ................................................................................................. 15

III.

Rappel des faits .................................................................................................................. 35

IV

Thèses des Parties contestantes et du Canada ................................................................... 101 A. B. C. Thèses du Mexique .............................................................................................. 102 Thèses des États-Unis .......................................................................................... 153 Thèses du Canada ................................................................................................ 195

V.

La demande de constitution d’un conseil d’examen scientifique déposée par les États-Unis ............................................................................................... 200

VI.

Analyse des points en litige ................................................................................................ 214 A. B. Interprétation de l’ALÉNA .................................................................................. 216 Réserves aux mesures existantes et engagements de libéralisation – annexe I ............................................................................................................... 225 C. D. Services .............................................................................................................. 241 Investissement ...................................................................................................... 279

VII.

Constatations, déterminations et recommandations ............................................................. 295 A. B. Constatations et déterminations ............................................................................ 295 Recommandations ................................................................................................ 299

I. INTRODUCTION A. Objet du différend 1. Le Groupe spécial institué pour la présente affaire doit décider si les États-Unis ont enfreint les articles 1202 (traitement national en matière de services transfrontières) et/ou 1203 (traitement de la nation la plus favorisée en matière de services transfrontières) de l’ALÉNA en ne levant pas leur moratoire sur l’examen des demandes de permis d’exploitation dans les États frontaliers américains provenant d’entreprises de camionnage appartenant à des personnes du Mexique 1 . De même, le Groupe spécial doit trancher la question de savoir si les États-Unis ont enfreint les articles 1102 (traitement national) et/ou 1103 (traitement de la nation la plus favorisée) en refusant d’autoriser les personnes du Mexique à investir dans des entreprises de camionnage domiciliées aux États-Unis qui transportent des chargements internationaux. Étant donné qu’a expiré le 17 décembre 1995 le délai prévu pour la suppression de la réserve formulée par les États-Unis à l’annexe I concernant l’autorisation de la prestation de services de camionnage et de l’investissement transfrontières, le maintien du moratoire doit être justifié soit par les articles 1202 ou 1203, soit par d’autres dispositions de l’ALÉNA telles que celles du chapitre 9 (mesures normatives) ou de l’article 2101 (exceptions générales)2 . Les thèses des Parties peuvent se résumer comme suit : 2. Le Mexique soutient que les États-Unis ont enfreint l’ALÉNA en n’éliminant pas progressivement, comme ils s’y étaient engagés à l’annexe I, les restrictions frappant les services transfrontières de camionnage et l’investissement par des personnes du Mexique dans l’industrie américaine du camionnage, alors qu’ils accordent à cet égard le traitement national au Canada3 . Le Mexique estime que le maintien de ces restrictions enfreint les dispositions relatives au traitement national et au traitement de la nation la plus favorisée des articles 1202 et 1203 (services transfrontières) et des articles 1102 et 1103 (investissement)4 . Le Mexique conteste en outre l’interprétation américaine des articles 1202 et 1203, mais sans affirmer que la réglementation mexicaine soit équivalente à celles des États-Unis et

3.

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La demande initiale de consultations formulée le 18 décembre 1995 concernait l’obligation, découlant pour les États-Unis de l’annexe I, d’autoriser les personnes du Mexique à fournir des services transfrontières de camionnage et à effectuer des investissements connexes dans les États frontaliers américains à compter du 18 décembre 1995. Cependant, les mêmes considérations s’appliquent à l’obligation d’autoriser, à compter du 1er janvier 2000, la prestation de services transfrontières sur l’ensemble du territoire américain.
2

Le Groupe spécial note aussi que des questions semblables ont été soulevées concernant les obligations découlant pour le Mexique de l’annexe I et des articles 1202 et 1203, étant donné le refus qui lui est imputé de délivrer à des entreprises appartenant à des personnes des États-Unis des permis d’exploitation dans ses États frontaliers, mais le Groupe spécial n’est pas saisi de ce point dans la présente espèce. Voir les par. 22 et 24 ci-dessous.
3

MIS, p. 61 et 62. MIS, p. 75 à 81.

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du Canada5 . Selon le Mexique, les entreprises mexicaines de camionnage devraient jouir des mêmes droits que ceux que garantit la loi américaine aux transporteurs américains, c’est-à-dire « 1) du droit d’être évaluées en fonction de leurs dossiers individuels et ii) d’un droit de recours sans réserves contre le rejet de leurs demandes de permis d’exploitation »6 . Toute autre manière de procéder constitue une infraction aux articles 1202 et 1203. Au cours des négociations ayant mené à l’ALÉNA, il était entendu pour les gouvernements des deux pays que « les transporteurs routiers devraient se conformer intégralement aux règles du pays dans lequel ils fourniraient des services »7 . Toutefois, il n’a pas été question de « subordonner les obligations des Parties à l’exécution complète du programme d’harmonisation des mesures normatives » ou à l’adoption d’une réglementation identique par le Mexique8 . 4. Le Mexique fait valoir que la conduite des États-Unis doit être examinée à la lumière du paragraphe 102(2) de l’ALÉNA, qui dispose que « [l]es Parties interpréteront et appliqueront les dispositions [de l’ALÉNA] à la lumière des objectifs énoncés au paragraphe 1 ». Ces objectifs sont entre autres l’élimination des obstacles au commerce des services et l’augmentation des possibilités d’investissement « en conformité avec les règles applicables du droit international »9 . Le Mexique soutient que la conduite des États-Unis ne contribue pas à la réalisation de ces objectifs. Selon le Mexique, « [i]l n’y a pas d’exceptions aux dispositions pertinentes de l’ALÉNA qui seraient même potentiellement applicables »10 . Le Mexique soutient que le manquement des États-Unis à leurs obligations en matière de services de camionnage et d’investissement transfrontières n’est pas légitimé par les dispositions du chapitre 9 (mesures normatives) ni par celles de l’article 2101 (exceptions générales), étant donné notamment qu’au moment de la négociation de l’ALÉNA les États-Unis savaient très bien que la réglementation mexicaine était considérablement différente de la leur et de celle du Canada11 . Le Mexique allègue que l’inaction américaine est motivée non par des préoccupations de sécurité mais par des considérations politiques, liées à l’opposition du mouvement

5.

6.

5

Le Mexique fait aussi valoir que la mise en oeuvre de l’ALÉNA ne saurait à bon droit être subordonnée à l’adoption d’une réglementation identique des transports routiers (MIS, p. 62).
6

MIS, p. 75. MIS, p. 74 et 75 (c’est nous qui soulignons). MIS, p. 62 et 64. MIS, p. 66. MIS, p. 64. MIS, p. 74 et 75, 81 à 83 et 87 à 90.

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syndical américain à la mise en oeuvre des obligations relatives au camionnage transfrontières qui découlent de l’ALÉNA12 . 7. Les États-Unis soutiennent que, la réglementation mexicaine du camionnage n’étant pas aussi rigoureuse que leur propre réglementation et celle du Canada, l’expression « dans des circonstances analogues » de l’article 1202 signifie qu’il est permis de soumettre les fournisseurs [mexicains] de services à un traitement différent afin d’atteindre un objectif légitime de réglementation13 . De plus, puisque la réglementation canadienne est « équivalente » à celle des États-Unis, ceux-ci n’enfreignent pas les dispositions de l’article 1203 touchant le traitement de la nation la plus favorisée en accordant aux entreprises canadiennes de camionnage, qui se trouvent « dans des circonstances analogues » à celles de leurs homologues américaines, un traitement plus favorable que celui qu’ils accordent aux transporteurs mexicains14 . Selon les États-Unis, l’expression « dans des circonstances analogues » des articles 1202 et 1203 de l’ALÉNA limite les obligations du traitement national et du traitement de la nation la plus favorisée aux circonstances analogues relativement aux activités de camionnage et, comme le Mexique « ne dispose pas encore de procédures suffisantes pour assurer la sécurité routière aux États-Unis », l’ALÉNA autorise « les Parties à accorder un traitement différent, et même moins favorable, lorsque l’exige la réalisation d’objectifs légitimes de réglementation »15 . Les États-Unis estiment que leur interprétation est confirmée par le passage suivant de l’article 2101 : aucune disposition [...] du chapitre 12 (Commerce transfrontières des services) [...] ne sera interprétée comme empêchant l’adoption ou l’application par toute Partie des mesures nécessaires pour assurer l’application des lois et règlements qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent accord, et notamment des lois et règlements qui ont trait à la santé, à la sécurité et à la protection des consommateurs16 . 10. En outre, les États-Unis contestent l’affirmation du Mexique selon laquelle ce serait pour des raisons politiques que les États-Unis n’ont pas mis en oeuvre les clauses de l’annexe I relatives aux services et à l’investissement transfrontières dans le secteur du camionnage. Les motifs politiques, affirment les États-Unis, n’interviennent tout au plus « que marginalement » dans la présente affaire, en ce sens que la question de la sécurité

8.

9.

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MIS, p. 70 à 74. USCS, p. 2. USCS, p. 2 et 3. USCS, p. 39. USCS, p. 40.

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routière a suscité une controverse aux États-Unis 17 . Les États-Unis font valoir par ailleurs que l’OMC a pour pratique d’éviter d’examiner les intentions des Parties accusées d’infractions à l’Accord sur l’OMC 18 . Le point à décider est plutôt selon eux celui de savoir « si le Mexique a prouvé, comme il lui incombe de le faire, que les États-Unis ont manqué aux obligations découlant pour eux de l’ALÉNA »19 . 11. Le Canada, qui a exercé le droit de participation que lui confère l’article 2013, affirme que l’interprétation de l’article 1202 doit reposer avant tout sur une comparaison entre une entreprise étrangère fournissant des services transfrontières (en l’occurrence, une entreprise mexicaine fournissant des services aux États-Unis) et une entreprise fournissant des services intérieurs. Le Canada soutient de plus qu’en opposant un refus « général » aux transporteurs mexicains qui demandent un permis d’exploitation pour offrir des services de camionnage transfrontières, les États-Unis leur accorderaient nécessairement un traitement moins favorable que celui qu’ils accordent aux fournisseurs américains de services de camionnage dans des circonstances analogues20 . Le Canada fait en outre observer que les États-Unis ne peuvent invoquer le chapitre 9 parce que les niveaux de protection établis en vertu de ce chapitre doivent être compatibles avec les prescriptions relatives au traitement national de l’article 1202 et les autres dispositions de l’ALÉNA21 . B. Mandat 12. Comme les Parties ne sont pas convenues d’un mandat pour le Groupe spécial, le mandat de celui-ci sera celui que prévoit expressément le paragraphe 2012(3) : Examiner, à la lumière des dispositions pertinentes de l’Accord, la question portée devant la Commission (telle que formulée dans la demande de convocation de la Commission) et établir les constatations, déterminations et recommandations prévues au paragraphe 2016(2). 13. Le Mexique a demandé la convocation de la Commission dans une lettre datée du 24 juillet 1998 adressée à la représentante au Commerce des États-Unis, Mme Charlene Barshefsky. Cette lettre comprend le passage suivant, qui constitue la question à examiner dans la présente espèce en application du paragraphe 2012(3) : Le gouvernement mexicain estime que le refus des États-Unis d’ouvrir dans une certaine mesure l’accès à leur marché aux transporteurs

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USCS, p. 50. USPHS, p. 16 et 17. USCS, p. 50. CS, p. 3. CS, p. 4.

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mexicains et d’autoriser des personnes du Mexique à établir des entreprises sur le territoire américain en vue d’y fournir des services de transport conformément aux dispositions de l’ALÉNA constitue un manquement aux obligations de libéralisation des échanges dans ce secteur contractées par les États-Unis à l’annexe I de l’ALÉNA, ainsi qu’une infraction à d’autres dispositions de ce traité, notamment celles du chapitre 12, et pourrait annuler ou compromettre les avantages dont le Mexique pouvait raisonnablement s’attendre à bénéficier en vertu dudit traité. 14. Nous donnons ci-dessous la table alphabétique des sigles employés dans le présent rapport avec leurs significations respectives : ALÉ ALÉNA CES CS DOT FHWA FMCSA FMCSR GAO GATT ICC MIS MPHS MRS MSRB Accord de libre-échange Canada-États-Unis Accord de libre-échange nord-américain Conseil d’examen scientifique Canada’s Submission (communication du Canada en qualité de tierce Partie) Department of Transportation (Département des Transports des États-Unis) Federal Highway Administration (Administration fédérale des voies publiques – États-Unis) Federal Motor Carrier Safety Administration (Administration fédérale de la sécurité des transports routiers – États-Unis) Federal Motor Carrier Safety Regulations (Règlement fédéral relatif à la sécurité des transporteurs routiers – États-Unis) General Accounting Office (Service américain de contrôle des comptes publics) Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce Interstate Commerce Commission (Commission du commerce entre États – États-Unis) Mexico’s Initial Submission (mémoire initial du Mexique) Mexico’s Post-Hearing Submission (mémoire postérieur à l’audience du Mexique) Mexico’s Reply Submission (réplique du Mexique) Mexico’s Comments on the Request for a Scientific Review Board (observations du Mexique concernant la demande de constitution d’un conseil d’examen scientifique) 7

NPF OMC SECOFI SRBR TR USCS USPHS USSS

nation la plus favorisée Organisation mondiale du commerce Secrétaire au commerce et à l’industrie du Mexique Scientific Review Board Request (demande de constitution d’un conseil d’examen scientifique) Transcript of the Hearing (transcription des débats) United States’ Counter-Submission (contre-mémoire des États-Unis) United States’ Post-Hearing Submission (mémoire postérieur à l’audience des États-Unis) United States’ Second Submission (deuxième mémoire des États-Unis)

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II. HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

15.

Dans une lettre datée du 18 décembre 1995 à M. Michael Kantor, alors représentant au Commerce des États-Unis, le Secrétaire au commerce et à l’industrie du Mexique, M. Herminio Blanco, a demandé que des consultations soient tenues en application de l’article 2006 de l’ALÉNA, touchant le refus du gouvernement américain d’autoriser les entreprises mexicaines de camionnage à fournir des services transfrontières dans les États frontaliers américains. Dans sa réponse datée du 20 décembre 1995, S.E. M. l’ambassadeur Kantor a déclaré que, le Mexique et les États-Unis ayant décidé de négocier une entente sur de nouvelles mesures de sécurité, les États-Unis ne voyaient pas quelle action réelle ou envisagée de la part de leur gouvernement pouvait justifier la formulation d’une demande de consultations en vertu du chapitre 20. Cette lettre portait aussi que l’engagement de procédures au titre du chapitre 20 risquait d’influer défavorablement sur les travaux en cours des fonctionnaires mexicains et américains des transports touchant les mesures susdites. M. Blanco a répondu à M. Kantor dans une lettre datée du 21 décembre 1995 où il réitérait la demande de consultations formulée par le Mexique concernant l’obligation découlant de l’ALÉNA pour les États-Unis d’autoriser la prestation de services transfrontières de camionnage. M. Blanco contestait que la décision ait été prise de modifier quelque obligation que ce soit découlant de l’ALÉNA pour les Parties ou d’en retarder la mise en oeuvre. Le 19 janvier 1996, les gouvernements américain et mexicain ont tenu des consultations en application de l’article 2006 de l’ALÉNA, consultations qui n’ont pas réglé le différend. Dans une lettre datée du 24 juillet 1998 à la représentante au Commerce des États-Unis, Mme Barshefsky, M. Blanco a demandé, en vertu de l’article 2007 de l’ALÉNA, la convocation de la Commission du libre-échange instituée par application de ce traité, invoquant « le refus [des États-Unis] i) d’ouvrir aux transporteurs mexicains [domiciliés au Mexique] l’accès aux États de la Californie, du Nouveau-Mexique, de l’Arizona et du Texas, et ii) d’autoriser des personnes du Mexique [à établir des entreprises de camionnage] en vue de fournir des services de transport de chargements internationaux entre des points du territoire [américain] »22 . La Commission du libre-échange s’est réunie le 19 août 1998, mais n’a pu parvenir à régler le différend.

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MIS, p. 58.

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21. 22.

Le 22 septembre 1998, le gouvernement mexicain a demandé, en vertu du paragraphe 2008(1), l’institution d’un groupe spécial arbitral pour examiner le différend23 . Le 10 décembre 1999, les États-Unis ont demandé la tenue de consultations avec le Mexique touchant le refus imputé à celui-ci de donner accès à son marché intérieur aux fournisseurs américains de services de camionnage par mesure de rétorsion. Les États-Unis ont alors aussi demandé que la procédure engagée par eux contre le Mexique à propos des services transfrontières de camionnage, si elle devait atteindre le stade de l’examen par un groupe spécial, fût jointe à la présente procédure. Les consultations entre le Mexique et les États-Unis ont eu lieu le 7 janvier 2000; elles n’ont abouti ni à un règlement du différend ni à l’entente nécessaire pour saisir le même groupe spécial des deux affaires. Le 2 février 2000, le présent Groupe spécial a été institué conformément aux dispositions applicables de l’ALÉNA. Il se compose de cinq membres : Luis-Miguel Diaz, David A. Gantz, C. Michael Hathaway, J. Martin Hunter (président) et Alejandro Ogarrio 24 . À la même date, les États-Unis ont demandé la convocation de la Commission du libre-échange instituée par l’ALÉNA pour qu’elle examine le refus d’accès par mesure de rétorsion imputé au Mexique et ont de nouveau demandé la jonction des deux affaires. À aucun moment cependant ils n’ont demandé officiellement l’institution d’un groupe spécial pour examiner cette question. Le Mexique soutient qu’il a effectivement modifié ses lois et règlements pour mettre en oeuvre l’ALÉNA et que les États-Unis n’ont pas répondu à sa demande de renseignements relatifs à la plainte américaine25 . Depuis lors, ni les États-Unis ni le Mexique n’ont présenté d’autres communications au Groupe spécial sur ce point, pas plus qu’ils ne l’ont évoqué dans leurs mémoires. Le Mexique a aussi engagé dans le cadre de l’ALÉNA une procédure de règlement de son différend avec les États-Unis touchant leur refus d’autoriser les transporteurs mexicains à fournir des services transfrontières d’autocars de ligne régulière. Cependant, cette question n’a pas été débattue plus avant devant le Groupe spécial. Par conséquent, le Groupe spécial ne s’estime saisi d’aucune de ces deux affaires. Le 14 février 2000, le Mexique a déposé son mémoire initial à la Section américaine du Secrétariat de l’ALÉNA. Le 23 février 2000, les États-Unis ont déposé leur contre-mémoire au même service. Conformément aux Règles de procédure types pour le chapitre 20 (ci-après désignées « Règles de procédure types »), le Groupe spécial a demandé aux Parties de se conformer au calendrier suivant pour le reste de la procédure :

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MIS, p. 59.

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Le Groupe spécial tient à remercier ses assistants juridiques : Martin Lau, Jorge Ogarrio, Nancy Oretskin, Erica Rocush et Elizabeth Townsend.
25

MRS, p. 7, n. 10; et Comments of Mexico on the Initial Report of the Panel (observations du Mexique sur le rapport initial du Groupe spécial), 19 décembre 2000, p. 6 à 9.

10

3 avril 2000 24 avril 2000 24 avril 2000 17 mai 2000 27.

Dépôt du deuxième mémoire du Mexique Dépôt du deuxième mémoire des États-Unis Dépôt de la communication du Canada à titre de tierce partie Audience à Washington (D.C.)

Le Canada a déposé sa communication à titre de tierce Partie le 22 février 2000. Le Mexique a déposé son deuxième mémoire le 3 avril 2000, et les États-Unis ont déposé le leur le 24 avril 2000. Dans une lettre datée du 16 mai 2000, les États-Unis ont demandé au Groupe spécial de constituer un conseil d’examen scientifique en vertu de l’article 2015 de l’ALÉNA. L’audience a eu lieu comme prévu à Washington le 17 mai 2000. Les Parties contestantes, le Canada et le Groupe spécial ont examiné les questions exposées dans les mémoires et autres pièces écrites, y compris la demande américaine de constitution d’un conseil d’examen scientifique. Après avoir entendu les Parties, le Groupe spécial a invité les États-Unis à compléter leur demande en définissant avec la précision nécessaire le mandat qu’ils proposaient d’attribuer à un conseil d’examen scientifique. À l’audience, le Groupe spécial a aussi demandé aux Parties de déposer leurs mémoires postérieurs à l’audience au plus tard le 1er juin 2000. Dans une lettre datée du 26 mai 2000, les Parties ont avisé le Groupe spécial qu’elles étaient convenues de proroger jusqu’au 9 juin 2000 le délai de communication des mémoires susdits l’une à l’autre et au Groupe spécial, étant donné qu’elles avaient reçu la transcription des débats en retard. Le 9 juin 2000, les États-Unis et le Mexique ont déposé leurs mémoires postérieurs à l’audience respectifs. Vu les communications des Parties, le Groupe spécial a décerné le 10 juillet 2000 un ordre par lequel il rejetait la demande de constitution d’un conseil d’examen scientifique. Le Groupe spécial s’est réuni à plusieurs reprises pour délibérer avant d’établir son rapport initial, qui a été communiqué aux Parties le 29 novembre 2000. Le 13 décembre 2000, les Parties ont communiqué aux membres du Groupe spécial leurs observations sur le rapport initial susdit. Les 5 et 8 janvier 2001, sur demande du Groupe spécial relayée par le Secrétariat, les Parties ont présenté leurs réponses aux observations communiquées le 13 décembre.

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III. RAPPEL DES FAITS

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Avant 1980, les États-Unis, par le truchement de l’Interstate Commerce Commission (ICC), délivraient des permis d’exploitation aux transporteurs routiers relativement aux itinéraires pris isolément et exigeaient une justification économique pour chaque service projeté. Les États-Unis, à l’époque, n’établissaient pas de distinction entre les demandeurs américains, mexicains et canadiens. Cependant, l’ICC limitait rigoureusement l’entrée en lice de nouvelles entreprises sur le marché américain des transports routiers pour compte d’autrui26 . En 1980, le Motor Carrier Act (Loi sur les transports routiers) « élimina pour l’essentiel les obstacles réglementaires à l’entrée, rendant plus facile aux transporteurs routiers américains, mexicains et canadiens d’obtenir un permis d’exploitation de l’ICC »27 . Le Motor Carrier Act n’établissait pas de distinction entre les ressortissants américains et étrangers28 . Au moment de l’entrée en vigueur du Motor Carrier Act de 1980, le Canada offrait déjà sous condition de réciprocité l’accès à son marché aux entreprises américaines de camionnage, mais pas le Mexique. Il fut mis fin à l’égalité de traitement des demandeurs américains et étrangers de permis d’exploitation sur le territoire des États-Unis avec l’adoption en 1982 du Bus Regulatory Reform Act (Loi portant réforme de la réglementation des services d’autocar), dont une des dispositions instituait un moratoire initial de deux ans sur la délivrance de nouveaux permis d’exploitation aux transporteurs routiers étrangers29 . Cette disposition s’appliquait aussi bien au Canada qu’au Mexique. Cependant, pour ce qui concerne le Canada, le moratoire fut immédiatement levé à la suite de la signature du Mémorandum d’accord Brock-Gotlieb, qui confirmait le maintien de l’accès des transporteurs américains au marché canadien. Le moratoire fut levé à l’égard des entreprises canadiennes de camionnage par une circulaire présidentielle datée du 20 septembre 1982, dont un passage était libellé comme suit : Pour ce qui concerne le Canada, notre industrie du camionnage n’est pas empêchée aujourd’hui, ni ne l’a été, d’y fournir des services [...] J’estime de notre intérêt national de permettre une

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MIS, p. 15. MIS, p. 15. MIS, p. 15. MIS, p. 15.

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concurrence juste et équitable entre les entreprises américaines et canadiennes de camionnage sur les marchés de nos deux pays 30 . 40. Par contre, la circulaire présidentielle du 20 septembre 1982 portait ce qui suit relativement au Mexique : Pour ce qui concerne le Mexique, je regrette qu’il n’ait pas été fait suffisamment de progrès pour justifier une modification du moratoire. Il subsiste un écart considérable entre l’accès relativement large au marché américain dont jouissent les entreprises mexicaines de camionnage et l’impossibilité quasi complète pour leurs homologues américaines de fournir des services au Mexique31 . 41. Le Président des États-Unis prolongea le moratoire de 1982 à l’égard des entreprises mexicaines de camionnage en 1984, 1986, 1988, 1990, 1992 et 199532 , de sorte que ce moratoire n’a subi aucune interruption. En 1995, le pouvoir attribué à l’ICC de délivrer les permis d’exploitation aux transporteurs routiers a été transféré au Department of Transportation en application de l’ICC Termination Act (Loi de 1995 portant suppression de l’ICC)33 . Cette loi reconduisait toutes restrictions prévues par le Regulatory Reform Act de 1982 à l’égard des activités des transporteurs routiers domiciliés à l’étranger, ou détenus ou contrôlés par des personnes étrangères. Elle laissait intacts aussi bien le moratoire que le pouvoir du Président de le modifier ou d’y mettre fin34 . L’objet du moratoire était d’inciter le Mexique et le Canada à lever les restrictions à l’accès des entreprises américaines à leurs marchés respectifs. Par conséquent, le Congrès américain avait institué pour les transporteurs étrangers un moratoire initial de deux ans, qu’il restait loisible au Président de lever ou de modifier conformément à l’intérêt national si le pays visé ouvrait l’accès à son marché sous condition de réciprocité35 . Si le moratoire a été maintenu pour ce qui concerne le Mexique, on y a prévu certaines exceptions afin de faciliter le commerce transfrontières. Plusieurs exceptions ont ainsi

42.

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30

Memorandum of the President, 20 septembre 1982, 47 Fed. Reg. 41721 (22 septembre 1982), cité dans le mémoire initial du Mexique à la p. 16 (suspension du moratoire relativement au Canada). Voir aussi Memorandum of the President, 29 novembre 1982, 47 Fed. Reg. 54053 (1er décembre 1982) (levée du moratoire relativement au Canada).
31

47 Fed. Reg., à la p. 41721. USCS, p. 5. USCS, p. 5 et 6. USCS, p. 6, où l’on cite 49 U.S.C. §13902(c)(4)(B). USCS, p. 4 et 5.

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permis à des transporteurs mexicains de continuer à entrer aux États-Unis; elles avaient pour objets le transport vers les villes des zones commerciales frontalières, le transit à destination du Canada, les entreprises mexicaines jouissant de droits acquis et les entreprises mexicaines détenues par des personnes des États-Unis. Une autre exception, celle dont bénéficiaient les transporteurs mexicains qui louaient aussi bien leurs camions que les services de leurs conducteurs à des homologues américains, est restée en vigueur jusqu’au 1er janvier 2000. Les entreprises domiciliées au Mexique et appartenant à des personnes du Mexique qui fournissent des services internationaux d’affrètement d’autocars ou de transport de touristes en autocar bénéficient aussi d’une exception depuis 199436 . 45. Les transporteurs mexicains se sont vu accorder le droit d’exercer leur activité dans les zones commerciales liées aux localités frontalières dès avant 1982, et ces opérations n’ont pas été touchées par l’ALÉNA37 . Comme le stipule le règlement applicable, « les transporteurs routiers américains qui exercent leur activité exclusivement dans les limites d’une zone commerciale ne relèvent pas de la compétence du Department of Transportation en matière de délivrance de permis »38 . Les zones commerciales sont délimitées par l’ICC selon la taille des municipalités. Plus une ville frontalière est peuplée, plus est étendue la zone commerciale qui lui est associée39 . La zone commerciale forme autour de la ville frontalière américaine un cercle dont le rayon fait en principe de deux à vingt milles, mais l’ICC et le Congrès ont étendu certaines de ces zones au-delà des limites antérieurement fixées par règlement40 . Les transporteurs mexicains sont autorisés à entrer dans les zones commerciales à la condition que la Federal Motor Carrier Safety Administration (FMCSA) leur ait délivré un certificat d’immatriculation41 . La procédure d’autorisation de la prestation de services dans les zones commerciales frontalières pour les transporteurs routiers mexicains est plus simple que la procédure de délivrance de permis d’exploitation aux transporteurs souhaitant exercer une activité dans le reste des États-Unis »42 .

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47.

48.

36

MRS, p. 2 à 4. MIS, p. 20 et 21. 49 C.F.R. §372.241, cité dans MIS, p. 20. 49 C.F.R. §372.241.

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40

Transportation Equity Act for the 21st Century, Pub. L. No. 105-178, §4031, 112 Stat. 418 (1998); et 49 C.F. R. §372.237.
41

Le 1er janvier 2000, la compétence en matière de réglementation de la plupart des aspects des transports routiers, qui appartenait à la Federal Highway Administration, a été attribuée à la FMCSA, nouvellement créée (USCS, p. 8).
42

MIS, p. 22 et 23. Voir 49 C.F.R. Part 368 (pièce n o 30).

14

49.

La procédure d’autorisation de la prestation de services dans les zones commerciales frontalières consiste pour le demandeur à remplir une formule de renseignements de base et une autre formule où on lui demande d’identifier le mandataire inscrit aux États-Unis dont il doit retenir les services, à payer une taxe de dépôt, ainsi qu’à certifier qu’il a accès au règlement applicable (Federal Motor Carrier Safety Regulations) et s’y conformera. La FMCSA examine la demande du transporteur pour s’assurer qu’il a donné des renseignements exacts et complets et qu’il satisfait aux exigences. Les demandeurs ne sont pas tenus de produire une preuve d’assurance, mais les camionneurs mexicains doivent, lorsqu’ils se trouvent dans les zones commerciales, avoir une attestation d’assurance à bord. Il peut s’agir d’une police au voyage ou d’une assurance permanente43 . La réglementation américaine de la sécurité s’applique aux transporteurs mexicains exerçant une activité dans les zones frontalières, mais les transporteurs domiciliés au Mexique ne sont pas assujettis aux prescriptions de la FMCSA pour ce qui concerne le contrôle de conformité en établissement. Donc, tous les transporteurs sont intégralement assujettis à toutes les dispositions réglementaires américaines en matière de sécurité. Ils doivent aussi avoir contracté au moins une assurance au voyage, dont leurs camionneurs sont tenus de disposer d’une attestation à bord, et être représentés par un mandataire inscrit aux États-Unis 44 . Il ressort des mémoires des États-Unis aussi bien que du Mexique que la grande majorité des camions mexicains qui entrent dans les zones frontalières sont utilisés seulement pour des opérations de factage. Le terme « factage », dans le présent rapport, s’entend du cas où un véhicule tracteur mexicain tire une remorque du territoire mexicain à la zone frontalière américaine et où cette remorque est alors attachée à un tracteur américain, qui la tire jusqu’à la destination américaine finale du chargement. Dans la présente espèce, les États-Unis soutiennent que la plupart des remorques appartiennent à des personnes des États-Unis, mais on observe aussi une activité considérable de transbordement entre remorques appartenant à des transporteurs différents45 . Le Mexique et les États-Unis sont d’accord pour dire que les camions mexicains utilisés pour le factage dans les zones commerciales sont en général plutôt vieux. Cependant, le

50.

51.

52.

53.

54.

43

MIS, p. 23; et USSS, p. 24 et 25.

44

USSS, p. 24. Les Parties s’accordent à reconnaître que l’assurance au voyage est requise, mais ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle l’assurance au voyage est requise plutôt que l’assurance permanente. Les États-Unis contestent la thèse du Mexique suivant laquelle l’exigence de l’assurance au voyage plutôt que de l’assurance permanente « montre que les États-Unis ne s’intéressent guère aux garanties de sécurité offertes par les camions mexicains roulant dans les zones commerciales ». « La responsabilité potentielle de l’assureur est exactement la même dans l’un et l’autre cas, font-ils observer, et les deux formes d’assurance incitent dans la même mesure l’assureur à réduire ses risques » (USSS, p. 24 et 25). Le Mexique ne veut pas dire que les États-Unis ne se soucient pas de l’observation des règles de sécurité, mais plutôt qu’ils sont satisfaits des garanties de sécurité offertes par les transporteurs mexicains et leurs remorques (MIS, p. 70 à 78).
45

MIS, p. 21; et USCS, p. 25 et 26.

15

Mexique fait valoir que l’état relativement peu satisfaisant des camions mexicains utilisés pour le factage ne peut être considéré comme représentatif de l’état des grands routiers mexicains46 . 55. 56. En 1999, 8 400 entreprises mexicaines détenaient un permis d’exploitation en zone commerciale frontalière47 . La deuxième exception a pour objet les transporteurs mexicains qui transitent par les États-Unis vers le Canada. Selon les dispositions du 49 U.S.C. §13501, la compétence du Department of Transportation se limite à exiger un permis d’exploitation des transporteurs exerçant une activité entre des États des États-Unis ou entre un État des États-Unis et l’étranger. Le Congrès n’a pas conféré au Department of Transportation le pouvoir d’obliger les camionneurs mexicains transitant par les États-Unis vers le Canada à obtenir un permis d’exploitation. Les camions mexicains qui transitent par les États-Unis à destination du Canada ne sont pas touchés par le moratoire. Par conséquent, les camionneurs mexicains roulant à destination du Canada sont autorisés à entrer aux États-Unis sans permis d’exploitation. Les seules prescriptions auxquelles ils sont assujettis sont l’obligation de contracter une assurance et celle de se conformer à la réglementation américaine en matière de sécurité48 . Les États-Unis font observer que, selon un rapport sur les transporteurs routiers domiciliés au Mexique établi en 1999 par l’Office of Inspector General (Inspection générale), service relevant du DOT, une seule entreprise mexicaine de camionnage transportait alors des marchandises du Mexique au Canada via le territoire américain49 . Ne sont pas non plus touchées par le moratoire les entreprises mexicaines de camionnage jouissant de droits acquis, c’est-à-dire auxquelles on avait délivré un permis d’exploitation avant l’entrée en vigueur du moratoire en 1982. Cinq transporteurs mexicains bénéficient de cette exemption50 . L’ICC Termination Act de 1995 exempte de l’application du moratoire les entreprises de camionnage domiciliées au Mexique qui appartiennent à des personnes des États-Unis 51 .

57.

58.

59.

60.

46

MRS, p. 6. USSS, p. 22. USSS, p. 20 et 21. USSS, p. 20. MRS, p. 2 et 3. MIS, p. 18.

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51

16

61.

Les transporteurs domiciliés au Mexique et appartenant à des personnes des États-Unis sont au nombre approximatif de 16052 . Ou bien leur équipement doit être fabriqué aux États-Unis, ou bien les droits de douane applicables doivent avoir été payés s’il est importé. Ces transporteurs sont soit des commissionnaires qui transportent des catégories de marchandises déterminées, en général des denrées alimentaires ou des matières premières, soit des entreprises qui transportent leurs propres marchandises53 . Avant la promulgation du Motor Carrier Safety Improvement Act de 1999 (Loi sur l’amélioration de la sécurité des transports routiers), les transporteurs mexicains pouvaient louer leur équipement et les services de leurs conducteurs à des entreprises américaines de camionnage. On voulait ainsi permettre aux transporteurs américains d’accroître leur parc automobile sans avoir à immobiliser des capitaux dans de nouvelles dépenses d’équipement 54 . On s’est cependant rendu compte qu’« il était possible d’invoquer cette disposition pour, essentiellement, vendre les permis d’exploitation de transporteurs américains à des transporteurs mexicains à des fins d’activité hors des zones commerciales frontalières ». L’article 219 du Motor Carrier Safety Improvement Act de 1999 a aboli l’exception relative à la location55 . La publication de la circulaire présidentielle du 1er janvier 1994, à la suite d’un accord de réciprocité conclu entre les États-Unis et le Mexique concernant les fréteurs d’autocars et compagnies de cars de tourisme, a marqué un changement relativement aux restrictions frappant les transporteurs routiers mexicains. Cette circulaire autorisait l’ICC à délivrer des permis d’exploitation aux transporteurs de voyageurs détenus ou contrôlés par des personnes du Mexique pour les itinéraires internationaux (Mexique-États-Unis), le transport entre des points des États-Unis étant exclu. Cet avantage a été maintenu à l’annexe I de l’ALÉNA, et les compagnies mexicaines de cars de tourisme restent autorisées à offrir des services transfrontières aux États-Unis. Les marchandises transbordées dans les zones frontalières à destination d’un point extérieur restent généralement dans la même remorque. Celle-ci passe alors d’un tracteur de zone longue à un tracteur de factage, puis à un tracteur américain de zone longue. La remorque mexicaine reste attachée au tracteur américain jusqu’à sa destination finale sur le territoire américain. C’est ainsi que les remorques mexicaines sillonnent les États-Unis, tirées par des tracteurs américains 56 .

62.

63.

64.

52

USSS, p. 21 et 22. USSS, p. 21 et 22. USSS, p. 23.

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55

Les Parties ne s’entendent pas sur la raison d’être de l’article 219, qui, selon les États-Unis, aurait été promulgué pour des motifs de sécurité et qui viserait, d’après le Mexique, à protéger les transporteurs américains de la concurrence étrangère. Les faits, cependant, ne sont pas contestés. (Voir USSS, p. 23 et 24).
56

MRS, p. 7.

17

65.

Les États-Unis expliquent comme suit l’indifférence que leur prête le Mexique à l’égard des garanties de sécurité offertes par les remorques mexicaines : « En pratique, [...] les remorques mexicaines n’ont pas donné lieu à d’importantes préoccupations de sécurité parce que de 80 à 90 p. 100 des remorques utilisées dans le commerce transfrontières appartiennent en fait à des personnes des États-Unis »57 . L’ALÉNA est entré en vigueur le 1er janvier 1994. L’annexe I de cet accord oblige à éliminer progressivement certaines réserves aux articles 1102 ou 1202 (traitement national) et aux articles 1103 ou 1203 (traitement de la nation la plus favorisée)58 . En ce qui a trait aux services transfrontières de camionnage, l’annexe I prévoit que les ressortissants mexicains seront autorisés à obtenir des permis d’exploitation pour la prestation de services transfrontières de camionnage dans les États frontaliers trois ans après la signature de l’ALÉNA, soit le 18 décembre 1995, et pour la fourniture de services transfrontières de camionnage sur l’ensemble du territoire des États-Unis six ans après l’entrée en vigueur de l’ALÉNA, c’est-à-dire le 1er janvier 2000. En ce qui concerne l’investissement, le délai d’élimination progressive de la réserve était de trois ans après la signature de l’ALÉNA, c’est-à-dire qu’il expirait le 18 décembre 1995, pour l’établissement d’entreprises de camionnage destinées au transport de chargements internationaux entre des points du territoire américain, et il était de sept ans après l’entrée en vigueur de l’ALÉNA, c’est-à-dire qu’il expirait le 1er janvier 2001, pour l’établissement d’entreprises d’autocars destinées au transport entre des points du territoire américain. Au cours du mois qui a précédé l’échéance du 18 décembre 1995, les gouvernements mexicain et américain se préparaient tous deux à la suppression des réserves formulées à l’annexe I. Il a été institué, conformément au sous-alinéa 913(5)a)(i) de l’ALÉNA, un Sous-comité des normes relatives aux transports terrestres pour mettre en oeuvre un programme de travail visant à rendre compatibles les mesures normatives applicables au transport par autocar et au camionnage. Conformément à l’annexe 913.5.a-1, des délais particuliers, courant tous à compter de la date d’entrée en vigueur de l’ALÉNA, ont été fixés pour les diverses tâches : 1) au plus tard un an et demi « pour les mesures normatives non médicales touchant les conducteurs, notamment les mesures se rapportant à l’âge des conducteurs et à la langue qu’ils pourront utiliser »; 2) au plus tard deux ans et demi « pour les mesures normatives médicales touchant les conducteurs »; 3) au plus tard trois ans « pour les mesures normatives touchant les véhicules, notamment celles concernant les poids et dimensions, les pneus, les freins, les pièces et accessoires, l’arrimage des

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67.

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69.

70.

57

USSS, p. 25 et 26.

58

L’annexe I porte les réserves faites par chacune des Parties aux mesures existantes à l’égard des obligations découlant des articles 1102, 1103, 1202 et 1203. Y sont aussi formulés les engagements de libéralisation immédiate et ultérieure. Les engagements de l’annexe I obligent chacune des Parties à libéraliser des secteurs déterminés au plus tard aux dates inscrites sous l’élément Élimination progressive de chaque réserve (MIS, p. 29).

18

chargements, l’entretien et les réparations, les inspections, et les niveaux d’émissions et de pollution »; 4) au plus tard trois ans pour les mesures normatives touchant le contrôle, par chacune des Parties, du respect des règles de sécurité applicables au transport routier; et 5) au plus tard trois ans pour les mesures normatives touchant la signalisation routière59 . 71. Il était prévu dans le programme de travail que les Parties rendraient leurs mesures normatives compatibles après l’échéance pour ce qui concerne l’autorisation de fournir des services transfrontières de camionnage dans les États frontaliers. Il est en outre à noter que le paragraphe 904(3) interdit aux Parties l’application discriminatoire des mesures normatives60 . « Depuis la période qui a précédé l’entrée en vigueur de l’ALÉNA, les gouvernements mexicain et américain n’ont cessé de collaborer activement au progrès de la coordination de leurs réglementations respectives des transports routiers »61 . Ces travaux réunissaient des hauts fonctionnaires des États frontaliers américains et mexicains, de la Commercial Vehicle Safety Alliance (Association pour la sécurité des véhicules utilitaires) et de l’Association internationale des chefs de police. Ils comprenaient une formation offerte par les États-Unis aux fonctionnaires mexicains en matière d’inspection routière et de contrôle des matières dangereuses, une campagne médiatique visant à sensibiliser les entreprises mexicaines à la réglementation américaine en matière de sécurité, et l’accroissement des subventions fédérales aux États frontaliers américains en vue d’augmenter l’efficacité des services d’inspection à la frontière62 . Le 22 août 1991, le Mexique a rejoint les États-Unis et le Canada comme membre de plein droit de la Commercial Vehicles Safety Alliance63 . Le 21 novembre 1991, le Mexique et les États-Unis ont adopté des lignes directrices uniformes pour l’inspection routière, des règles uniformes concernant les permis de conduire pour les véhicules utilitaires et « des normes communes touchant les critères applicables aux conducteurs tels que l’évaluation des connaissances et aptitudes, l’établissement de l’incapacité et les caractéristiques physiques exigées »64 . Le 5 septembre 1995, le Secrétaire américain aux transports, M. Peña, a publié un communiqué de presse annonçant l’adoption de nouvelles mesures propres à assurer

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73.

74.

59

MIS, p. 31 et 32. MIS, p. 32. MIS, p. 33.

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Les États-Unis ont affecté 4,75 millions de dollars pour l’exercice 1999 et 7,75 millions pour l’exercice 2000 au développement des services de contrôle d’application à la frontière (TR, p. 83).
63

MIS, p. 33. MIS, p. 33.

64

19

« une transition harmonieuse, sûre et efficace à la mise en oeuvre de l’ALÉNA ». Ces mesures étaient entre autres les suivantes : - Il devait être constitué un groupe de travail réunissant de hauts fonctionnaires des quatre États frontaliers et des organismes fédéraux américains, qui serait chargé de tâches relatives à la mise en oeuvre des dispositions de l’ALÉNA applicables aux transports. Ce groupe devait se réunir jusqu’au 17 décembre 1995 et après pour « assurer la sécurité et l’efficacité maximales des opérations ». - Il devait être mis en oeuvre une stratégie commune de l’administration fédérale et des États frontaliers portant sur tous les aspects du contrôle de l’observation et de l’application des règles de sécurité dans ces États, stratégie conçue pour résoudre les problèmes que pourrait poser l’augmentation du nombre de camions utilisés dans les activités transfrontières. - Une vaste campagne de sensibilisation devait être lancée dans le but de diffuser aux États-Unis, au Mexique et au Canada de l’information sur les prescriptions américaines régissant les activités de transport routier. 75. Le 18 octobre 1995, l’ICC a publié au Federal Register un projet de règlement intitulé « Freight Operations by Mexican Carriers – Implementation of North American Free Trade Agreement » (Le transport de marchandises par des entreprises mexicaines – mise en oeuvre de l’Accord de libre-échange nord-américain). L’ICC a publié dans le même organe le 13 décembre 1995 un autre avis « portant que le projet de règlement serait adopté, et entrerait en vigueur le 18 décembre 1995 »65 , date de mise en oeuvre des dispositions de l’ALÉNA relatives aux services transfrontières de camionnage. Le règlement de l’ICC exigeait des demandeurs mexicains, américains et canadiens qu’ils certifient avoir prévu un système propre à assurer l’observation d’ensemble du Federal Motor Carrier Safety Regulations et avoir affecté une personne à cette tâche. L’obtention d’un permis d’exploitation était subordonnée à l’observation de toutes les règles de sécurité du DOT et de celles de l’ICC touchant les assurances66 . Les procédures de délivrance de permis d’exploitation pour la prestation de services de transport entre le Mexique et les États frontaliers américains étaient identiques à celles en vigueur pour les demandeurs des États-Unis et du Canada, à ceci près que la formule de demande destinée aux transporteurs mexicains portait la désignation OP-1MX67 . Le 4 décembre 1995, le Secrétaire américain aux transports, M. Peña, a déclaré lors d’une conférence de presse commune des gouvernements américain et mexicain que les deux

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MIS, p. 63. 60 Fed. Reg. 63981 (13 décembre 1995). MIS, p. 37.

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pays étaient « prêts pour le 18 décembre »68 . Or, le 18 décembre 1995, M. Peña publiait un communiqué de presse selon lequel le Mexique et les États-Unis s’efforçaient de concert d’accroître les garanties de sécurité offertes par les camions mexicains, mais que, comme les travaux nécessaires n’étaient pas achevés, les États-Unis se contenteraient pour l’instant de recevoir et d’étudier les demandes de permis des entreprises mexicaines de camionnage, sans arrêter définitivement les décisions de délivrance. Par conséquent, l’autorisation de dépasser les limites des zones commerciales frontalières antérieurement définies s’est trouvée subordonnée, pour tous les camionneurs mexicains, à l’achèvement des consultations avec le gouvernement mexicain. Ce refus de conclure l’examen des demandes mexicaines revenait essentiellement pour les États-Unis à maintenir le moratoire appliqué aux entreprises mexicaines de camionnage avant le 18 décembre 199569 . 78. Les États-Unis ont expliqué que leurs mesures étaient fondées sur l’insuffisance imputée aux camions mexicains sous le rapport de la sécurité et ont évoqué deux incidents présumés mettant en jeu des camions mexicains, l’un datant de l’automne 1995 et l’autre plus précisément du mois de novembre de la même année – deux cas de déversement de matières dangereuses. Dans le premier de ces deux incidents présumés, le conducteur avait 16 ans et n’avait pu produire ni attestation d’assurance ni documents de transport; de plus, le camion en cause présentait des freins défectueux et un certain nombre de pneus lisses. Le Mexique soutient que ces incidents présumés sont dénués de pertinence dans la présente espèce, parce qu’il aurait pu lui-même produire des renseignements sur plusieurs cas où des camionneurs américains ont causé des accidents en enfreignant la loi américaine. En outre, au début de décembre 1995, le GAO, le « service d’enquête » du Congrès américain, a communiqué au DOT son rapport sur le camionnage transfrontières mexicain. Ce rapport, publié officiellement le 29 février 1996, faisait état de différences notables entre les réglementations américaine et mexicaine en matière de sécurité du transport routier de marchandises. Le Mexique avait bien mis en place un programme d’inspection des camions et de contrôle d’application de la réglementation de sécurité, y disait-on, mais il ne disposait pas des installations et du personnel nécessaires pour le mettre en oeuvre. Toujours selon ce rapport, une proportion considérable des camions mexicains utilisés dans les zones commerciales des quatre États frontaliers américains ne remplissaient pas les normes américaines en matière de sécurité70 .

79.

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MIS, p. 70. MIS, p. 40 à 42.

69

70

USCS, p. 20. S’il n’est pas contesté que le rapport du GAO contenait effectivement ces renseignements sur la réglementation mexicaine, le Mexique soutient que ces renseignements ne sont pas applicables à la présente espèce. Il fait valoir que sa réglementation intérieure n’a pas à être harmonisée avec celle des États-Unis pour que les transporteurs mexicains pris individuellement puissent être autorisés à exercer une activité dans les États frontaliers américains.

21

80.

Le 12 décembre 1995, 32 coalitions aux intérêts diversifiés réunissant des groupes religieux, syndicaux et écologistes ont adressé au Président Clinton une lettre l’exhortant à retarder la mise en oeuvre des obligations découlant de l’ALÉNA, qui devaient devenir exécutoires le 18 décembre 199571 . Le 15 décembre 1995, l’International Brotherhood of Teamsters (Fraternité internationale des camionneurs), syndicat américain représentant, entre autres, les salariés de certaines entreprises américaines de camionnage, a engagé une procédure de contestation du projet de règlement de l’ICC relatif aux services transfrontières de camionnage. Fin décembre 1995 (après la publication du communiqué de presse du 18 décembre), la Cour d’appel des États-Unis (District de Columbia) a rejeté la requête en injonction provisoire déposée par les Teamsters, se fondant sur la thèse de l’administration américaine selon laquelle, comme l’indiquait le communiqué du Secrétaire aux transports, il ne serait pas fait droit aux demandes de permis d’exploitation provenant d’entreprises mexicaines. Les parties ont exposé leurs prétentions par écrit et oralement en 1996, et la Cour a ensuite laissé l’affaire en suspens en attendant que le gouvernement américain décide de mettre en oeuvre les dispositions de l’ALÉNA relatives aux services transfrontières de camionnage. Le 18 décembre 1995, date prévue pour la mise en oeuvre des dispositions de l’ALÉNA concernant les services transfrontières de camionnage, le Secrétaire américain aux transports a publié un deuxième communiqué de presse, où l’on pouvait lire le passage suivant : À compter d’aujourd’hui, les Parties à l’ALÉNA commenceront à accepter les demandes de permis d’exploitation provenant de transporteurs routiers d’une autre Partie pour ce qui concerne le commerce international dans les États frontaliers mexicains et [américains]72 . Cependant, le Secrétaire aux transports ajoutait que les décisions finales à l’égard des demandes pendantes ne seraient prises qu’une fois achevées les consultations entreprises par les États-Unis et le Mexique en vue de faire progresser leurs régimes respectifs de sécurité des transports routiers. À ce jour, le moratoire est encore en vigueur.

81.

82.

83.

Le communiqué de presse portait aussi que, à compter du 18 décembre 1995, les ressortissants mexicains seraient autorisés à investir dans les transporteurs américains pratiquant le commerce international. Malgré sa déclaration suivant laquelle les ressortissants mexicains seraient autorisés à investir dans les transporteurs américains à compter de décembre 1995, le DOT a continué d’appliquer jusqu’à l’heure actuelle une prohibition complète à l’acquisition ou au contrôle par des ressortissants mexicains d’entreprises américaines de transport de marchandises ou de personnes. Cette prohibition est appliquée par le moyen du

84.

71

USCS, p. 23, n. 74.

72

U.S. Dept. of Transportation News, Remarks Prepared for Delivery: U.S. Secretary of Transportation Federico Peña NAFTA Border Opening Remarks (18 décembre 1995), document cité dans le MIS, p. 42.

22

formulaire de demande de nouveau permis d’exploitation, où il est prescrit au demandeur de certifier qu’il n’est pas un ressortissant mexicain et que le transporteur n’est pas détenu ou contrôlé par des ressortissants mexicains. Pour faire droit à la demande d’acquisition d’un transporteur routier existant, le DOT exige aussi du demandeur qu’il indique si l’acquéreur est domicilié au Mexique ou si le transporteur est détenu ou contrôlé par des personnes de ce pays. Ces restrictions ont pour effet d’interdire tout investissement de personnes du Mexique dans les transporteurs américains, étant donné que la demande serait rejetée si elle portait que le demandeur appartient à des ressortissants mexicains73 . 85. Ces déclarations relatives à la participation d’entités mexicaines aux transactions sont requises par le 49 C.F.R. §1182.2(a)(10). Il semble que le DOT n’ait ni publié ni annoncé officiellement l’application de cette restriction ailleurs que dans le formulaire de demande. Or, les restrictions à l’exploitation appliquées antérieurement par l’ICC et actuellement par le DOT ont bel et bien pour effet d’empêcher la délivrance de nouveaux permis d’exploitation aux transporteurs domiciliés aux États-Unis qui sont détenus ou contrôlés par des transporteurs mexicains. Il n’a été déposé aucune pièce attestant que les États-Unis auraient autrement publié ou commenté leur décision de ne pas mettre en oeuvre les dispositions de l’ALÉNA qui font l’objet de la présente procédure. Au 20 juillet 1999, le DOT avait reçu de personnes du Mexique 184 demandes de permis d’exploitation pour la prestation de services transfrontières de camionnage dans les États frontaliers74 . L’existence de différences entre les deux réglementations intérieures n’est pas contestée. Le Mexique aussi bien que les États-Unis ont décrit en détail dans leurs mémoires la réglementation américaine du camionnage, et les États-Unis ont comparé leur système à celui du Mexique pour en dégager les différences. Les deux pays sont d’accord pour dire que la réglementation mexicaine n’est pas identique à celle des États-Unis. Le désaccord porte donc sur la question de savoir si les différences séparant les deux réglementations intérieures justifient le refus des États-Unis de laisser entrer les camions mexicains sur leur territoire. Du 31 décembre 1995 à janvier 2000, les aspects économiques et techniques de la sécurité des transports routiers relevaient de la Federal Highway Administration (FHWA), service qui fait partie du DOT. Depuis le 1er janvier 2000, la plupart des aspects de la réglementation des transports routiers ressortit à un nouveau service du DOT, la Federal Motor Carrier Safety Administration (FMCSA). C’est le DOT qui délivre les permis d’exploitation aux transporteurs routiers. La procédure de délivrance est fondée sur le système de l’autocertification : l’entreprise qui

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87.

88.

89.

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MIS, p. 26. MIS, p. 43.

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23

dépose une demande doit certifier qu’elle connaît toutes les dispositions réglementaires applicables en matière de sécurité et qu’elle s’y conforme. Une fois le permis d’exploitation délivré, la réglementation de la sécurité est exécutée par le moyen d’inspections routières et de contrôles à l’établissement de l’entreprise titulaire. 91. La réglementation américaine de la sécurité est fondée sur le Federal Motor Carrier Safety Regulations (FMCSR). Ce règlement comprend des dispositions sur les heures de service des conducteurs et les carnets de route, et d’autres prescriptions applicables aux conducteurs : âge minimum, qualités requises, connaissance de l’anglais, compréhension de la signalisation routière, etc. Les conducteurs peuvent aussi être soumis à des analyses relatives à l’usage de stupéfiants ou à la consommation d’alcool. Les camions à usage commercial doivent être équipés de dispositifs de sécurité, et le transporteur est lui-même tenu de vérifier l’état et d’assurer l’entretien de tous les véhicules utilitaires qu’il gère. Cette obligation comprend aussi celle de disposer d’un personnel suffisamment qualifié pour s’acquitter des tâches d’entretien et de vérification. La FMSCA effectue aussi bien des inspections routières que des contrôles au siège même des entreprises de camionnage (contrôles en établissement). Le contrôle en établissement comporte un examen des registres relatifs à la sécurité tenus dans les bureaux de l’entreprise de camionnage. Ces inspections et contrôles donnent lieu à l’attribution d’une cote de sécurité aux transporteurs, et ceux qui reçoivent la cote « insatisfaisante » peuvent se voir retirer le droit d’exploiter des véhicules utilitaires. Les États-Unis ont pris un certain nombre de mesures pour assurer la sécurité routière, notamment : la mise en place d’un ensemble complet de normes rigoureuses de sécurité pour les véhicules et les conducteurs; l’application de règles strictes de tenue de registres; l’exécution de ces normes et règles par le moyen d’inspections routières, de contrôles en établissement et de sanctions efficaces; et l’affectation suivie de personnel et de ressources aux tâches coercitives. Il est donc fort probable que la grande majorité des camions à usage commercial roulant aux États-Unis chaque jour remplissent les normes minimales de sécurité de l’administration américaine75 . Les matières dangereuses font l’objet d’un règlement distinct, le Hazardous Materials Regulations (Règlement sur les matières dangereuses). Les États-Unis ont expliqué que la réglementation mexicaine de la sécurité des transports routiers est dépourvue d’un certain nombre des prescriptions essentielles que comporte leur propre réglementation. Le Mexique ne réglemente pas les heures de service des conducteurs et, sauf dans le cas des entreprises qui transportent des matières dangereuses, il n’exige pas la tenue de carnets de route. La réglementation mexicaine ne comporte non plus aucune disposition régissant expressément l’état et l’entretien des dispositifs de sécurité des camions à usage commercial. Exception faite encore une fois des véhicules affectés au transport de matières dangereuses, les entreprises mexicaines ne sont pas assujetties à l’inspection périodique de leurs camions.

92.

93.

94. 95.

75

USCS, p. 47.

24

96.

Pour ce qui concerne les matières dangereuses, les États-Unis ont déclaré que la réglementation mexicaine suit de près les Recommandations des Nations Unies concernant le transport des marchandises dangereuses, mais qu’il y subsiste néanmoins d’importantes lacunes. Les États-Unis et le Mexique sont donc d’accord pour dire qu’il existe des différences considérables entre les réglementations américaine et canadienne d’une part, et la réglementation mexicaine d’autre part. Par exemple, s’il est vrai que le Mexique dispose d’une réglementation des matières dangereuses, celle-ci ne comporte pas de prescriptions détaillées concernant la construction, l’inspection et le fonctionnement comme les réglementations américaine et canadienne. Les deux Parties contestantes s’accordent aussi à reconnaître que les hauts fonctionnaires des transports des deux pays ont déployé de concert des efforts en vue d’améliorer le régime mexicain de sécurité et de développer la coopération à cet égard76 . De plus, les États-Unis font observer qu’ils n’ont cessé depuis 1995 de s’efforcer d’améliorer les services d’inspection de leur côté de la frontière. Des fonds spéciaux ont été attribués aux États frontaliers américains pour les aider à intensifier leur activité d’inspection. Le nombre des inspecteurs à plein temps à la frontière a triplé et s’établit maintenant à 40. On note aussi une intensification des activités de construction de postes d’inspection et de la coopération entre les organismes dont relèvent la sécurité des transports routiers de marchandises et les questions connexes. Les descriptions détaillées qu’on a données des réglementations intérieures des Parties contestantes montrent qu’il existe des différences entre elles et que les deux Parties s’efforcent de les réduire. Cependant, les États-Unis soutiennent que ces différences justifient leur refus de laisser entrer les camions mexicains sur leur territoire, tandis que le Mexique fait valoir que l’état des réglementations intérieures est dépourvu de pertinence quant au point de savoir s’il y a lieu de délivrer des permis d’exploitation sur le territoire américain aux transporteurs mexicains pris individuellement. Comme il a été expliqué dans l’introduction, le point central du différend est de savoir quelles mesures les Parties sont tenues de prendre pour s’acquitter des obligations découlant des dispositions de l’ALÉNA relatives au traitement national et au traitement de la nation la plus favorisée (articles 1102, 1103, 1202 et 1203) et ce que les réserves de l’annexe I permettent aux Parties de faire. Un autre point essentiel du différend est la question de savoir si l’ALÉNA prévoit des exceptions qui pourraient légitimer le fait pour les États-Unis de ne pas autoriser la prestation de services transfrontières de transport de chargements internationaux sur le territoire américain par des camionneurs mexicains.

97.

98.

99.

100.

76

USCS, p. 3 et 44.

25

IV. THÈSES DES PARTIES CONTESTANTES ET DU CANADA

101.

Nous avons résumé dans l’introduction les thèses des Parties contestantes et du Canada. Nous allons maintenant exposer de manière approfondie les assertions formulées par le Mexique, les États-Unis et le Canada à l’intention du Groupe spécial dans la présente procédure. A. Thèses du Mexique

102.

Le Mexique a proposé un examen approfondi des faits relatifs au différend, notamment un tour d’horizon des dispositions américaines concernant la délivrance de permis d’exploitation pour le transport de marchandises et de personnes, une récapitulation des dispositions de l’ALÉNA applicables au différend du camionnage transfrontières77 et un exposé sur le revirement imputé aux États-Unis dans leur volonté de s’acquitter des obligations découlant de l’ALÉNA78 . Les principales assertions du Mexique sont les suivantes : Les États-Unis s’étaient engagés à lever progressivement leur moratoire sur les services transfrontières de camionnage et de transport par autocar et sur l’investissement dans les entreprises établies aux États-Unis qui fournissent de tel services. Ils devaient remplir cet engagement par l’action convergente de deux ensembles de dispositions : 1) l’obligation d’accorder le traitement national et le traitement de la nation la plus favorisée aux fournisseurs de services et aux investisseurs d’une autre Partie, et ii) l’élimination des réserves à l’obligation du traitement national et du traitement de la nation la plus favorisée pour ce qui concerne les services de camionnage et d’autocars et l’investissement dans les entreprises fournissant de tels services, conformément aux calendriers prévus à l’annexe I79 .

103.

Le Mexique soutient qu’il lui suffit, pour s’acquitter de la charge prévue à l’article 33 des Règles de procédure types pour le chapitre 20 – soit celle de faire la preuve que la mesure américaine est incompatible avec les dispositions de l’Accord –, de montrer que « le gouvernement américain a refusé sans motif légitime d’examiner les demandes de permis provenant de transporteurs routiers mexicains »80 .

77

MIS, p. 4 à 31. MIS, p. 33 à 55. MIS, p. 61. MIS, p. 69.

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104.

Le Mexique fait valoir que l’article 34 des Règles de procédure types impose aux États-Unis, étant donné qu’ils arguent de l’applicabilité d’une exception prévue à l’ALÉNA, la charge de prouver que cette exception s’applique. Selon le Mexique, le Groupe spécial doit interpréter l’ALÉNA conformément aux dispositions du paragraphe 102(2), ainsi libellé : « Les Parties interpréteront et appliqueront les dispositions du présent accord à la lumière des objectifs énoncés au paragraphe 1 et en conformité avec les règles applicables du droit international »81 . Les objectifs du paragraphe 102(1) visés en l’occurrence sont essentiellement ceux qui consistent « entre autres, à éliminer les obstacles au commerce des produits et des services entre les territoires des Parties et à faciliter le mouvement transfrontières de ces produits et services; à favoriser la concurrence loyale dans la zone de libre-échange; et à augmenter substantiellement les possibilités d’investissement sur les territoires des Parties »82 . Le Mexique invoque à l’appui de sa thèse la décision Concernant les tarifs appliqués par le Canada sur certains produits agricoles en provenance des États-Unis (CDA-95-2008-01), où il est dit entre autres que « [t]oute interprétation adoptée par le Comité [c’est-à-dire le Groupe spécial] doit par conséquent promouvoir plutôt que restreindre les objectifs de l’ALÉNA »83 . Le Mexique note aussi l’applicabilité de la Convention de Vienne sur le droit des traités, en particulier de son paragraphe 31(1), ainsi libellé : « Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. » C’est là « le point de départ de l’interprétation à donner à l’ALÉNA »84 . Le Mexique exhorte en outre le Groupe spécial à se conformer au « principe de l’effet utile », suivant lequel toute « interprétation doit donner signification et effet à tous les termes du traité »85 . L’article 105 de l’ALÉNA stipule que « [l]es Parties feront en sorte que toutes les mesures nécessaires soient prises pour donner effet aux dispositions du présent accord ». Les États-Unis faisant valoir qu’ils n’ont pas encore achevé tous les travaux nécessaires en prévision de l’ouverture de la frontière, thèse que contredit la conférence de presse donnée le 4 décembre 1995 par le Secrétaire américain

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106.

107.

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MIS, p. 66. MIS, p. 66.

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MIS, p. 67, où l’on cite la décision Concernant les tarifs appliqués par le Canada sur certains produits agricoles en provenance des États-Unis, CDA-95-2008-01, Rapport final du Comité, 2 décembre 1996, par. 122.
84

MIS, p. 67 à 69. MIS, p. 69.

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27

aux transports, M. Peña, le Mexique soutient que l’impréparation n’est pas une excuse. « S’il en était ainsi, il serait loisible aux Parties de se dérober à l’obligation d’appliquer à peu près toutes les dispositions de l’ALÉNA en invoquant ce motif, ce qui serait contraire au principe de l’effet utile »86 . 109. Le Mexique affirme qu’aucune disposition de l’ALÉNA ne confère à une Partie le droit d’imposer ses propres lois et règlements à une autre. Cela constituerait une atteinte inadmissible à la souveraineté nationale, à laquelle il est certain qu’aucune Partie à l’ALÉNA ne s’est ainsi engagée à renoncer87 . Par conséquent, l’ALÉNA n’oblige aucunement le Mexique à appliquer les règles américaines, encore que les États-Unis et le Mexique se soient concertés « dès le départ »88 pour rendre compatibles leurs réglementations respectives. Or, selon le Mexique, les États-Unis ont subordonné la mise en oeuvre de l’ALÉNA à l’adoption par le Mexique d’une réglementation identique des transports routiers, alors que l’ALÉNA ne fait pas de l’harmonisation une condition de son application89 . Le Mexique affirme que lorsque les États-Unis ont contracté leurs engagements dans le cadre de l’ALÉNA, les gouvernements américain aussi bien que mexicain étaient parfaitement conscients du fait que leurs réglementations respectives des transports routiers n’étaient pas identiques. Le Mexique soutient que le respect des engagements d’accès aux marchés des services de camionnage et d’autocars n’a pas été subordonné à l’exécution complète du programme d’harmonisation des mesures normatives. S’il est vrai que les Parties à l’ALÉNA ont adopté un programme de travail visant à rendre compatibles les mesures normatives, la mise en oeuvre des engagements d’accès aux marchés des transports terrestres n’a pas été subordonnée à l’achèvement de l’exécution de ce programme [...] Les gouvernements prévoyaient plutôt que les transporteurs routiers devraient se conformer intégralement aux règles du pays dans lequel ils fourniraient des services. Autrement dit, il était évident pour tous qu’un transporteur routier mexicain qui demanderait un permis d’exploitation aux États-Unis devrait prouver qu’il pourrait se conformer à toutes les prescriptions établies pour les transporteurs routiers américains [pendant qu’il fournirait des services sur le territoire américain]90 .
86

110.

111.

112.

MIS, p. 83 et 84. TR, p. 27. MIS, p. 83 à 85. MIS, p. 64. MIS, p. 74 et 75.

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28

113.

Par conséquent, « les États-Unis ne sont nullement fondés à refuser l’autorisation de fournir des services transfrontières au motif que le Mexique n’a pas adopté une réglementation intérieure de la sécurité des transports routiers qui soit compatible avec la leur »91 . Dans son mémoire postérieur à l’audience, le Mexique a insisté sur le fait qu’« aucune étude officielle n’a jamais été effectuée pour étayer les mesures américaines et que rien n’a été fait, dans le cadre des procédures américaines de réglementation, pour adopter des dispositions applicables aux transporteurs mexicains en matière de sécurité »92 . Selon le Mexique, le gouvernement américain a montré par ses mesures et sa législation qu’il ne pense pas que les transporteurs, les camions ou les conducteurs mexicains menacent en soi la sécurité routière ou soient de quelque autre manière inaptes à la prestation de services sur le territoire américain. La réalité est plutôt que les États-Unis, en 1995, ont isolé une catégorie déterminée de permis d’exploitation – ceux qui sont applicables aux services transfrontières expressément autorisés par l’ALÉNA – pour en refuser la délivrance afin de manifester leur appui à certains courants de l’opinion intérieure93 . Le Mexique, à propos de la situation du factage dans les régions frontalières, fait valoir que les États-Unis ont choisi de ne pas réglementer l’activité des transporteurs des zones frontalières de la même manière que celle des transporteurs de l’intérieur, alors qu’ils seraient parfaitement libres de le faire. Il est confirmé, selon le Mexique, que les États-Unis sont satisfaits de la façon dont les transporteurs mexicains observent les règles de sécurité par le fait qu’ils n’ont fourni aucun effort pour réglementer le transfert des remorques mexicaines aux véhicules tracteurs américains94 . Qui plus est, « même si le gouvernement américain était réellement mû par des préoccupations de sécurité, il ne s’y serait pas pris de la bonne façon pour y donner suite »95 . Le Mexique estime que le « marquage » appliqué par les États-Unis, selon lequel « les transporteurs routiers mexicains, pris collectivement, seraient trop dangereux pour qu’on leur permette d’exercer leur activité sur le territoire américain », non seulement n’est pas conforme aux faits, mais constitue un manquement à l’obligation du traitement national. Les transporteurs américains, contrairement à leurs homologues mexicains, « jouissent en vertu de la loi

114.

115.

116.

117.

91

MIS, p. 75. MPHS, p. 1. MRS, p. 1 à 5. MRS, p. 5 à 7. MIS, p. 64; voir plus loin le par. 124 du présent rapport.

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américaine 1) du droit d’être évalués en fonction de leurs dossiers individuels et ii) d’un droit de recours sans réserves contre le rejet de leurs demandes de permis d’exploitation. Or, ces deux droits ont été refusés aux transporteurs mexicains en violation de l’ALÉNA »96 . 118. Le Mexique relève la décision de l’ICC en date du 30 novembre 1995, selon laquelle il ne devait pas être appliqué aux demandeurs mexicains de prescriptions substantiellement différentes de celles appliquées aux autres transporteurs routiers. Selon le Mexique, l’ICC a agi ainsi pour se conformer à l’obligation du traitement national découlant de l’ALÉNA, malgré les pressions contraires exercées par les Teamsters, fondant sa conclusion en partie sur « l’absence d’éléments tendant à prouver que les demandeurs mexicains seraient plus susceptibles que les transporteurs nationaux de ne pas appliquer ou de mal comprendre les vérifications détaillées prévues au formulaire de demande, ou de faire des déclarations mensongères [...] »97 . Le Mexique affirme aussi que le gouvernement américain a manqué à l’obligation du traitement de la nation la plus favorisée découlant de l’article 1203 de l’ALÉNA en ceci qu’il « accorde le traitement national aux transporteurs routiers canadiens, sans leur imposer aucune des restrictions frappant les transporteurs mexicains ». Le motif invoqué par les États-Unis pour ce traitement différencié – à savoir que la réglementation canadienne des transporteurs routiers est « compatible » avec celle des États-Unis conformément à un accord de reconnaissance mutuelle datant d’avril 1994 – est controuvé : en fait, les États-Unis ont accordé le traitement national au Canada dès 1960, longtemps avant la signature du Protocole d’entente de 199498 . À propos de l’expression « dans des circonstances analogues », le Mexique se déclare en désaccord avec les États-Unis sur la portée de ces termes. Selon le Mexique, le contre-mémoire américain donne à entendre que cette expression devrait être interprétée on ne sait trop comment comme créant une exemption générale de l’obligation du traitement national pour une Partie qui invoquerait la protection de la santé et de la sécurité. Or, fait observer le Mexique, cette interprétation n’est pas étayée par l’historique des négociations dont l’ALÉNA est issu99 . Les transporteurs mexicains veulent pouvoir fournir des services de camionnage en zone longue – exactement le même genre de services que ceux que fournissent

119.

120.

121.

96

MIS, p. 75.

97

MIS, p. 76 et 77, où l’on cite le Brief for U.S. Department of Justice and U.S. Department of Transportation (p. 19 à 23), déposé dans l’affaire International Brotherhood of Teamsters v. Secretary of Transportation, n o 96-1603.
98

MIS, p. 79. MRS, p. 10.

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30

leurs homologues américains et canadiens. Étant donné notamment l’historique de la négociation de l’ALÉNA, qui montre que les Parties sont convenues que le membre de phrase « fournisseurs de services [...] dans des circonstances analogues » devait être entendu dans le même sens que « services et fournisseurs de services analogues », il ne fait aucun doute que les transporteurs mexicains pris individuellement se trouvent « dans des circonstances analogues » à celles des transporteurs américains et canadiens. 122. Le Mexique fait valoir que la source de l’expression « dans des circonstances analogues » se trouve à l’article 1402 de l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis (ALÉ)100 . Cette expression, d’après le Mexique, « n’autorisait pas une Partie à refuser le traitement national au motif de la protection de la santé et de la sécurité ». Elle était plutôt « conçue pour remplir une fonction du même ordre que celle que remplissait l’expression “produit semblable” en matière de commerce des produits – c’est-à-dire pour faire en sorte que les comparaisons entre les réglementations soient faites à l’égard de services et d’entreprises suffisamment semblables »101 . Si le fait que les transporteurs mexicains fussent domiciliés au Mexique avait exigé certaines modifications de la procédure de demande de permis ou du système de surveillance, les États-Unis auraient pu, selon le Mexique, apporter ces modifications. « Autrement dit, même si les transporteurs mexicains n’étaient pas d’une manière ou d’une autre “analogues” aux transporteurs américains et canadiens, il était possible aux États-Unis d’établir des prescriptions qui les eussent rendus tels. Au lieu d’établir de telles prescriptions, les États-Unis ont arbitrairement décidé de refuser d’autoriser les transporteurs mexicains à exercer leur activité sur le territoire américain (et, par surcroît, seulement dans les cas où ils auraient pu entrer en concurrence directe avec les transporteurs américains) »102 . Le Mexique note à l’appui de cette interprétation que s’il suffisait qu’un fournisseur de services soit d’un pays donné pour se trouver dans des « circonstances non analogues » à celles des entreprises nationales, l’obligation du traitement national découlant de l’ALÉNA serait dépourvue de signification103 . Le Mexique soutient en outre que ni le traitement national ni le traitement de la nation la plus favorisée (NPF) ne peuvent être subordonnés à « l’adoption par une Partie de lois ou de règlements qu’une autre Partie estime souhaitables ». Les États-Unis, à cet égard, n’ont pas démontré « pourquoi la réglementation

123.

124.

125.

100

MRS, p. 11, où l’on cite l’article 1402 de l’ALÉ. MRS, p. 11. MRS, p. 13. MRS, p. 14 et 15.

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mexicaine des fournisseurs de services exerçant leur activité au Mexique – qui dans leur immense majorité n’entreront jamais aux États-Unis – devrait être considérée comme pertinente s’agissant de décider le traitement du petit nombre de transporteurs mexicains qui demandent un permis d’exploitation sur le territoire américain ». Les États-Unis n’ont pas essayé non plus d’expliquer comment ces obligations découlant de l’ALÉNA pourraient être considérées comme « subordonnées à l’adoption d’une réglementation identique ou équivalente »104 . 126. Le Mexique, apparemment pour contrer à l’avance une argumentation éventuelle des États-Unis fondée sur le chapitre 9 (lequel n’a pas été invoqué par ceux-ci), a soutenu que si le Groupe spécial concluait que le moratoire américain est effectivement une mesure [de sécurité], fondée sur une norme de sécurité spécialement applicable aux transporteurs mexicains ou destinée à assurer l’observation d’une telle norme, il devrait conclure aussi que les mesures américaines enfreignent l’ALÉNA, [...] [étant donné que] le gouvernement américain ne s’est pas conformé à la procédure prévue au chapitre 9 de l’ALÉNA, [qu’]il n’a procédé à aucune évaluation des risques à l’appui de sa prétendue norme de sécurité comme l’y obligeait l’article 907 de l’ALÉNA et [qu’]il n’a jamais publié la norme ni ménagé au public la possibilité de présenter des observations comme l’article 909 lui en faisait un devoir105 . 127. D’après le Mexique, les États-Unis ont en fait « interdit aux demandeurs mexicains de mener à terme la procédure d’autorisation en refusant d’examiner leurs demandes ». Les mesures américaines ont eu pour effet d’interdire aux transporteurs mexicains « toute possibilité de se conformer aux mesures normatives »106 . De plus, « la prétendue norme est subjective et arbitraire [...] et enfreint par conséquent l’article 904 de l’ALÉNA »107 . Le Mexique fait valoir que, pour ce qui concerne le chapitre 9 (mesures normatives), la prohibition complète frappant les transporteurs mexicains enfreint le paragraphe 904(3) et n’est légitimée par aucune autre disposition de l’ALÉNA, parce qu’elle refuse aux transporteurs mexicains la possibilité de se conformer aux normes américaines108 .

104

MRS, p. 15 et 16. MPHS, p. 3. MIS, p. 82. MIS, p. 82 et 83. MRS, p. 14 et 15.

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32

128.

Le Mexique fait en outre valoir la non-pertinence de l’exception prévue au paragraphe 904(2), qui permet à chacune des parties, « en vue de la réalisation de ses objectifs légitimes touchant la sécurité, la protection de la santé et de la vie des personnes ou des animaux, la préservation des végétaux ou la protection de l’environnement ou des consommateurs » d’« établir les niveaux de protection qu’elle juge appropriés ». Les mesures américaines n’ont pas réellement été prises « en vue de la réalisation d’“objectifs légitimes touchant la sécurité”. Les États-Unis n’ont pas établi un “niveau de protection” : ils ont simplement interdit aux transporteurs routiers mexicains d’exercer des activités susceptibles de les mettre en concurrence avec les transporteurs routiers américains »109 . Le Mexique affirme que « les États-Unis appliquent aux demandeurs mexicains des règles différentes de celles qu’ils appliquent aux demandeurs américains et canadiens » en ceci qu’« ils permettent aux demandeurs américains et canadiens d’autocertifier leur conformité à la réglementation, les évaluent en fonction de leurs dossiers individuels et leur accordent le droit de recours contre le rejet de leurs demandes, alors que les demandeurs mexicains ont été catalogués collectivement comme inaptes et indignes de confiance, suivant une méthode d’évaluation qui n’a jamais été officiellement adoptée et reste inconnue »110 . Cette façon de procéder enfreint le paragraphe 904(2) (qui régit l’établissement des niveaux de protection) et l’article 907 (qui prescrit l’évaluation des risques), dispositions conçues pour éviter l’application de « distinctions arbitraires ou injustifiées entre produits ou services semblables »111 . Le Mexique conclut de ce qui précède que « même si les États-Unis pouvaient être réputés appliquer une norme de sécurité, cette norme n’aurait pas été adoptée conformément à la procédure prescrite au chapitre 9 de l’ALÉNA. Par conséquent, l’application de cette norme constitue une violation caractérisée de l’ALÉNA »112 . Le Mexique fait aussi valoir que les États-Unis ne peuvent justifier leur inaction en invoquant l’article 2101. À propos des exceptions générales, il rappelle que le passage pertinent du paragraphe 2102(2) est ainsi libellé : À condition que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifié entre des pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce entre les Parties, aucune disposition [...] du chapitre 12 (Commerce transfrontières des

129.

130.

131.

109

MIS, p. 82. MPHS, p. 9. MPHS, p. 10, où l’on cite le paragraphe 907(2). MPHS, p. 12.

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services) [...] ne sera interprétée comme empêchant l’adoption ou l’application par toute Partie des mesures nécessaires pour assurer l’application des lois et règlements qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent accord, et notamment des lois et règlements qui ont trait à la santé, à la sécurité et à la protection des consommateurs. 132. Le Mexique fait observer que le paragraphe 2102(2) n’autorise à prendre des mesures incompatibles avec l’ALÉNA qu’à la seule condition « que les lois ou les règlements dont on veut assurer l’application ne soient pas eux-mêmes incompatibles avec cet accord ». 113 Le Mexique soutient aussi que la portée du paragraphe 2101(2) doit être interprétée en fonction de la pratique de longue date du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) à l’égard des exceptions générales analogues prévues au paragraphe XX(d) de cet accord. Il faut non seulement que les « lois et règlements » ne soient pas incompatibles avec les dispositions de l’accord, mais aussi que les mesures soient « nécessaires pour assurer [leur] respect » et ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable, soit une restriction déguisée au commerce international »114 . Le paragraphe 2101(2) est applicable au seul cas où la Partie en question autorise en général la prestation de services transfrontières, mais veut adopter ou exécuter d’autres mesures qui peuvent être incompatibles avec l’ALÉNA afin d’assurer l’observation de la loi ou du règlement principal. Autrement dit, le paragraphe 2102(2) n’autorise que les mesures conçues pour empêcher les activités qui enfreindraient la loi ou le règlement principal. Le refus d’examiner les demandes de permis formulées par des personnes du Mexique ne se justifie pas en vertu de l’article 2101 parce que le gouvernement américain n’a pas pris cette mesure pour assurer l’application d’une loi ou d’un règlement. Qui plus est, la mesure américaine constitue un moyen de discrimination arbitraire et injustifié contre les personnes du Mexique et une restriction déguisée au commerce entre les Parties115 . Le Mexique fait observer qu’il ne s’est pas entendu avec les États-Unis pour négocier une modification de l’ALÉNA qui les autoriserait à retarder la mise en oeuvre des dispositions relatives aux services transfrontières de camionnage. En

133.

134.

135.

113

MIS, p. 87 à 90.

114

MIS, p. 89, où l’on cite États-Unis – L’article 337 de la Loi douanière de 1930, Rapport du Groupe spécial [du GATT] adopté le 7 novembre 1989, IBDD/34S (ci-après désigné dans les notes L’article 337).
115

MIS, p. 90.

34

participant à des consultations – qui se sont révélées infructueuses – en vue d’un règlement, le Mexique n’a pas renoncé aux droits que lui confère l’ALÉNA116 . 136. Le Mexique fait valoir en outre que le libellé des dispositions applicables de l’ALÉNA – qui prévoient la condition « que ces mesures [exceptionnelles] ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifié entre des pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce entre les Parties » et stipulent que ces mesures doivent être « nécessaires pour assurer l’application des lois et règlement qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent accord » – montre que les Parties avaient l’intention « que le paragraphe 2101(2) de l’ALÉNA fût interprété de la même manière que le paragraphe XX(d) du GATT »117 . Par conséquent, « la jurisprudence du GATT et de l’OMC touchant l’interprétation du paragraphe XX(d) du GATT doit être considérée comme pourvue d’une forte valeur probante lorsqu’il s’agit d’établir le sens du paragraphe 2101(2) de l’ALÉNA, notamment les décisions suivantes : Canada – Certaines mesures concernant les périodiques118 , États-Unis – Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne formules119 et États-Unis – Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes »120 . Le Mexique rappelle que les États-Unis ont invoqué le terme « nécessaires » dans les affaires de l’essence nouvelle et ancienne formules et de l’article 337121 , tout comme ils l’ont fait contre le Canada dans l’affaire des périodiques, encore que dans ce dernier cas le groupe spécial n’ait pas tenu compte de cette question dans sa décision122 . Après avoir passé en revue les décisions du groupe spécial et de l’Organe d’appel dans l’affaire de l’essence nouvelle et ancienne formules, le Mexique note ce qui suit : [Donc, l’Organe d’appel] a conclu que la nécessité pour une Partie d’adopter, parmi les mesures dont elle dispose raisonnablement,

137.

116

MIS, p. 90 et 91. MPHS, p. 12.

117

118

Canada – Certaines mesures concernant les périodiques, Rapport du Groupe spécial [de l’OMC] adopté le 14 mars 1997, WT/DS31/R (ci-après désigné Périodiques dans les notes).
119

États-Unis – Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne formules, Rapport de l’Organe d’appel de l’OMC, 20 mai 1996, WT/DS/9 (ci-après désigné Essence nouvelle et ancienne formules dans les notes).
120

MPHS, p. 12 et 13; États-Unis – Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, Rapport de l’Organe d’appel de l’OMC, 12 octobre 1998, WT/DS58/AB/R (ci-après désigné Crevettes dans les notes).
121

États-Unis – L’article 337 de la Loi douanière de 1930. MPHS, p. 15 et 16.

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35

celle qui comporte le moindre degré d’incompatibilité avec le GATT se déduit de la stipulation du texte introductif de l’article XX selon laquelle les mesures incompatibles avec le GATT ne doivent pas être appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination injustifiable, soit une restriction déguisée au commerce international. Il a aussi conclu que le fait pour un gouvernement de n’avoir pas tiré un parti suffisant de la possibilité d’arrangements intergouvernementaux de coopération pour assurer l’exécution constitue une preuve concluante que ce gouvernement n’a pas adopté, parmi les mesures dont il disposait raisonnablement, celle qui comportait le moindre degré d’incompatibilité avec le GATT123 . 138. Enfin, invoquant la décision sur les crevettes, le Mexique rappelle que l’Organe d’appel en l’espèce « a conclu que la “rigidité et l’inflexibilité” de la mesure américaine, qui exigeait des autres pays qu’ils adoptent une réglementation “pour l’essentiel identique” à celle des États-Unis, constituait un moyen de discrimination arbitraire au sens du texte introductif de l’article XX »124 . Pour ce qui concerne la présente espèce, le Mexique soutient que les décisions sur l’essence nouvelle et ancienne formules et sur les périodiques démontrent que le moratoire américain doit assurer l’application d’autres dispositions légales ou réglementaires qui ne sont pas incompatibles avec l’ALÉNA, qu’il doit être nécessaire pour assurer cette application et qu’il ne doit pas constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifié entre des pays où les mêmes conditions existent ou une restriction déguisée au commerce125 . Selon le Mexique, le moratoire américain ne remplit pas ces critères126 . Le Mexique rappelle que les dispositions applicables de l’annexe I concernent les mesures non conformes existantes et leur libéralisation. En fait, il découle des objectifs de l’ALÉNA que la libéralisation, qu’elle soit prévue sous l’élément Élimination progressive ou sous l’élément Description, constitue l’aspect fondamental des réserves et prime sur tout autre élément, y compris la mesure elle-même. « Il n’est prévu aucune autre espèce d’exceptions sous l’élément Élimination progressive des réserves américaines touchant les services de

139.

140. 141.

123

MPHS, p. 19. MPHS, p. 20 à 22. MPHS, p. 22 et 23 (c’est nous qui soulignons). MPHS, p. 23 à 25.

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126

36

transport routier. Les engagements en question ont pris effet aux dates qui y sont spécifiées et à ces mêmes dates ont acquis force obligatoire »127 . 142. Le Mexique soutient qu’aucune exception prévue à l’ALÉNA n’est applicable à l’inaction américaine. Les articles 1206 (services) et 1108 (investissement) autorisent des réserves déterminées – notamment en dérogation aux articles 1102 et 1202 (traitement national) et aux articles 1103 et 1203 (traitement de la nation la plus favorisée) – dans les limites que stipule la note introductive de l’annexe I. Selon le Mexique, le Groupe spécial ne devrait pas « examiner le point de savoir si les États-Unis ont annulé ou compromis, en situation de non-violation, des avantages que le Mexique pouvait raisonnablement attendre de son adhésion à l’ALÉNA, étant donné que le Mexique a déjà recensé plusieurs violations caractérisées ». Si le Groupe spécial décidait néanmoins de le faire, « le Mexique croit que certains aspects de la décision relative aux marchés publics seraient utiles pour l’interprétation des dispositions de l’ALÉNA applicables à la présente espèce ». Cette décision (dont le titre complet est Corée – Mesures affectant les marchés publics) est pertinente selon le Mexique parce qu’elle confirme l’applicabilité du principe Pacta sunt servanda de l’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités à « l’interprétation des Accords de l’OMC et à la procédure d’établissement des traités dans le cadre de l’OMC »128 . Notamment, cette décision, « en mettant l’accent sur la nécessité d’une application de bonne foi des traités, contribue à mettre au jour une tare fondamentale de la position américaine dans le présent différend ». Le Mexique pense que les États-Unis regrettent les concessions qu’ils ont faites en matière de services transfrontières de camionnage129 . Le Mexique, rappelant le caractère inconditionnel de l’annexe I, note que « les Parties [dans le cadre du Sous-comité des normes relatives aux transports terrestres institué par l’ALÉNA] ne prévoyaient pas de rendre leurs normes compatibles avant la date à laquelle les États-Unis s’étaient engagés à permettre un élargissement de l’accès à leur marché en matière de services transfrontières de camionnage [...] L’ALÉNA ne stipule pas que le Mexique doive adopter une réglementation intérieure identique ou équivalente à celle des États-Unis avant qu’il ne soit permis à ses transporteurs routiers de fournir des services transfrontières »130 . L’annexe I, le texte définissant les points convenus au Sous-comité des normes relatives aux transports terrestres, le chapitre 9, l’article 2101 et la conscience

143.

144.

145.

127

MIS, p. 86. MPHS, p. 31 à 33. MPHS, p. 32. MPHS, p. 34.

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130

37

manifeste chez les États-Unis « de leur obligation d’autoriser d’autres transporteurs mexicains à fournir des services transfrontières à compter de décembre 1995 » – tous ces facteurs amènent le Mexique à conclure ce qui suit : [L]e « sens ordinaire » de l’ALÉNA, selon l’interprétation des États-Unis autant que du Mexique, était que les transporteurs appartenant à des personnes du Mexique bénéficieraient du traitement national et du traitement de la nation la plus favorisée trois ans après la signature de l’ALÉNA pour ce qui concerne l’obtention de permis d’exploitation leur permettant de fournir des services transfrontières de camionnage dans les États frontaliers, et six ans après l’entrée en vigueur de cet accord en ce qui a trait à la prestation des mêmes services sur l’ensemble du territoire américain. Il s’ensuivait que les transporteurs appartenant à des personnes du Mexique seraient admis à présenter des demandes dans le cadre des mêmes procédures que les transporteurs américains et canadiens (ou de procédures équivalentes) et que leurs demandes seraient évaluées suivant les mêmes critères, sauf adoption d’une modification raisonnable en conformité avec une exception applicable prévue par l’ALÉNA131 . 146. Le Mexique soutient que les États-Unis ont manqué à leur obligation, découlant de l’annexe I et des dispositions relatives au traitement national, d’autoriser les ressortissants mexicains à investir dans le secteur américain des transports routiers, ces ressortissants se voyant empêchés d’établir une entreprise aux États-Unis ou d’investir dans des entreprises américaines déjà engagées dans le commerce international. Le Mexique voit aussi dans cette conduite un manquement à l’obligation du traitement NPF, puisque aucune restriction de cette nature ne vient limiter la capacité des personnes du Canada à investir dans les transporteurs routiers américains 132 . En dépit de son engagement d’éliminer progressivement les restrictions existantes, le gouvernement américain n’a pas encore supprimé la prescription obligeant tout demandeur désireux de faire l’acquisition d’une entreprise américaine de camionnage existante à certifier qu’il n’est pas domicilié au Mexique ni contrôlé par une personne du Mexique133 . Le Mexique fait observer que « les États-Unis reconnaissent expressément que leur prohibition à l’investissement mexicain n’est pas fondée sur des préoccupations de sécurité », mais que, dans les termes du représentant des États-Unis, « elle découle du moratoire, elle fait partie du moratoire qui est encore

147.

131

MPHS, p. 36. MIS, p. 80 et 81. MIS, p. 79 à 81.

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en vigueur »134 . Ainsi, bien qu’ils aient soutenu dans leurs mémoires qu’il incombait au Mexique de désigner un ressortissant mexicain déterminé qui souhaitât investir, les États-Unis ont déclaré à l’audience que même si le Mexique pouvait désigner un investisseur éventuel, cela ne suffirait pas pour les amener à admettre avoir enfreint l’ALÉNA. Les États-Unis ont refusé d’expliquer cette position. Par conséquent, le Mexique estime que l’infraction des États-Unis aux articles 1102 et 1103 a été clairement établie 135 . 148. Le Mexique note que la loi américaine oblige encore tout demandeur d’un nouveau permis d’exploitation aux États-Unis à produire une déclaration attestant qu’il n’est pas un ressortissant mexicain ni contrôlé par des ressortissants mexicains. Il en va de même pour la transmission des permis existants. « Dans ces conditions, on voit mal comment un transporteur mexicain se donnerait la peine de demander l’autorisation d’établir une entreprise de transports aux États-Unis ou d’acquérir un transporteur américain existant »136 . Le Mexique soutient que, suivant un principe généralement admis dans le cadre du GATT et de l’OMC, lorsqu’une mesure se révèle incompatible avec les obligations de la Partie qui l’a prise, il n’est pas nécessaire de prouver que cette mesure a eu un effet sur le commerce international [...] Lorsqu’il y a violation caractérisée de l’ALÉNA, comme c’est le cas dans la présente espèce, le Groupe spécial n’a pas à constater une annulation ou une réduction d’avantages; il lui suffit de conclure à l’incompatibilité avec l’ALÉNA des mesures incriminées [américaines en l’occurrence]137 . 149. Une des principales thèses du Mexique est que, malgré l’affirmation des États-Unis selon laquelle le report de la mise en oeuvre des dispositions relatives aux services de camionnage aurait été motivé par des préoccupations de sécurité, il l’était en réalité par des facteurs politiques. À l’appui de cette thèse, le Mexique invoque les déclarations faites avant le 18 décembre 1995 par le Secrétaire américain aux transports (M. Peña) et divers hauts fonctionnaires des États frontaliers, comme quoi les États-Unis étaient prêts à la mise en oeuvre. Le Mexique invoque également des articles de presse touchant l’effet exercé par l’intervention des Teamsters sur la première décision américaine de report et les considérations politiques qui ont déterminé les reports ultérieurs138 .

134

MPHS, p. 4. MPHS, p. 5. MRS, p. 8. MRS, p. 9 et 10. MIS, p. 70 à 74.

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39

150.

Le Mexique soutient en outre que les motifs des États-Unis sont pertinents, au moins pour ce qui concerne les questions découlant de l’article 904, mais il admet qu’ils ne le sont pas relativement à des dispositions comme celles du paragraphe 2101(2), étant donné qu’« une mesure peut se révéler non conforme à l’ALÉNA même lorsque le gouvernement qui l’a prise voyait de bonne foi dans la sécurité l’objet principal de cette mesure »139 . Le Mexique soutient que la prohibition américaine à la délivrance à d’autres transporteurs mexicains de permis d’exploitation applicables aux services en zone longue sur le territoire américain n’est pas une mesure de sécurité, mais plutôt une « mesure de contrainte économique »140 . Dans le cadre de l’ALÉNA, les États-Unis s’étaient engagés à lever le moratoire, de sorte que d’autres transporteurs mexicains fussent autorisés à fournir des services transfrontières de camionnage en zone longue. « Mais [...] les États-Unis n’ont absolument rien fait pour modifier leur législation de manière à transformer la mesure de contrainte économique en une disposition réglementaire d’un autre type [...] En fait, le DOT n’a jamais abrogé le règlement qu’il avait arrêté définitivement à la fin de 1995, qui aurait autorisé les transporteurs mexicains à demander des permis d’exploitation suivant les mêmes procédures et critères que les transporteurs américains et canadiens. Par conséquent, dans le cadre de la législation américaine, le maintien du moratoire sur la délivrance de permis d’exploitation aux transporteurs mexicains reste officiellement une mesure de contrainte économique141 . B. Thèses des États-Unis

151.

152.

153.

Selon les États-Unis, [l]e régime mexicain de sécurité est dépourvu d’éléments essentiels tels qu’un ensemble complet de normes d’équipement des camions et des systèmes pleinement opérationnels d’inspection routière et de contrôle en établissement. Étant donné ces différences importantes de situation et le bilan à ce jour de l’observation des règles de sécurité par les camionneurs mexicains roulant dans la zone frontalière américaine, la décision américaine de reporter l’examen des demandes de permis d’exploitation provenant de transporteurs mexicains jusqu’à la réalisation de nouveaux progrès dans les travaux bilatéraux de renforcement de

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MPHS, p. 8 et 9. MPHS, p. 6 et 7. MPHS, p. 6 et 7.

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la sécurité est à la fois prudente et compatible avec les obligations découlant pour les États-Unis de l’ALÉNA142 . 154. Ainsi, les États-Unis ne seraient pas tenus de délivrer des permis d’exploitation aux entreprises mexicaines de camionnage étant donné que le Mexique ne dispose pas encore d’une réglementation suffisante pour assurer la sécurité routière aux États-Unis143 . Selon les États-Unis, « l’ALÉNA ne porte aucune prescription de cette nature. Au contraire, les dispositions de l’ALÉNA relatives au traitement national et au traitement de la nation la plus favorisée autorisent les Parties à appliquer un traitement différencié aux fournisseurs de services en vue de réaliser un objectif légitime de réglementation »144 . Les États-Unis soutiennent que l’observation des règles de sécurité par les transporteurs mexicains ne peut être assurée par un examen au cas par cas : « Une approche au cas par cas, cependant, ne pourrait assurer de manière satisfaisante l’observation des règles de sécurité par les transporteurs routiers mexicains exerçant une activité aux États-Unis. En effet, comme les États-Unis l’ont déjà expliqué, la sécurité routière ne peut être garantie que par un régime complet et intégré. C’est pour cette raison que les États-Unis s’efforcent d’élaborer, en collaboration avec les responsables mexicains, des systèmes comparables de sécurité des transports routiers »145 . Il ne serait pas non plus concrètement possible pour les États-Unis d’inspecter les camions un à un à la frontière146 . Les États-Unis recensent dans les termes suivants les lacunes du système mexicain de surveillance : Le gouvernement mexicain ne dispose pas d’un système d’identification des transporteurs et conducteurs ressortissant à son autorité qui permettrait d’attribuer et d’examiner comme il convient les entorses aux règles de sécurité. Nous croyons comprendre que le gouvernement mexicain déploie des efforts considérables pour enregistrer tous les transporteurs du pays et les inscrire dans une base de données qui faciliterait l’attribution des infractions aux règles de sécurité, mais cette base ne contient pas encore de données relatives à la sécurité. Par conséquent, le Mexique ne peut déterminer le degré de conformité aux règles de sécurité des transporteurs et conducteurs mexicains [...] Ne

155.

156.

142

USPHS, p. 2 et 3. USCS, p. 2. USCS, p. 2. USPHS, p. 3. USPHS, p. 4.

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disposant pas de l’information qu’ils pourraient tirer de tels dossiers de sécurité, les États-Unis ne peuvent procéder à une évaluation digne de ce nom des caractéristiques des transporteurs mexicains sur le plan de la sécurité au stade de l’examen des demandes de permis d’exploitation147 . 157. Les États-Unis font valoir en outre qu’il serait vain d’essayer d’inspecter les transporteurs mexicains au Mexique, parce que ceux-ci « ne sont pas astreints à tenir les registres qu’il est d’usage d’examiner dans ces inspections ». Même si l’on faisait un effort dans ce sens, les renseignements ainsi obtenus « resteraient impossible à corroborer jusqu’à ce que le gouvernement mexicain élabore et mette en place les systèmes d’information nécessaires pour recueillir et communiquer ces données »148 . Les États-Unis notent aussi qu’ils n’ont jamais procédé à des vérifications au Mexique : « Les États-Unis n’ont jamais exécuté de contrôles de conformité ni aucune autre sorte d’inspections de transporteurs ou de camions sur le territoire mexicain, pas plus qu’ils n’ont accordé quelque “titre ou autorisation” que ce soit à un transporteur mexicain à la suite d’une visite de ses bureaux »149 . Les États-Unis soutiennent également que le Mexique n’est pas fondé à invoquer l’article 105. Selon eux, « l’objet de l’article 105 est tout simplement d’établir qu’il incombe à chacune des Parties à l’ALÉNA de faire en sorte que les gouvernements de ses États ou de ses provinces se conforment aux dispositions de l’accord ». Qui plus est, « [a]ucune disposition de l’article 105 ne donne à penser que les mesures supposant la coopération entre les Parties à l’ALÉNA seraient d’une façon ou d’une autre interdites ou exclues »150 . Les programmes américains (et canadiens) de sécurité du camionnage sont l’élément essentiel à prendre en considération dans l’établissement des circonstances analogues de cette activité : grâce à eux, « il est fort probable que les camions américains et canadiens roulant aux États-Unis chaque jour remplissent des normes minimales de sécurité ». Les principaux éléments du programme américain de sécurité du camionnage sont les suivants : un ensemble complet de normes rigoureuses de sécurité pour les véhicules et les transporteurs; l’application de la réglementation
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158.

159.

USPHS, p. 5. USPHS, p. 6.

148

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USPHS, p. 7. Le Mexique conteste l’affirmation des États-Unis selon laquelle ils n’ont jamais pu effectuer de contrôle de conformité au Mexique. Il fait observer dans son mémoire initial que, en 1997, des fonctionnaires du DOT, accompagnés d’homologues mexicains, ont effectivement visité les bureaux de plusieurs transporteurs routiers mexicains. Selon le Mexique, ces fonctionnaires américains étaient satisfaits des conditions observées au cours de ces inspections (MIS, p. 44 et 45).
150

USSS, p. 19 et 20.

42

par le moyen d’inspections routières et de contrôles en établissement; des règles rigoureuses de tenue de registres; des bases de données électroniques qui fournissent promptement aux inspecteurs itinérants les données de sécurité dont ils ont besoin sur les conducteurs et les transporteurs; et l’affectation au contrôle d’application d’une quantité considérable de ressources humaines et autres151 . 160. Selon les États-Unis, « [p]our fournir des garanties suffisantes de sécurité, il faudrait aussi que le Mexique mette en place, comme le Canada l’a fait, des mécanismes de contrôle sur son propre territoire. Les États-Unis ont déployé des efforts considérables de coopération pour aider le Mexique à élaborer son système de sécurité. S’il est vrai que le Mexique a fait des progrès notables, ce travail n’est pas achevé. » Les faits étant tels, « les dispositions de l’ALÉNA relatives au traitement national et au traitement de la nation la plus favorisée n’obligent pas les États-Unis, comme le soutient le Mexique, à accorder aux entreprises mexicaines de camionnage le même traitement que celui qu’ils accordent aux entreprises américaines et canadiennes »152 . En particulier, l’ALÉNA n’oblige pas les États-Unis à délivrer des permis d’exploitation aux entreprises mexicaines de camionnage dans un contexte 1) où il subsiste des doutes sérieux sur leur bilan global de sécurité, 2) où le Mexique n’a pas achevé l’élaboration des mesures directes de réglementation et de contrôle d’application qui sont nécessaires pour que soient remplies les normes de sécurité du camionnage et 3) où les dispositifs essentiels de coopération bilatérale ne sont pas encore entièrement opérationnels 153 . 162. En outre, les États-Unis soutiennent que l’article 33 des Règles de procédure types pour le chapitre 20 attribue au Mexique la charge de prouver qu’il y a eu violation des articles 1202 et 1203, « y compris la charge de prouver l’existence des circonstances de réglementation applicables et de démontrer que ces circonstances sont “analogues” »154 . Selon les États-Unis, pour prouver qu’une mesure adoptée ou maintenue par une autre Partie à l’ALÉNA est incompatible avec les articles 1202 et 1203,

161.

163.

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USCS, p. 2. USCS, p. 2 et 3. USCS, p. 35. USCS, p. 42.

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la Partie plaignante doit démontrer l’incompatibilité avec chacun des éléments pertinents de ces articles, c’est-à-dire qu’elle doit établir : 1) l’existence d’une ou plusieurs mesures adoptées ou maintenues par la Partie mise en cause; 2) le fait que cette ou ces mesures se rapportent au commerce transfrontières de services; 3) la nature du traitement accordé par le moyen de la ou des mesures; 4) le degré auquel ce traitement favorise les fournisseurs de services nationaux ou certains fournisseurs étrangers au détriment des fournisseurs de la Partie plaignante; 5) les « circonstances » pertinentes dans lesquelles ce traitement est accordé; et 6) le point de savoir si ces circonstances sont « analogues »155 . 164. Les États-Unis font valoir que le Mexique n’a pas pris en considération l’ensemble de ces éléments : Surtout, le Mexique n’a pas décrit les « circonstances » dans lesquelles les États-Unis accordent le traitement incriminé aux entreprises mexicaines pour des raisons de sécurité. En outre, le Mexique a négligé de démontrer que ces circonstances sont « analogues » à celles de la réglementation des entreprises américaines et canadiennes de camionnage156 . 165. L’expression restrictive « dans des circonstances analogues » permet aux Parties à l’ALÉNA d’accorder un traitement différent, et même moins favorable, lorsque l’exige la réalisation d’objectifs légitimes de réglementation »157 . Les États-Unis déclarent souscrire à la thèse formulée par le Mexique dans sa réplique, selon laquelle « même si les transporteurs mexicains n’étaient pas d’une façon ou d’une autre exactement “analogues” aux transporteurs américains et canadiens, il était possible aux États-Unis d’établir des prescriptions propres à les rendre tels »158 . Cependant, les États-Unis ne partagent pas le point de vue mexicain sur la question fondamentale de savoir si « les transporteurs mexicains sont “analogues” aux transporteurs américains et canadiens aux fins d’application des dispositions de l’ALÉNA relatives au traitement national et au traitement NPF »159 . Les États-Unis ont passé en revue les emplois de l’expression « dans des circonstances analogues » dans les traités bilatéraux sur l’investissement auxquels

166.

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USCS, p. 39. USCS, p. 39. USCS, p. 39. MRS, p. 13. USSS, p. 6.

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ils sont partie, faisant valoir que le libellé de l’ALÉNA en est inspiré, même si l’expression exacte employée dans les traités susdits est plutôt « dans des situations analogues » (in like situations)160 . Dans ces traités comme dans l’ALÉ, l’obligation du traitement national ne signifie pas qu’une mesure déterminée doive entraîner exactement le même traitement pour les fournisseurs de services américains et canadiens. Le paragraphe 1402(3) de l’ALÉ dispose que les fournisseurs de services visés des deux pays peuvent être traités différemment dans la mesure nécessaire pour des considérations de gestion prudente, de fiducie, de santé et de sécurité, ou de protection des consommateurs, pourvu que le traitement différent en question équivaille en pratique au traitement que la Partie accorde aux fournisseurs de services nationaux et qu’elle donne notification préalable à l’adoption de la mesure à l’autre Partie, conformément à l’article 1803161 . 167. Selon les États-Unis, l’historique de la négociation de l’ALÉNA confirme cette interprétation antérieure de l’expression « dans des circonstances analogues », dans la mesure où il montre qu’on a adopté ces termes à condition qu’il leur fût attribué un sens voisin de celui de l’expression « services et fournisseurs de services analogues », à laquelle le Canada et le Mexique avaient d’abord accordé la préférence162 . La position des États-Unis est aussi étayée par leur Statement of Administration Action (Exposé des mesures administratives), dont le passage pertinent est ainsi libellé : « Les fournisseurs de services étrangers peuvent faire l’objet d’un traitement différent si les circonstances le justifient. Par exemple, il est loisible à un État d’imposer des conditions spéciales aux fournisseurs de services canadiens ou mexicains si cela se révèle nécessaire pour protéger les consommateurs dans la même mesure qu’ils sont protégés à l’égard des entreprises locales »163 . De même, l’Énoncé canadien des mesures de mise en oeuvre porte qu’« une Partie à l’ALÉNA peut imposer des obligations légales différentes aux fournisseurs de services des autres Parties pour faire en sorte que ses consommateurs soient protégés dans la même mesure qu’ils le sont à l’égard des entreprises nationales »164 . Il ressort donc clairement de l’expression « dans des circonstances analogues » employée aux articles 1202 et 1203 que les États-Unis

168.

160

USSS, p. 6 et 7. USSS, p. 9 et 10 (nous omettons la référence). USSS, p. 11 et 12. USCS, p. 40 et 41 (ce sont les États-Unis qui soulignent). USCS, p. 41.

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jouissent de la faculté d’établir et d’appliquer des distinctions légitimes sur le plan de la réglementation aux fins de la sécurité routière sur leur territoire »165 . 169. Les États-Unis soutiennent également que « [l]e cadre réglementaire dans lequel les entreprises de camionnage américaines, canadiennes et mexicaines exercent leur activité constitue une « circonstance » d’une pertinence cruciale quant au traitement que les États-Unis peuvent leur accorder, parce qu’il contribue à la détermination des pratiques sectorielles de sécurité dans les trois pays. Comme il est expliqué en détail dans l’exposé des faits [du mémoire américain], les transporteurs mexicains travaillent en fait dans le cadre d’une réglementation moins rigoureuse que leurs homologues du Canada ou des États-Unis »166 . Un des problèmes qui se posent à cet égard concerne les heures de service des conducteurs : « Les règles de sécurité américaines et canadiennes limitent rigoureusement les heures de service des conducteurs. Mais l’activité des routiers mexicains n’est régie que par la législation générale du travail, et le Mexique n’a pas promulgué de dispositions de sécurité directement applicables au temps que les conducteurs peuvent passer au volant »167 . De plus, « les réglementations américaine et canadienne de la sécurité prescrivent la tenue de carnets de route par les conducteurs, seule façon envisageable d’assurer l’application des dispositions relatives aux heures de service. Or, sauf pour ce qui concerne le transport des matières dangereuses, le Mexique ne prescrit pas la tenue de carnets de route »168 . En outre, « les réglementations américaine et canadienne de la sécurité comportent des prescriptions détaillées relativement à l’équipement de sécurité des camions. Or, au Mexique, l’état et l’entretien des dispositifs de ventilation mécanique continue ne sont expressément régis par aucun règlement »169 . La réglementation mexicaine des transports routiers pose aussi des problèmes en ce qui a trait aux inspections incombant aux entreprises elles-mêmes et aux contrôles de sécurité relevant de l’administration170 . Les États-Unis font observer que « [l]a capacité des organismes américains chargés de la sécurité des transports à faire appliquer les règlements américains en matière de sécurité par les entreprises de camionnage américaines, canadiennes et mexicaines constitue une autre circonstance pertinente quant au traitement qui

170.

171.

165

USCS, p. 42. USCS, p. 43. USCS, p. 43. USCS, p. 44. USCS, p. 44. USCS, p. 44.

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peut être accordé respectivement à ces transporteurs171 . Alors que « [l]a création et la mise à jour par l’administration de base de données sur les dossiers de sécurité des entreprises aussi bien que des conducteurs constituent un élément important du régime de sécurité aux États-Unis (et au Canada), [...] les États-Unis n’ont pas accès à de telles données sur les entreprises ou les conducteurs mexicains »172 . Qui plus est, « les organismes américains chargés de la sécurité routière comptent en partie pour s’acquitter de leur tâche sur la possibilité de contrôler en établissement les entreprises américaines et, le cas échéant, d’infliger aux contrevenants des sanctions civiles ou pénales ». Or, « les organismes américains de réglementation ne sont pas habilités à effectuer des contrôles au Mexique, n’ont qu’une expérience limitée et récemment acquise des inspections conjointes avec ce pays (alors qu’ils collaborent à cet égard depuis longtemps avec le Canada) et ne peuvent que dans une mesure restreinte prendre et faire appliquer des sanctions civiles ou pénales contre les entreprises mexicaines qui contreviendraient à la réglementation américaine de la sécurité173 . 172. Une autre préoccupation majeure des États-Unis concernant « le traitement à accorder aux transporteurs américains, canadiens et mexicains est le bilan comparatif sur le plan de la sécurité des entreprises exerçant une activité aux États-Unis [...] Les camions mexicains roulant aux États-Unis sont retirés du service par suite de problèmes de sécurité découverts au cours d’inspections aléatoires suivant une fréquence considérablement plus élevée que les autres. Les données existantes montrent notamment que le taux de retrait du service est d’au-dessus de 50 p. 100 plus élevé dans le cas des transporteurs mexicains que dans celui des transporteurs américains »174 . Les États-Unis font observer que, contrairement au système mexicain, « la réglementation du Canada en matière de sécurité du camionnage présente un niveau élevé de compatibilité avec celle des États-Unis »175 . Par conséquent, « lorsque des camions de transporteurs canadiens entrent sur le territoire américain, les organismes fédéraux et d’État chargés de la surveillance des transports savent qu’il y a de très fortes chances que ces camions remplissent les normes et exigences américaines au moins dans la même mesure que les camions de transporteurs américains. Cette confiance est étayée par un programme informatisé, pleinement opérationnel, d’échange bilatéral d’information »176 .

173.

171

USCS, p. 45. USCS, p. 45. USCS, p. 45. USCS, p. 45 et 46. USCS, p. 47. USCS, p. 47 et 48.

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Pour toutes ces raisons, « lorsque des camions mexicains entrent sur le territoire américain, il n’y a aucune garantie, compte tenu de la réglementation en vigueur au Mexique, que ces camions remplissent déjà les normes américaines en matière de sécurité routière177 . 174. Tous ces facteurs ont amené les États-Unis à « conclure que les “circonstances” applicables au traitement des entreprises mexicaines de camionnage aux fins de sécurité ne sont pas “analogues” à celles qui sont applicables au traitement des transporteurs canadiens et américains »178 . Par conséquent, « les États-Unis peuvent accorder aux entreprises de camionnage américaines et canadiennes un traitement plus favorable que celui qu’ils accordent à leurs homologues mexicaines sans enfreindre les dispositions du chapitre 12 relatives au traitement national ou au traitement de la nation la plus favorisée179 . Les États-Unis notent en outre que le Mexique n’a pas produit d’informations sur l’application de la réglementation de la sécurité du camionnage au Mexique et font observer que, « bien qu’ayant allégué qu’“il était possible pour les États-Unis d’établir des prescriptions” qui eussent rendu les transporteurs mexicains “analogues” aux transporteurs américains et canadiens », le Mexique n’a pas jugé bon de préciser « ce que pourraient être ces prescriptions ni comment elles seraient exécutables ou en quoi elles seraient efficaces »180 . Selon les États-Unis, « cette absence de preuve contraire vient étayer la thèse selon laquelle les États-Unis, en reportant l’examen des demandes mexicaines jusqu’à ce que la sécurité du camionnage puisse être assurée, agissent raisonnablement, de manière appropriée et en conformité avec les obligations découlant pour eux de l’ALÉNA »181 . Pour ce qui concerne le point de savoir si le taux élevé de retrait du service observé pour les camions mexicains de factage dans la zone frontalière est applicable au transport en zone longue, les États-Unis font valoir que, « [d]u point de vue de la sécurité, le service fourni au moyen des camions de factage n’est pas différent de celui qui est fourni par les camions affectés au transport en zone longue : ils transportent des marchandises sur les mêmes routes et traversent les mêmes villes – petites ou grandes »182 . De toute façon, le Mexique n’a pas démontré que ses grands routiers présentent de meilleures garanties de sécurité.

175.

176.

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USCS, p. 48. USCS, p. 49. USCS, p. 49. USSS, p. 3 et 4. USSS, p. 4. USPHS, p. 7.

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Le fait pour les États-Unis de délivrer des permis de transport en zone longue aux entreprises mexicaines « n’empêcherait pas en soi les camions de factage défectueux de rouler sur le territoire américain au-delà des limites de la zone commerciale frontalière »183 . 177. Les États-Unis expliquent comme il suit que certains transporteurs mexicains soient autorisés à « transiter » par leur territoire à destination du Canada : [L]e Congrès n’a pas conféré au Department of Transportation (DOT) le pouvoir d’obliger ces transporteurs à demander un permis d’exploitation. Par conséquent, le moratoire établi sur la délivrance de permis d’exploitation aux transporteurs routiers mexicains pour le transport en dehors de la zone commerciale frontalière n’a pas d’effet sur les activités de transit. Cependant, toutes les entreprises exerçant une activité de transport aux États-Unis, qu’elles soient ou non soumises à de telles prescriptions d’immatriculation, relèvent de la compétence du DOT en matière de sécurité184 . Le moratoire réglementaire n’a pas non plus d’effet sur les transporteurs domiciliés au Mexique et appartenant à des personnes des États-Unis ni sur les transporteurs jouissant de « droits acquis », qui sont donc aussi autorisés à transporter des marchandises du Mexique à des points du territoire américain situés en dehors de la zone frontalière185 . 178. Cependant, les États-Unis ne pensent pas que l’exemption de ces catégories de l’application du moratoire « démontre l’absence [chez eux] d’authentiques préoccupations de sécurité à l’égard des transporteurs mexicains »186 . « Le nombre des transporteurs ainsi exemptés ne représente qu’une mince fraction – environ deux pour cent – des entreprises mexicaines exerçant des activités transfrontières. Plus précisément, 8 400 entreprises mexicaines sont autorisées à transporter des marchandises dans les zones commerciales frontalières, alors que seulement 168 transporteurs mexicains au total bénéficient des exemptions susdites »187 . Les transporteurs routiers mexicains doivent détenir un certificat d’immatriculation spécial pour pouvoir exercer une activité dans les zones commerciales frontalières. Ces transporteurs sont intégralement assujettis à

179.

183

USPHS, p. 8. USSS, p. 20 et 21. USSS, p. 21 et 22 (nous omettons les références). USSS, p. 22. USSS, p. 22.

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l’ensemble de la réglementation américaine en matière de sécurité. Ils doivent avoir contracté une assurance au voyage, dont leurs routiers doivent détenir une attestation, et ils doivent avoir retenu les services de mandataires inscrits aux États-Unis188 . Les États-Unis nient que le fait d’exiger une assurance au voyage plutôt qu’une assurance permanente témoigne d’une quelconque insouciance des différences sur le plan de la sécurité entre les transporteurs américains et leurs homologues mexicains exerçant une activité dans les zones commerciales. « La responsabilité potentielle de l’assureur, font-ils valoir, est exactement la même dans l’un et l’autre cas, et les deux formes d’assurance incitent dans la même mesure l’assureur à réduire ses risques »189 . 180. Les États-Unis expliquent comme suit l’indifférence qu’on leur impute relativement aux remorques : « En pratique, cependant, les remorques mexicaines n’ont pas suscité de préoccupations importantes sur le plan de la sécurité, étant donné que de 80 à 90 p. 100 des remorques utilisées dans le commerce transfrontières appartiennent en fait à des personnes des États-Unis »190 . En ce qui a trait aux obligations du traitement national et du traitement de la nation la plus favorisée, les États-Unis soutiennent la thèse suivante : [L]a question pertinente est celle de savoir si les mesures prises par les États-Unis sont compatibles avec les obligations découlant pour eux des dispositions du chapitre 12 relatives au traitement national et au traitement NPF, compte tenu des circonstances différentes applicables aux entreprises de camionnage américaines et canadiennes d’une part, et d’autre part à leurs homologues mexicaines [...] Les États-Unis agissent de manière raisonnable et appropriée en reportant l’examen des demandes de permis d’exploitation provenant d’entreprises mexicaines pendant que les fonctionnaires américains et mexicains des transports s’efforcent de concert d’élaborer des dispositifs d’exécution des règles de sécurité qui soient propres à faire en sorte que la délivrance de nouveaux permis d’exploitation à des entreprises mexicaines ne compromette pas la sécurité routière. L’application à ces faits des dispositions de l’ALÉNA concernant le traitement national et le traitement NPF doit reposer sur une analyse serrée des questions de sécurité routière et non sur des arguments abstraits relatifs à la « conditionnalité »191 .

181.

188

USSS, p. 24. USSS, p. 24 et 25. USSS, p. 25 et 26. USSS, p. 17.

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50

182.

Selon les États-Unis, le Mexique ne s’est pas acquitté de la charge de la preuve qui lui incombait concernant le refus d’accorder des avantages sur le plan de l’investissement, « étant donné qu’[il] n’a pas établi qu’un quelconque ressortissant mexicain réponde à la définition donnée du terme “investisseur” au chapitre 11 »192 . À ce propos, les États-Unis contestent que le Mexique soit fondé à invoquer la doctrine de l’OMC selon laquelle une partie plaignante n’est pas tenue de prouver l’existence d’un effet sur le commerce. En outre, les États-Unis pensent que, selon les principes de l’OMC, « il incombe à la partie plaignante de prouver l’existence de la violation qu’elle impute à un Membre de l’OMC de ses obligations dans le cadre de cette organisation »193 . Les États-Unis, qui insistent sur le fait qu’ils n’ont pas excipé du chapitre 9194 , nient que le Mexique soit fondé à mettre en rapport avec ce chapitre l’expression « dans des circonstances analogues ». Une Partie à l’ALÉNA, selon les États-Unis, n’a besoin d’aucune stipulation de cet accord comme « véhicule » d’une disposition réglementaire donnée (le Mexique veut vraisemblablement dire : pour autoriser une telle disposition). Pour ce qui concerne l’application de la réglementation, l’ALÉNA n’intervient que lorsque la disposition en question est liée à une obligation déterminée découlant de cet accord. Le chapitre 9 stipule certaines obligations (telles que celles du traitement national et du traitement NPF) relativement aux mesures normatives, mais il n’est pas « le véhicule de l’application » des normes. Toujours selon les États-Unis, si le raisonnement du Mexique est fondé sur le principe suivant lequel seul le chapitre 9 de l’ALÉNA pourrait « permettre » un traitement différencié des fournisseurs de services nationaux et étrangers, il est à la fois circulaire et incompatible avec le texte sans équivoque de l’Accord. De plus, les États-Unis soutiennent que les Parties ne peuvent avoir eu l’intention, comme le Mexique voudrait le faire croire, d’attribuer au chapitre 9 la fonction de « véhicule » exclusif de l’application des mesures normatives, puisque la portée de ce chapitre est limitée aux produits et à deux secteurs de services : les télécommunications et les transports terrestres. Le chapitre 9 ne s’applique pas aux mesures relatives à d’autres secteurs de services ni à celles qui concernent l’investissement. L’interprétation du Mexique conduit logiquement à l’idée insoutenable que les Parties auraient négligé de prévoir un « véhicule » pour l’application des mesures normatives touchant la plupart des secteurs de services, et toutes les activités d’investissement, visés par l’ALÉNA195 .

183.

184.

185.

192

USSS, p. 26. USSS, p. 26 et 27 (nous omettons la citation et la référence).

193

194

Comments of the United States on the Initial Report of the Panel (observations des États-Unis sur le rapport initial du Groupe spécial), 19 décembre 2000, p. 2.
195

USSS, p. 14 à 16 (nous omettons les références).

51

186.

Les États-Unis font valoir que leur position est confirmée par l’une des exceptions générales prévues à l’article 2101, dont le passage pertinent est ainsi libellé : [A]ucune disposition [...] du chapitre 12 (Commerce transfrontières des services [...] ne sera interprétée comme empêchant l’adoption ou l’application par toute Partie des mesures nécessaires pour assurer l’application des lois et règlements qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent accord, et notamment des lois et règlements qui ont trait à la santé, à la sécurité et à la protection des consommateurs196 .

187.

De même, dans le préambule de l’ALÉNA, les Parties disent expressément avoir résolu, dans le cadre de cet accord, « de préserver leur liberté d’action relativement à la sauvegarde du bien public »197 . « Ces dispositions montrent que les Parties à l’ALÉNA prévoyaient que leurs organismes de réglementation conserveraient la faculté d’établir, en matière de commerce transfrontières des services, les distinctions réglementaires nécessaires pour protéger la santé et la sécurité des personnes sur leurs territoires respectifs »198 . Les États-Unis contestent aussi la thèse du Mexique selon laquelle il ne serait pas loisible à un gouvernement de « subordonner [...] l’accès à ses marchés de biens et de services à l’adoption par le pays exportateur des règles et lois du pays importateur »199 . Ils mettent en doute l’applicabilité du rapport non adopté établi par un groupe spécial du GATT dans l’affaire du thon200 et font valoir que la décision déterminante est plutôt celle de l’Organe d’appel de l’OMC dans l’affaire États-Unis – Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes. Il semble cependant aux États-Unis que le fait pour un Membre importateur de lier l’accès à son marché intérieur au point de savoir si les Membres exportateurs appliquent ou adoptent une ou des politiques unilatéralement décidées par le Membre importateur pourrait, jusqu’à un certain point, constituer un aspect commun de mesures relevant de l’une ou l’autre des exceptions formulées aux paragraphes a) à j) de l’article XX du GATT de 1994201 .

188.

196

ALÉNA, paragraphe 2101(2). USCS, p. 40. USCS, p. 40. USPHS, p. 17, où l’on cite le Mexique.

197

198

199

200

États-Unis – Interdiction des importations de thon et de produits du thon en provenance du Canada, Rapport du Groupe spécial adopté le 22 février 1982, L/5198-29S/91 [ci-après désigné Thon dans les notes].
201

USPHS, p. 17 et 18.

52

189.

Les États-Unis concluent que « rien ne vient corroborer la thèse du Mexique selon laquelle un quelconque principe de droit international interdirait aux États-Unis de prendre en considération la réglementation de la Partie exportatrice »202 . Les États-Unis font en outre observer que le Mexique, même s’il a noté une certaine analogie de la présente espèce avec l’affaire des marchés publics de l’OMC, n’a pas fait valoir l’annulation ou la réduction d’avantages en vertu de l’annexe 2004 de l’ALÉNA203 . Selon eux, il incombe au Mexique de prouver l’annulation ou la réduction d’avantages, et celui-ci n’a pas essayé de le faire. De plus, les États-Unis soutiennent que l’ALÉNA n’autorise pas le dépôt d’une plainte en annulation ou réduction d’avantages dans le cas où cette plainte relèverait d’une exception prévue à l’article 2101. Comme les États-Unis l’ont montré, le traitement différent réservé aux transporteurs mexicains est justifié par des préoccupations de sécurité et est donc compatible avec les obligations découlant pour les États-Unis des dispositions relatives au traitement national et au traitement NPF du chapitre 12. Exactement pour les mêmes raisons (ferions-nous valoir si le Groupe spécial, saisi d’une plainte en annulation ou réduction d’avantages, avait dû examiner cette question), la mesure américaine entre tout à fait dans le champ d’application du paragraphe 2101(2)204 .

190.

191.

Les États-Unis affirment que le Groupe spécial ne devrait pas fonder son analyse sur les motifs, dits « subjectifs » par le Mexique, des violations que celui-ci leur impute. Les décisions de l’Organe d’appel de l’OMC étayent la position des États-Unis selon laquelle la question pertinente dans la présente espèce est celle de savoir si les préoccupations de sécurité justifient le traitement différent réservé aux transporteurs mexicains, et non – comme prétend le Mexique – celle des motifs subjectifs qui animaient les décideurs américains en décembre 1995205 . Les États-Unis allèguent la décision Japon – Boissons alcooliques206 , dans laquelle l’Organe d’appel a déclaré qu’« [i]l ne s’agit pas d’une question d’intention » et fait observer que « pour examiner, dans n’importe quelle affaire, si une taxation différente est appliquée de manière à protéger la production, il est nécessaire de procéder à une analyse globale et objective de la structure de la

192.

202

USPHS, p. 18. USPHS, p. 10 et 11. USPHS, p. 13. USPHS, p. 14 à 17.

203

204

205

206

Japon – Taxes sur les boissons alcooliques, Rapport de l’Organe d’appel adopté le 4 octobre 1996, WT/DS8/AB/R.

53

mesure en question et de la manière dont elle est appliquée aux produits nationaux par rapport aux produits importés »207 . 193. En outre, dans la décision Chili – Boissons alcooliques208 , l’Organe d’appel note ce qui suit : Les intentions subjectives des législateurs ou des autorités réglementaires n’influent pas sur l’examen, ne serait-ce que parce qu’elles sont impénétrables à qui interprète les traités. Il ne s’ensuit pas cependant que les buts ou objectifs réglementaires – c’est-à-dire les buts ou les objectifs des organes législatifs d’un Membre ou du gouvernement dans son ensemble – dans la mesure où la loi elle-même leur donne une expression objective, ne soient pas pertinents209 . 194. Par conséquent, le Groupe spécial saisi de la présente affaire devrait « de même examiner le point de savoir si les États-Unis remplissent leurs obligations relatives au traitement national en se fondant sur une analyse concrète de la mesure américaine et de toutes les circonstances pertinentes, et non pas, pour reprendre les termes de l’Organe d’appel, sur les “intentions subjectives [...] des autorités réglementaires” »210 . C. Thèses du Canada 195. Le Canada, qui exerce le droit que lui confère l’article 2013 de participer à la présente procédure, s’abstient de formuler des observations sur les faits de l’espèce211 . Le Canada soutient que l’interprétation des dispositions de l’article 1202 (traitement national en matière de commerce transfrontières de services) doit être principalement fondée sur « une comparaison entre une entreprise fournissant des services transfrontières et une entreprise fournissant des services intérieurs ». Il en conclut ce qui suit : Le refus général de délivrer aux personnes du Mexique les permis d’exploitation nécessaires pour la prestation de services transfrontières de camionnage [...] constitue à première vue un traitement moins favorable que celui qui est accordé aux

196.

207

Ibid., p. 35 (passage cité dans USPHS, p. 16).

208

Chili – Taxes sur les boissons alcooliques, Rapport du Groupe spécial adopté le 13 décembre 1999, WT/DS87/AB/R.
209

Ibid., par. 62 (cité dans USPHS, p. 16); c’est l’Organe d’appel qui souligne. USPHS, p. 17. CS, p. 2.

210

211

54

fournisseurs américains de services de camionnage dans des circonstances analogues212 . Le Canada adopte une position semblable pour ce qui concerne l’article 1102 (traitement national en matière d’investissement)213 . 197. Le Canada conteste aussi la légitimité du refus des États-Unis de permettre aux investisseurs mexicains d’investir sur le marché américain du camionnage. Il soutient que, selon l’article 1102, [s]auf différence de circonstances entre un investisseur mexicain qui demande l’autorisation d’investir aux États-Unis et un investisseur américain qui demande la même autorisation, l’investisseur mexicain a droit au même traitement que son homologue américain. [Par conséquent, l]e fait d’appliquer une disposition qui prescrit à l’organisme responsable de ne pas autoriser les personnes du Mexique à investir en raison de leur nationalité équivaut à accorder un traitement moins favorable aux investisseurs mexicains que celui qu’on accorde aux investisseurs analogues [en l’occurrence américains]214 . 198. Prévoyant que les États-Unis exciperaient du chapitre 9 (mesures normatives), le Canada fait valoir que le paragraphe 904(2), qui permet à une Partie d’« établir les niveaux de protection qu’elle juge appropriés », ne s’applique qu’aux autres dispositions du chapitre 9. Ces dérogations ne peuvent être appliquées au chapitre 11 ni à aucun autre chapitre de l’ALÉNA. À propos du chapitre 12, le Canada soutient que la disposition du paragraphe 904(3) selon laquelle chacune des parties, relativement à ses mesures normatives, doit accorder le traitement national conformément à l’article 1202, ne permet à une Partie que d’établir un niveau de protection légitime. Elle ne peut « servir de caution à une mesure discriminatoire censée donner effet au niveau de protection approprié »215 .

199.

212

CS, p. 3. CS, p. 3. TR, p. 133. CS, p. 4.

213

214

215

55

V. LA DEMANDE DE CONSTITUTION D’UN CONSEIL D’EXAMEN SCIENTIFIQUE DÉPOSÉE PAR LES ÉTATS-UNIS

200.

Dans une communication datée du 16 mai 2000, les États-Unis ont proposé « que le Groupe spécial demande à un conseil d’examen scientifique un rapport écrit sur les points de fait concernant la sécurité du camionnage soulevés par les États-Unis dans le présent différend »216 . Les États-Unis ont également fait valoir que « [l]a présence de l’article 2015 dans l’ALÉNA témoigne du point de vue des Parties à cet accord selon lequel, dans les affaires touchant à la santé ou à la sécurité, l’opinion informée d’experts techniques indépendants peut être d’une utilité inestimable au groupe spécial saisi du différend ». Les États-Unis ont fait observer que « les Parties contestantes [semblaient] avoir des opinions contradictoires sur un certain nombre de points de fait relatifs à la sécurité du camionnage » que l’audience avait peu de chances d’éclairer217 . Ils ont recensé les sujets de désaccord suivants : – les différences entre d’une part les réglementations américaine et canadienne de la sécurité du camionnage, et d’autre part la réglementation mexicaine du même domaine; le rôle que joue l’application des règles de sécurité dans le pays d’origine d’un transporteur pour ce qui est d’assurer la sécurité du camionnage dans les autres pays où ce transporteur exerce ses activités; la possibilité concrète et l’efficacité du recours aux inspections à la frontière comme moyen principal de contrôler la conformité aux normes de sécurité des transporteurs domiciliés au Mexique; la signification statistique des données existantes sur les taux de retrait du service chez les entreprises de camionnage domiciliées au Mexique218 .

201.







202.

Les États-Unis ont aussi fait valoir que « [c]es points mettent en jeu des questions techniques complexes concernant l’exploitation concrète des entreprises de camionnage et l’efficacité de diverses catégories de mesures publiques de sécurité » et ils ont ajouté que «[l]a constitution d’un conseil d’examen scientifique par le Groupe spécial présenterait l’avantage complémentaire de

216

SRBR, p. 1. SRBR, p. 2. SRBR, p. 2.

217

218

56

promouvoir la crédibilité et l’acceptation par l’opinion publique du mécanisme de règlement des différends de l’ALÉNA »219 . 203. À l’audience, tenue le 17 mai 2000, après avoir entendu les deux Parties contestantes au sujet de la demande des États-Unis, le Groupe spécial a invité ceux-ci à lui communiquer une liste détaillée et complète des points qui, selon eux, pourraient utilement faire l’objet du mandat d’un conseil d’examen scientifique (CES)220 . Dans une lettre datée du 24 mai 2000, les États-Unis ont proposé une liste plus détaillée des points de fait dont ils estimaient souhaitable de saisir l’éventuel conseil d’examen scientifique : a) les différences entre d’une part les systèmes américain et canadien de surveillance publique de la sécurité du camionnage, et d’autre part le système homologue du Mexique; l’importance de la surveillance publique exercée au Mexique sur la sécurité du camionnage pour le renforcement de l’observation des règles de sécurité par les transporteurs exerçant leur activité à la fois sur le territoire mexicain et sur le territoire américain; le point de savoir si, en l’absence d’une surveillance publique rigoureuse au Mexique, il est concrètement possible d’assurer l’application de la réglementation américaine de la sécurité, et de l’assurer efficacement, par le moyen d’inspections à la frontière; le point de savoir si, en l’absence d’une surveillance publique rigoureuse au Mexique, il est possible d’assurer l’application de la réglementation américaine de la sécurité, et de l’assurer efficacement, par le moyen des procédures de délivrance de permis d’exploitation aux transporteurs mexicains; la signification statistique des données existantes sur les taux de retrait du service chez les transporteurs routiers mexicains [...] [et] [...] le point de savoir s’il y a lieu, compte tenu de cette signification, de classer les transporteurs selon qu’ils travaillent en zone courte ou en zone longue; l’utilité des programmes de coopération intergouvernementale, par exemple de l’établissement et de la mise à jour de bases de données complètes, en temps réel et interopérables, pour ce qui est d’assurer efficacement le respect de la réglementation de la sécurité à l’égard des camions, des conducteurs et des transporteurs;

204.

b)

c)

d)

e)

f)

219

SRBR, p. 3. TR, p. 250.

220

57

g)

le point de savoir s’il est concrètement possible d’assurer le respect de la réglementation américaine de la sécurité, et de l’assurer efficacement, relativement à des conducteurs, des transporteurs et des camions que la législation de leur pays d’origine ne soumet pas à des systèmes complets et intégrés de surveillance sous le rapport de la sécurité221 .

205.

Dans leur mémoire postérieur à l’audience, les États-Unis ont fait valoir de nouveau leur point de vue selon lequel « le [G]roupe spécial serait grandement aidé à arrêter sa décision finale dans la présente espèce par l’avis d’un conseil d’examen scientifique et devrait engager la procédure nécessaire pour en constituer un »222 . Selon les États-Unis, le Mexique avait mal défini les points de fait, les principaux points n’étant pas « les caractéristiques des réglementations américaine, mexicaine et canadienne des transports routiers »223 . Les États-Unis ont fait valoir, à l’encontre des remarques du Mexique touchant le problème que poserait la demande de constitution d’un CES relativement au calendrier de la procédure, que leur demande s’inscrivait dans le délai spécifié par les Règles de procédure types et qu’il fallait tenir compte de l’absence de pratique antérieure à cet égard; tous retards que pourrait subir la procédure du Groupe spécial par suite de la constitution d’un tel conseil avaient été pris en compte dans les négociations par les Parties à l’ALÉNA, « qui s’accordaient à reconnaître que ces travaux exigeraient du temps additionnel »224 . Qui plus est, « le fait de constituer le CES après l’audience favorise l’efficacité, parce que l’audience peut contribuer à une définition plus précise des points de fait en litige »225 . Les États-Unis ont en outre fait valoir que, comme le présent Groupe spécial n’était alors que le troisième à être institué au titre du chapitre 20 et qu’il était le premier à être saisi de questions de sécurité, son rapport revêtirait une importance particulière pour les trois Parties à l’ALÉNA et pour l’opinion publique. Le fait que la procédure relative au CES exigerait « quelques semaines de plus » ne jouerait sans doute – ni ne devait jouer – aucun rôle dans la décision du Groupe spécial d’en constituer un ou non. Cette décision devrait plutôt être fondée sur le seul point de savoir si un tel conseil aiderait le Groupe spécial à établir le meilleur rapport final possible226 .

206.

207.

221

Lettre, p. 1 et 2. USPHS, p. 19. USPHS, p. 19, où l’on cite le Mexique. USPHS, p. 20 et 21. USPHS, p. 20. USPHS, p. 21.

222

223

224

225

226

58

208.

Dans une communication distincte datée du 31 mai 2000, le Mexique s’est élevé contre la proposition américaine tendant à la constitution d’un conseil d’examen scientifique en invoquant les considérations suivantes : a) les principaux faits sur lesquels les États-Unis demandaient l’établissement d’un rapport [...] « n’étaient pas des points en litige »; « [o]n comprenait mal pourquoi les États-Unis avaient déposé leur demande si tard [c’est-à-dire le 16 mai 2000], alors que pas une seule fois dans leurs mémoires antérieurs ils n’avaient donné à entendre que le Groupe spécial eût besoin selon eux de l’avis d’un CES »; « les États-Unis n’[avaient] jamais eux-mêmes procédé au genre d’évaluation qu’ils attendaient d’un CES, de sorte que leur décision de ne pas remplir les engagements pris dans le cadre de l’ALÉNA ne pouvait être fondée sur une telle évaluation »; « les délais fixés par l’ALÉNA pour la procédure de règlement du présent différend [avaient] déjà été dépassés, et la constitution d’un CES entraînerait de nouveaux et considérables retards »227 .

b)

c)

d)

209.

Le Mexique a en outre fait valoir que les principaux sujets proposés par les États-Unis soit pouvaient être étudiés à l’aide d’informations facilement accessibles, soit exigeaient pour leur examen des données inexistantes, soit étaient excessivement généraux228 . Après avoir passé en revue les divers délais spécifiés aux articles 38 à 48 des Règles de procédure types, le Mexique a fait observer que la constitution d’un CES entraînerait « un nouveau retard d’au moins 79 jours et probablement plus »229 . Qui plus est, ajoutait le Mexique, les États-Unis n’avaient aucunement expliqué pourquoi ils « n’auraient pu déposer leur demande plus tôt dans la procédure – étant donné en particulier que, dans la présente espèce, les points de

210.

227

MSRB. MSRB, p. 5 et 6. MSRB, p. 8 et 9.

228

229

59

fait et de droit [avaient] déjà été analysés exhaustivement dans les mémoires des Parties »230 . 211. Enfin, le Mexique a fait observer qu’aucun des sujets dont les États-Unis avaient proposé l’étude par un CES ne se rapportait à la question de l’investissement, rappelant que ceux-ci avaient admis à l’audience que « le maintien des restrictions frappant l’investissement mexicain dans les transporteurs américains n’était pas motivé par des préoccupations de sécurité »231 . Après délibération, le Groupe spécial a conclu à la non-pertinence des différences relativement mineures entre les points de vue des deux Parties sur les faits de la présente espèce, étant donné que ces différences n’influaient ni sur l’issue probable de l’affaire ni sur les motifs des constatations, déterminations et recommandations du Groupe spécial. En outre, la thèse principale des États-Unis touchant les points de fait était que les lois et règlements mexicains relatifs à la sécurité du camionnage étaient moins détaillés et faisaient l’objet d’une application intérieure beaucoup moins efficace que les lois et règlements correspondants des États-Unis. Aux fins de son évaluation, le Groupe spécial a supposé que cette analyse des faits était correcte, sans établir de constatations sur la question. Par conséquent, le Groupe spécial a décidé qu’il n’était pas nécessaire de constituer un conseil d’examen scientifique et, le 10 juillet 2000, a décerné l’ordre de procédure suivant : Après examen de la demande de constitution d’un conseil d’examen scientifique déposée par les États-Unis et des observations formulées par le Mexique sur cette demande, le Groupe spécial a décidé qu’il ne serait pas constitué de conseil d’examen scientifique à la présente étape de la procédure. Il n’y a pas eu dans la procédure, depuis le 10 juillet 2000, de faits nouveaux qui auraient amené le Groupe spécial à revenir sur sa décision.

212.

213.

230

MSRB, p. 9. MSRB, p. 9.

231

60

VI. ANALYSE DES POINTS EN LITIGE 214. Dans la présente analyse, le Groupe spécial s’abstient d’examiner les motifs de la décision américaine de maintenir le moratoire sur le commerce et l’investissement transfrontières en matière de services de camionnage; il se contente d’étudier le point de savoir si cette mesure est compatible ou non avec l’ALÉNA. Le Groupe spécial fait observer que cette approche est entièrement conforme à la pratique de l’Organe d’appel de l’OMC, lequel, dans les décisions Japon – Taxes sur les boissons alcooliques (p. 33 et 34) et Chili – Taxes sur les boissons alcooliques (par. 62), s’est refusé à examiner les raisons subjectives ou les intentions des autorités gouvernementales. Comme à propos d’un problème analogue, l’Organe d’appel l’a fait remarquer dans la décision Chili – Boissons alcooliques (par. 62), « [l]es intentions subjectives des législateurs ou des autorités réglementaires n’influent pas sur l’examen, ne serait-ce que parce qu’elles sont impénétrables à qui interprète les traités »232 . Il convient aussi de noter que le Groupe spécial a dûment pris en considération toutes les thèses formulées par les Parties contestantes et le Canada dans leurs diverses communications, y compris les observations des Parties sur son rapport initial, même s’il ne traite pas explicitement certaines de ces thèses dans le présent rapport final.

215.

A. Interprétation de l’ALÉNA 216. Le Groupe spécial expose dans la présente section le cadre juridique général dans lequel s’inscrit l’interprétation des thèses des Parties. Dans les sections suivantes, il analysera et interprétera les dispositions de l’ALÉNA relatives aux transports terrestres sous le rapport des réserves aux mesures existantes et engagements de libéralisation (section B), des services (section C) et de l’investissement (section D). Les objectifs de l’ALÉNA sont énoncés au paragraphe 102(1) de cet accord : Les objectifs du présent accord, définis de façon plus précise dans ses principes et ses règles, notamment le traitement national, le traitement de la nation la plus favorisée et la transparence, consistent
232

217.

Voir aussi HERSH LAUTERPACHT, THE DEVELOPMENT OF INTERNATIONAL LAW BY THE INTERNATIONAL COURT, 1958, p. 52 (« L’interprétation, en tant qu’opération juridique, s’applique au sens du terme employé, et non à la volonté d’employer ce terme »); et CHARLES C. HYDE, INTERNATIONAL LAW, 1945, p. 531 (« La recherche de l’intention des États contractants a pour but fondamental d’établir le sens dans lequel les termes sont employés. C’est le contrat qui fait l’objet de l’interprétation, plutôt que la volonté des parties »).

61

a) à éliminer les obstacles au commerce des produits et des services entre les territoires des Parties et à faciliter le mouvement transfrontières de ces produits et services; b) à favoriser la concurrence loyale dans la zone de libre-échange; c) à augmenter substantiellement les possibilités d’investissement sur le territoire des Parties; d) à assurer de façon efficace et suffisante la protection et le respect des droits de propriété intellectuelle sur le territoire de chacune des Parties; e) à établir des procédures efficaces pour la mise en oeuvre et l’application du présent accord, pour son administration conjointe et pour le règlement des différends; et f) à créer le cadre d’une coopération trilatérale, régionale et multilatérale plus poussée afin d’accroître et d’élargir les avantages découlant du présent accord. 218. Le paragraphe 102(2) prévoit une norme obligatoire d’interprétation des dispositions de l’ALÉNA : « Les Parties interpréteront et appliqueront les dispositions du présent accord à la lumière des objectifs énoncés au paragraphe 1 et en conformité avec les règles applicables du droit international ». Les objectifs susénumérés explicitent l’objet principal de l’ALÉNA, formulé dans son préambule, où les Parties déclarent avoir résolu, entre autres, « de créer un marché plus vaste et plus sûr pour les produits et les services produits sur leurs territoires »233 . Le Groupe spécial doit tenir compte de la perspective de libéralisation des échanges que dessinent ces objectifs clairement formulés et le libellé du préambule. Comme le faisait observer le Groupe spécial saisi de l’affaire des produits agricoles : [E]n tant qu’accord de libre-échange, l’ALÉNA a comme objectif spécifique l’élimination des barrières commerciales entre les trois Parties contractantes. Les principes et règles selon lesquels les objectifs de l’ALÉNA
233

219.

Les tribunaux internationaux n’hésitent pas à se reporter au préambule d’un traité pour en définir l’objet principal, conformément à une disposition explicite de l’article 31 de la Convention de Vienne, dont nous reparlons plus loin, aux notes 231 et 236. Voir aussi Lotus, C.P.J.I., (1927) série A, no 10, 17; Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex (ordonnance), C.P.J.I., (1929) série A, n o 22, 12; Affaire colombo-péruvienne relative au droit d’asile, C.I.J. Recueil 1950, 266, aux pages 276 et 282; Affaire relative aux droits des ressortissants des États-Unis d’Amérique au Maroc, à la p. 196; et D.P. O’Connel, International Law (2e édition, 1970), p. 260.

62

sont élaborés figurent à l’article 102(1) de l’ALÉNA comme incluant le traitement national, le traitement de la nation la plus favorisée et la transparence. Toute interprétation adoptée par le Comité [c’est-à-dire le Groupe spécial] doit par conséquent promouvoir plutôt que restreindre les objectifs de l’ALÉNA. Les exceptions aux obligations de la libéralisation du commerce doivent forcément être considérées avec prudence234 . Le Groupe spécial note cependant que les Parties expriment aussi dans le préambule de l’ALÉNA leur intention « de préserver leur liberté d’action relativement à la sauvegarde du bien public ». 220. Pour recenser les règles d’interprétation du droit international visées au paragraphe 102(2), le Groupe spécial n’a pas besoin de chercher plus loin que la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969)235 . Les deux Parties contestantes reconnaissent dans la présente espèce l’applicabilité de la Convention de Vienne à cet égard236 , comme l’avaient fait les Parties à un différend antérieur au titre de l’ALÉNA237 . Le principe directeur de cette convention est énoncé à son paragraphe 31(1), ainsi libellé : « Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. »

234

Concernant les tarifs appliqués par le Canada sur certains produits agricoles en provenance des États-Unis, CDA-95-2008-01, Rapport final du Comité, 2 déc. 1996, par. 122. Le principe suivant lequel les exceptions aux obligations générales doivent être interprétées strictement est généralement admis par les interprètes du GATT et de l’Accord sur l’OMC. Voir Thon, Rapport du Groupe spécial adopté le 22 février 1982, L/5198-29S/91; Essence nouvelle et ancienne formules, Organe d’appel de l’OMC, 20 mai 1996, WT/DS/9; Crevettes, Organe d’appel de l’OMC, 12 octobre 1998, WT/DS58/AB/R; et Thaïlande – Restrictions à l’importation et taxes intérieures touchant les cigarettes, Rapport du Groupe spécial adopté le 7 novembre 1990, DS10/R-37S/200.

235

« Les tribunaux internationaux n’hésitent pas à se reporter au préambule d’un traité pour définir l’objet principal de celui-ci, et l’article 31 de la Convention de Vienne spécifie que le préambule fait partie du “contexte” aux fins d’interprétation. » Pour les comptes rendus abrégés des travaux de la Conférence de Vienne et autres documents non officiels, voir A/CONF.39/11. Pour les documents officiels, voir A/CONF.39/11/Add.2. Le texte de la Convention de Vienne est reproduit sur le site www.un.org/law/ilc/texts/treaties.htm.
236

« Les États-Unis reconnaissent la validité de la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969) comme autorité juridique à cette fin [c’est-à-dire l’interprétation de l’ALÉNA] » (USCS, p. 37, note 92). « [L]e Groupe spécial devrait appliquer les règles d’interprétation du droit international public, selon la formulation qu’en donnent les articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités » (MIS, p. 67).
237

Produits agricoles, par. 118 à 121 (application du paragraphe 102(2) de l’ALÉNA et des articles 31 et 32 de la Convention de Vienne).

63

221.

Ainsi, outre le sens ordinaire des termes, l’interprétation doit prendre en considération le contexte, l’objet et le but du traité238 . Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte – préambule et annexes inclus – tout accord ayant rapport au traité239 . S’il y a lieu, il sera tenu compte, en même temps que du contexte, de toute pratique ultérieurement suivie et de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties240 . Si ces critères se révèlent insuffisants, il peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation en vertu de l’article 32 de la Convention de Vienne241 . Le Groupe spécial doit donc commencer par établir le sens naturel et ordinaire des termes dans leur contexte et à la lumière de l’objet et du but du traité242 . Ce n’est que si le sens ordinaire des termes déterminé par le moyen de l’étude et de l’analyse du contexte semble être en contradiction avec l’objet et le but du traité qu’il pourra être fait appel à d’autres règles de droit international

222.

238

Affaire relative à l’application de la Convention de 1902 pour régler la tutelle des mineurs (Pays-Bas c. Suède) C.I.J. Recueil 1958, 55, à la p. 67.
239

Le paragraphe 31(2) est ainsi libellé : « Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus : a) tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l’occasion de la conclusion du traité; b) tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité. »

240

Le paragraphe 31(3) stipule ce qui suit : « Il sera tenu compte, en même temps que du contexte : a) de tout accord ultérieur entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions; b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité; c) de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties. » Il est spécifié au paragraphe 31(4) qu’« [u]n terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties ».
241

L’article 32 porte les dispositions suivantes : « Il peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l’application de l’article 31, soit de déterminer le sens lorsque l’interprétation donnée conformément à l’article 31 : a) laisse le sens ambigu ou obscur; ou b) conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable. »

242

« Il est impossible de dire qu’un article est clair avant d’avoir déterminé son objet et son but. Ce n’est que lorsqu’on a établi l’objet que l’on peut constater soit que le sens naturel des termes employés cadre avec l’intention mise au jour, soit qu’il va au-delà de cette intention » (opinion de M. Anzilotti dans Interprétation de la Convention de 1919 concernant le travail de nuit des femmes, C.P.J.I., (1932) série A/B, n o 50). Ambatielos (Grèce c. RoyaumeUni), C.I.J. Recueil 1952, 28, à la p. 60. « Par conséquent, l’idée que les mots ont un sens naturel est illusoire » (D.P. O’Connell, op. cit., p. 254). Anglo-Iranian Oil Co. (Royaume-Uni c. Iran), C.I.J. Recueil 1952, 104. Lord McNair, The Law of Treaties, 1961, p. 364. HERBERT W. BRIGGS, THE LAW OF NATIONS, 2e éd., p. 877 à 899; CHARLES G. FENWICK, INTERNATIONAL LAW, 4e éd., p. 535 à 540.

64

pour interpréter la disposition considérée243 . Dans la présente espèce, le Groupe spécial n’a pas jugé nécessaire de recourir à d’autres règles que celles qui sont énoncées à l’article 31 de la Convention de Vienne. 223. Les dispositions de l’article 31, comme les autres dispositions de la Convention, doivent être appliquées concurremment avec l’article 26, ainsi libellé : « Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi », c’est-à-dire que Pacta sunt servanda. Le Groupe spécial doit interpréter les dispositions du traité faisant l’objet du différend en partant du principe que les Parties s’estiment liées par l’ALÉNA et tenues de remplir de bonne foi les obligations qui en découlent. Enfin, comme les deux Parties contestantes ont fait mention de leurs législations respectives concernant les transports terrestres, le Groupe spécial juge nécessaire de rappeler le principe énoncé à l’article 27 de la Convention de Vienne, selon lequel « [u]ne partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité »244 . Cette disposition prescrit au Groupe spécial d’examiner, non pas les lois nationales, mais le droit international applicable. Par conséquent, il ne devrait être fait appel ni au droit interne des États-Unis ni aux lois mexicaines pour interpréter l’ALÉNA245 . Recourir au droit interne aux fins de l’interprétation reviendrait à appliquer un cadre juridique impropre à ces fins246 .

224.

243

La Cour internationale de Justice souscrit explicitement à ce point de vue :

La Cour croit nécessaire de dire que le premier devoir d’un tribunal, appelé à interpréter et à appliquer les dispositions d’un traité, est de s’efforcer de donner effet, selon leur sens naturel et ordinaire, à ces dispositions prises dans leur contexte. Si les mots pertinents, lorsqu’on leur attribue leur signification naturelle et ordinaire, ont un sens dans leur contexte, l’examen doit s’arrêter là. Compétence de l’Assemblée générale pour l’admission d’un État aux Nations Unies, Avis consultatif, C.I.J. Recueil, mars 1950, 4, à la p. 8.
244

La proposition que contient cet article a été confirmée depuis l’affaire Alabama Arbitration : M OORE , HISTORY AND DIGEST OF THE INTERNATIONAL A RBITRATIONS TO WHICH THE UNITED STATES HAS BEEN A PARTY, vol. 1, 1898, p. 653; Vapeur Wimbledon, C.P.J.I., (1923) série A, n o 1; « Communautés » gréco-bulgares, C.P.J.I., (1930) série B, n o 17; et Traitement des nationaux polonais et des autres personnes d’origine ou de langue polonaises dans le territoire de Dantzig, C.P.J.I., (1932) série A/B, n o 44. La Cour internationale de Justice a adopté le même point de vue dans l’affaire Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, C.I.J. Recueil 1949, 174, à la p. 180.
245

Le Groupe spécial ne veut pas dire que les questions de droit « interne » soient nécessairement dénuées de pertinence par rapport au droit international, étant donné que le droit national peut se révéler pertinent devant un tribunal international de diverses manières, notamment en tant que fait de l’espèce : ELSI (É.-U. c. Italie), C.I.J. Recueil 1989, 15.
246

On pourra trouver des précédents et des textes de droit international à l’appui de cette proposition dans Roberto Ago, Third Report on State Responsibility, A/CN.4/246, 1971, p. 89 à 105.

65

B. Réserves aux mesures existantes et engagements de libéralisation – annexe I 1. 225. Positions des Parties

Dans son mémoire initial, le Mexique a formulé la thèse selon laquelle « les éléments Élimination progressive des réserves américaines l’emportent sur les réserves elles-mêmes »247 . Le Mexique concluait ainsi la section en question de son mémoire : « Les éléments Élimination progressive des réserves américaines relatives aux services de transport routier ne comportent aucun autre type d’exceptions »248 . Répondant au cours de l’audience à une question d’un membre du Groupe spécial concernant l’interprétation juridique de l’annexe I, le représentant du Mexique a déclaré : « Nous avons déjà cité les dispositions applicables à la question de l’interprétation de l’annexe I. En fait, on peut déduire des passages de la Note introductive qui décrivent les divers éléments en cause et spécifient comment il convient d’interpréter leurs rapports que le calendrier d’élimination progressive prime sur les autres éléments »249 . Dans son mémoire postérieur à l’audience, le Mexique a en outre déclaré : « L’annexe I n’assortit ces engagements d’aucune condition »250 . Au cours de l’audience, un membre du Groupe spécial a dit au représentant des États-Unis : « Je crois comprendre, d’après ce que vous avez dit, que votre interprétation de l’annexe I n’établit pas l’existence d’une obligation »251 . À cette remarque, le représentant des États-Unis a répondu : « C’est exact »252 , puis il a ajouté ce qui suit : « Je crois avoir dit qu’il y a un point de vue juridique. L’élimination progressive ne nous obligeait pas, en soi, à faire quoi que ce soit [...] Par conséquent, l’élimination progressive relativement au traitement national signifie seulement qu’on perd le droit, à partir de la date en question, de ne pas remplir des obligations déterminées »253 .

226.

247

MIS, p. 85 et 86. MIS, p. 86. TR, p. 175. MPHS, p. 33 et 34. TR, p. 230. TR, p. 230. TR, p. 230 et 231.

248

249

250

251

252

253

66

227.

Dans la section intitulée « Les obligations des États-Unis » de sa communication, le Canada a déclaré ce qui suit : Les réserves faites par les États-Unis à certaines obligations stipulées aux chapitres 11 et 12 relativement aux mesures non conformes dans le sous-secteur des transports terrestres, réserves formulées aux pages I-U-22 à I-U-25 de l’annexe I de l’ALÉNA, prévoient l’élimination progressive des mesures non conformes susdites [...] À l’expiration de la période d’élimination progressive, les États-Unis sont tenus de remplir les obligations visées par ces réserves, à la seule exclusion de toutes réserves dont l’élimination progressive n’est pas encore achevée et de toutes autres exceptions applicables254 . 2. Analyse du Groupe spécial

228.

Le Groupe spécial commencera son analyse par un examen de la Note interprétative (ci-après désignée « la Note ») qui figure aux pages I-1 à I-3 de l’annexe I, avant les listes des Parties. La Note a pour objet de faciliter la lecture et l’intelligence des réserves formulées dans l’annexe I. Plus précisément, elle fournit au Groupe spécial des règles et des principes propres à orienter son interprétation des listes du Canada, des États-Unis et du Mexique figurant à l’annexe I, notamment des réserves et des stipulations relatives à l’élimination progressive qui sont applicables au commerce et à l’investissement transfrontières en matière de services de camionnage. La Note est libellée comme suit : 1. La liste d’une Partie énonce les réserves de cette Partie, conformément aux paragraphes 1108(1) (Investissement), 1206(1) (Commerce transfrontières des services) et 1409(4) (Services financiers), au regard des mesures existantes qui contreviennent à une obligation imposée par : a) l’article 1102, 1202 ou 1405 (Traitement national); b) l’article 1103, 1203 ou 1406 (Traitement de la nation la plus favorisée); c) l’article 1205 (Présence locale); d) l’article 1106 (Prescriptions de résultats); ou e) l’article 1107 (Dirigeants et conseils d’administration); et, dans certains cas, mentionne les engagements de libéralisation immédiate ou future.

229.

254

CS, p. 2.

67

2. Chacune des réserves établit les éléments suivants : a) Classification de l’industrie s’entend, s’il y a lieu, de l’activité visée par la réserve, selon les codes nationaux de classification industrielle; b) Description s’entend, le cas échéant, des engagements de libéralisation devant être exécutés dès l’entrée en vigueur du présent accord et des aspects non conformes des mesures existantes faisant l’objet de la réserve; c) Élimination progressive s’entend, s’il y a lieu, des engagements de libéralisation devant être exécutés après l’entrée en vigueur du présent accord; d) Mesures s’entend des lois, règlements ou autres mesures qualifiés au besoin à l’élément Description, qui fait l’objet de la réserve. Une mesure figurant à l’élément Mesures (i) désigne la mesure modifiée, maintenue ou renouvelée à la date d’entrée en vigueur du présent accord, et (ii) comprend toute mesure subordonnée adoptée ou maintenue aux termes de la mesure et conformément à celle-ci; e) Palier de gouvernement s’entend du palier de gouvernement qui maintient la mesure au titre de laquelle la Partie formule la réserve; f) Secteur s’entend du secteur général visé par la réserve; g) Sous-secteur s’entend du secteur particulier visé par la réserve; et h) Type de réserve s’entend de l’obligation mentionnée au paragraphe 1 qui fait l’objet de la réserve. 3. Pour interpréter une réserve, il faut tenir compte de tous ses éléments. Une réserve doit être interprétée à la lumière des dispositions pertinentes du chapitre visées par la réserve. Dans la mesure a) où l’élément Élimination progressive prévoit l’élimination progressive des aspects non conformes des mesures, l’élément Élimination progressive prime sur tout autre élément; b) où l’élément Mesures est subordonné à un engagement de libéralisation de l’élément Description, l’élément Mesures ainsi subordonné l’emporte sur tout autre élément;255 et c) où l’élément Mesures n’est pas subordonné à un tel engagement, ce dernier élément l’emporte sur tout autre

255

C’est nous qui soulignons.

68

élément, à moins qu’il ne se produise des incompatibilités entre les mesures figurant à l’élément Mesures et les autres éléments dans leur ensemble, et que ces incompatibilités soient si importantes qu’il ne serait pas raisonnable de conclure que l’élément Mesures doit l’emporter, auquel cas les autres éléments priment pour ce qui est de l’incompatibilité constatée. 4. Lorsqu’une Partie maintient une mesure en vertu de laquelle un fournisseur de services doit être un citoyen, un résident permanent ou un résident de son territoire afin de pouvoir offrir un service sur ce territoire, toute réserve concernant une mesure prise au titre des articles 1202, 1203 ou 1205 ou des articles 1404, 1405 ou 1406 aura les mêmes effets qu’une réserve concernant les articles 1102, 1103 ou 1106 quant à la portée de cette mesure. 230. Fait à souligner, la Note porte que, pour interpréter les engagements de libéralisation relatifs aux éléments Élimination progressive de l’annexe I, les éléments de la réserve doivent être interprétés à la lumière des dispositions pertinentes du chapitre visées par la réserve 256 et que l’élément Élimination progressive d’une réserve prime sur tout autre élément de celle-ci257 . Étant donné son importance dans la présente espèce, nous citerons intégralement la réserve en cause, formulée dans la liste des États-Unis aux pages I-U-22 à I-U-25 de l’annexe I : Secteur : Transports Sous-secteur : Transport terrestre Classification de l’industrie : SIC 4213 – Camionnage, sauf le camionnage local SIC 4215 – Services de messagerie, sauf par voie aérienne SIC 4131 – Transport rural et interurbain par autobus SIC 4142 – Service d’autobus nolisé, sauf le transport local SIC 4151 – Autobus scolaires (seulement pour le transport entre États non relié aux activités scolaires) Type de réserve : Traitement national (articles 1102, 1202) Traitement de la nation la plus favorisée (articles 1103, 1203)

231.

256

Introduction du paragraphe 3. Alinéa 3.a).

257

69

Présence locale (article 1205) Palier de gouvernement : Fédéral Mesures : 49 U.S.C. §10922(l)(1) et (2); 49 U.S.C. §10530(3); 49 U.S.C. §§ 10329, 10330 et 11705; 19 U.S.C. §1202; 49 C.F.R. §1044 Memorandum of Understanding Between the United States of America and the United Mexican States on Facilitation of Charter/Tour Bus Service, 3 décembre 1990. Selon les conditions énoncées au paragraphe 2 de l’élément Description. Description : Services transfrontières 1. Un permis d’exploitation de l’Interstate Commerce Commission (ICC) est nécessaire pour fournir en location, sur le territoire des États-Unis, des services entre États ou transfrontières de transport par autobus ou camion. Un moratoire sur l’attribution de nouveaux permis d’exploitation aux personnes du Mexique demeure en vigueur. 2. Le moratoire ne s’applique pas à la prestation de services transfrontières d’autobus nolisés ou d’excursions par autobus. 3. En vertu du moratoire, les personnes du Mexique sans permis d’exploitation ne peuvent opérer des services qu’à destination ou en provenance des zones commerciales frontalières de l’ICC, pour lesquelles un permis d’exploitation de l’ICC n’est pas requis. Les personnes du Mexique qui fournissent des services de camionnage (notamment des services de location, des services privés et des services exemptés) sans permis d’exploitation sont tenues d’obtenir un certificat d’immatriculation de l’ICC pour entrer aux États-Unis et pour opérer des services à destination ou en provenance des zones commerciales frontalières de l’ICC. Les personnes du Mexique qui fournissent des services d’autobus ne sont pas tenues d’obtenir un certificat d’immatriculation de l’ICC pour fournir de tels services à destination ou en provenance des zones commerciales frontalières de l’ICC. 70

4. Seules des personnes des États-Unis utilisant des camions ou des autocars inscrits aux États-Unis et soit des équipements construits aux États-Unis, soit des équipements pour lesquels les droits applicables ont été payés peuvent fournir des services de transport par camions ou autocars entre des points situés sur le territoire des États-Unis. Investissement 5. Le moratoire a l’effet d’une restriction à l’investissement puisque les entreprises des États-Unis qui fournissent des services de transport par autobus ou par camion et qui sont détenues ou contrôlées par des personnes du Mexique ne peuvent obtenir un permis d’exploitation de l’ICC. Élimination progressive : Services transfrontières Une personne du Mexique sera autorisée à obtenir un permis d’exploitation pour fournir : a) trois ans après la signature de l’accord, des services transfrontières de transport par camion à partir des États frontaliers ou vers les États frontaliers (Californie, Arizona, Nouveau-Mexique et Texas), et ces personnes seront autorisées à entrer sur le territoire des États-Unis et à quitter ce territoire par des points d’entrée et de sortie différents; b) trois ans après l’entrée en vigueur de l’accord, des services transfrontières réguliers de transport par autobus; et c) six ans après l’entrée en vigueur de l’accord, des services transfrontières de transport par camion. Investissement Une personne du Mexique sera autorisée à établir une entreprise aux États-Unis pour fournir : a) trois ans après la signature de l’accord, des services de transport par camion pour le transport de marchandises internationales entre des points aux États-Unis; et b) sept ans après l’entrée en vigueur de l’accord, des services de transport par autobus entre des points aux États-Unis.

71

Le moratoire demeurera en vigueur pour les permis d’exploitation visant les services de transport par camion fournis par des personnes du Mexique entre des points aux États-Unis pour le transport de produits autres que les chargements internationaux. 232. Selon l’annexe I, les dispositions pertinentes au regard des réserves sont les articles 1102 (traitement national en matière d’investissement), 1202 (traitement national en matière de commerce transfrontières des services), 1103 (traitement de la nation la plus favorisée en matière d’investissement), 1203 (traitement de la nation la plus favorisée en matière de commerce transfrontières des services) et 1205 (présence locale en matière de commerce transfrontières des services). Le Groupe spécial tient à souligner que le texte même des paragraphes 1108(1) (investissement) et 1206(1) (commerce transfrontières des services) permet explicitement aux Parties de formuler des réserves à l’annexe I respectivement en matière d’investissement et de commerce transfrontières des services. La Note confirme non moins explicitement que les réserves formulées à l’annexe I le sont au regard des mesures existantes qui contreviennent à une obligation imposée par : a) les articles 1102 et 1202 (traitement national) ou b) les articles 1103 et 1203 (traitement de la nation la plus favorisée). En outre, la Note permet aussi aux Parties à l’annexe I d’énoncer des engagements de libéralisation immédiate ou future258 . La Note stipule que, pour l’application de l’annexe I, l’élément Mesures s’entend des lois, règlements ou autres mesures qualifiés au besoin à l’élément Description, qui fait l’objet de la réserve. Chose plus importante encore, la Note prévoit explicitement une hiérarchie de règles pour l’interprétation des réserves convenues. L’alinéa 3.b) porte que, dans le cas où l’élément Mesures est subordonné à un engagement de libéralisation de l’élément Description, l’élément Mesures ainsi subordonné l’emporte sur tout autre élément 259 . Lu à la lumière de la Note, le texte des éléments Élimination progressive de l’annexe I concernant aussi bien la libéralisation du commerce transfrontières des services de camionnage que celle de l’investissement international dans les services de camionnage est dénué d’ambiguïté si l’on s’en tient au sens ordinaire des termes. Les dispositions pertinentes de l’annexe I prévoient des dates précises pour la libéralisation du commerce transfrontières des services (18 décembre 1995) et de l’investissement international (18 décembre 1995) en matière de transports terrestres. Ni les clauses relatives à l’élimination

233.

234.

235.

258

Alinéa 2.h).

259

L’alinéa c) prévoit d’autres règles pour le cas où l’élément Mesures ne serait pas subordonné à un tel engagement, mais cet alinéa n’est pas déterminant dans la présente espèce.

72

progressive de l’annexe I ni leur contexte ne donnent à penser que l’engagement de supprimer les réserves le 18 décembre 1995 soit subordonné à un autre élément, quel qu’il soit, des réserves ou de la Note. Il n’existe, à la connaissance du Groupe spécial, aucun accord lié à l’ALÉNA ni aucun principe juridique ou pratique ultérieure qui puisse étayer l’idée que l’exécution des engagements de libéralisation soit subordonnée à une condition. Il s’ensuit que les engagements de libéralisation pris à l’annexe I sont inconditionnels. Toute autre interprétation serait en contradiction avec le texte de l’ALÉNA. 236. Qui plus est, les négociateurs de l’ALÉNA ont apparemment examiné avec beaucoup d’attention le caractère, le but et le mode d’établissement et d’adoption des réserves et des engagements de libéralisation au regard de l’élément Élimination progressive. Le titre même de l’annexe I exprime la volonté des Parties : « Réserves aux mesures existantes et engagements de libéralisation ». Les réserves examinées comprenaient les éléments suivants : secteur, sous-secteur, classification de l’industrie, type de réserve, palier de gouvernement, mesures, description et élimination progressive260 . Il n’y a pas d’ambiguïtés. Les réserves et leur libéralisation sont très bien définies. Les Parties sont convenues non seulement des réserves qu’elles estimaient acceptables, mais aussi des engagements d’élimination progressive de ces réserves. Le libellé de l’annexe I est à cet égard aussi clair que complet. En outre, le Groupe spécial est conscient du fait que les réserves en matière de transports terrestres formulées à l’annexe I sont contraires à l’objectif principal de l’ALÉNA tel qu’il est énoncé dans le préambule de celui-ci et constituent aussi des obstacles à la réalisation des objectifs concrets dont les Parties sont convenues au paragraphe 102(1). De telles réserves étaient vraisemblablement conçues comme un élément structurel nécessaire pour faciliter la constitution d’une zone de libre-échange, but final de l’ALÉNA261 . À ce propos, le Groupe rappelle le principe juridique séculaire suivant lequel exceptio est strictissimae applicationis, dont il a été déduit par d’autres instances que les réserves aux obligations découlant des traités doivent faire l’objet d’une interprétation stricte262 . Le Groupe spécial estime qu’il faut donner aux clauses d’élimination progressive relatives aux réserves l’entière primauté sur tous les autres éléments de l’annexe I.

237.

238.

260

Voir le texte complet au paragraphe 230.

261

L’article 101 de l’ALÉNA dispose ce qui suit : « Les parties au présent accord, en conformité avec l’article XXIV de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, établissent par les présentes une zone de libre échange. »
262

Voir Interprétation de l’article 79 du Traité de paix de 1947 (Commission de Conciliation franco-italienne), vol. XIII, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, 397; Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, C.P.J.I., série A, n o 7, 56; et Territoire de Dantzig, C.P.J.I., série A/B, n o 65, 71.

73

Ce principe juridique est solidement établi en droit international. La Cour permanente de Justice internationale a postulé dans un de ses arrêts263 qu’une disposition de traité doit l’emporter sur une règle générale de droit international. Plus récemment, ce principe a été adopté par l’Organe d’appel de l’OMC, qui a confirmé la décision d’un groupe spécial selon laquelle le principe de précaution ne pouvait être invoqué pour justifier une dérogation à des obligations expressément prévues dans un traité264 . 239. Par conséquent, le Groupe spécial est d’avis que la mise en oeuvre des clauses très concrètes d’élimination progressive des réserves n’est dans la présente espèce subordonnée à aucun autre élément 265 . Si les Parties avaient souhaité subordonner les engagements de libéralisation prévus aux éléments Élimination progressive de l’annexe I à une procédure d’acceptation ultérieure ou à une autre condition, elles auraient employé – ou auraient pu employer – d’autres termes. Le Groupe spécial estime que les éléments Élimination progressive de l’annexe I doivent l’emporter sur tous les autres éléments spécifiés à cette annexe. Les États-Unis n’ont démontré l’existence d’aucun motif valable du non-respect des engagements de libéralisation du commerce des services et de l’investissement en matière de transports terrestres qu’ils ont contractés à l’annexe I. Les obligations d’élimination progressive découlant pour les États-Unis de l’annexe I pour ce qui concerne les services et l’investissement transfrontières dans le secteur du camionnage l’emportent donc, à moins qu’on ne puisse trouver dans l’ALÉNA d’autres dispositions qui permettent de déroger à ces obligations. Ce sont ces autres dispositions que le Groupe spécial va maintenant examiner.

240.

C. Services 241. D’après le Groupe spécial, la question clé sous le rapport des services est celle de savoir si les États-Unis ont enfreint les articles 1202 (traitement national en matière de services transfrontières) et 1203 (traitement de la nation la plus favorisée en matière de services transfrontières) de l’ALÉNA en ne levant pas leur moratoire sur l’examen des demandes de permis d’exploitation dans les États frontaliers américains déposées par les entreprises de camionnage appartenant à des personnes du Mexique. Étant donné que le délai programmé pour la réserve formulée à l’annexe I par les États-Unis à l’égard du commerce transfrontières

263

Vapeur Wimbledon, C.P.J.I., (1923) série A, n o 1.

264

Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (hormones), Rapport de l’Organe d’appel de l’OMC AB-1997-4, 16 janvier 1998, WT/DS26/AB/R/WT/DS48/AB/R, par. 253.
265

« Il ne faut supposer des conditions qu’avec la plus grande prudence, car si l’on en suppose trop volontiers, elles menaceront sérieusement l’inviolabilité du traité » (McNair, op.cit, p. 436).

74

des services de camionnage a expiré le 17 décembre 1995, le maintien du moratoire doit être justifié soit par les dispositions des articles 1202 et 1203, soit par d’autres dispositions de l’ALÉNA, par exemple celles du chapitre 9 (mesures normatives) ou de l’article 2101 (exceptions générales). Comme aucune des Parties ne soutient que l’annexe I prévoit une exception qui justifierait par ailleurs les mesures américaines et comme les États-Unis – ainsi qu’il a été dit plus haut – se sont abstenus d’invoquer le chapitre 9, les thèses des parties sont en grande mesure fondées sur leur interprétation des articles 1202, 1203 et 2101. 1. 242. Positions des Parties

Les États-Unis soutiennent que la réglementation mexicaine du camionnage ne repose pas sur des normes aussi rigoureuses que leur propre réglementation et celle du Canada et que, par conséquent, l’expression « dans des circonstances analogues » de l’article 1202 signifie qu’« il est permis de soumettre les fournisseurs [mexicains] de services à un traitement différent afin d’atteindre un objectif légitime de réglementation »266 . De plus, puisque la réglementation canadienne est « équivalente » à celle des États-Unis, ceux-ci n’enfreindraient pas les dispositions de l’article 1203 touchant le traitement de la nation la plus favorisée en accordant aux entreprises canadiennes de camionnage, qui se trouvent « dans des circonstances analogues » à celles de leurs homologues américaines, un traitement plus favorable que celui qu’ils accordent aux transporteurs mexicains267 . Les États-Unis estiment également applicable l’article 2101, qui prévoit des exceptions générales aux obligations découlant de l’ALÉNA et peut être invoqué pour justifier « des mesures nécessaires pour assurer l’application des lois et règlements [...] qui ont trait à la santé, à la sécurité et à la protection des consommateurs »268 . Les États-Unis n’ont pas excipé du chapitre 9, mais le Mexique aussi bien que le Canada ont soulevé des questions relatives à ce chapitre. Nous examinerons donc brièvement ce chapitre plus loin. Le Mexique conteste vigoureusement l’interprétation américaine des articles 1202 et 1203, mais sans soutenir que sa réglementation soit équivalente à celle des États-Unis ou du Canada269 . Selon le Mexique, les entreprises mexicaines de camionnage devraient jouir des mêmes droits que ceux qui sont garantis aux transporteurs américains par les lois américaines, c’est-à-dire « du droit d’être évalués en fonction de leurs dossiers individuels et d’un droit de

243.

266

USCS, p. 2. USCS, p. 2 et 3. USCS, p. 40.

267

268

269

Le Mexique fait également valoir que la mise en oeuvre de l’ALÉNA ne peut à bon droit être subordonnée à l’adoption d’une réglementation identique des transports routiers (MIS, p. 64).

75

recours sans réserves contre le rejet de leurs demandes de permis d’exploitation »270 . Toute autre façon de faire enfreint les articles 1202 et 1203. Au cours des négociations dont l’ALÉNA est issu, il était entendu pour les gouvernements des deux pays que les transporteurs routiers devraient se conformer intégralement aux règles du pays dans lequel ils fourniraient des services. Toutefois, il n’a pas été question de subordonner les obligations des Parties à l’exécution complète du programme de travail axé sur l’harmonisation des mesures normatives271 ou à l’adoption d’une réglementation identique par le Mexique272 . Allant au-devant d’un argument que les États-Unis n’ont en fin de compte pas fait valoir, le Mexique a expliqué que ceux-ci ne pouvaient invoquer le chapitre 9, parce qu’ils n’avaient pas essayé de justifier leur moratoire conformément à la procédure que prescrit ce chapitre273 . Les États-Unis ne pouvaient non plus invoquer l’article 2101, parce que les exceptions qu’il prévoit ne s’appliquent qu’aux mesures nécessaires pour assurer l’application de lois ou de règlements par ailleurs compatibles avec l’ALÉNA, lois ou règlements qui n’existaient pas dans la présente espèce274 . Par conséquent, aucune disposition de l’ALÉNA ne justifiait le refus général d’accès opposé aux transporteurs mexicains. 244. Le Canada, qui a exercé le droit de participation que lui confère l’article 2013, est pour l’essentiel d’accord avec le Mexique et affirme que l’interprétation de l’article 1202 doit reposer avant tout sur une comparaison entre une entreprise étrangère fournissant des services transfrontières (en l’occurrence, une entreprise mexicaine fournissant des services aux États-Unis) et une entreprise fournissant des services dans son propre pays. Le Canada soutient de plus qu’en opposant un refus « général » aux transporteurs mexicains qui demandent un permis d’exploitation pour offrir des services de camionnage transfrontières, les États-Unis leur accorderaient nécessairement un traitement moins favorable que celui qu’ils accordent aux fournisseurs américains de services de camionnage dans des circonstances analogues275 . Le Canada fait en outre valoir que les États-Unis ne peuvent invoquer le chapitre 9 parce que les niveaux de protection établis en vertu de ce chapitre doivent être compatibles avec les prescriptions

270

MIS, p. 75. MIS, p. 74 et 75 (c’est nous qui soulignons). MIS, p. 64. MPHS, p. 3 et 9 à 12. MIS, p. 87 à 89. CS, p. 3.

271

272

273

274

275

76

relatives au traitement national de l’article 1202 et les autres dispositions de l’ALÉNA276 . 245. Le Groupe spécial note que, bien qu’on ait soutenu le contraire277 , il n’existe pas de désaccord important sur les faits pour ce qui concerne les réglementations américaine, canadienne et mexicaine du camionnage. Les États-Unis ont consacré une partie considérable de leurs mémoires à l’exposition de la nature de la réglementation américaine, des ressemblances de celle-ci avec la réglementation canadienne, et des différences entre d’une part les deux systèmes et d’autre part celui du Mexique, dont ils ont noté les insuffisances qu’ils lui imputent278 . Les États-Unis soutiennent que la réglementation mexicaine est considérablement moins efficace que celles actuellement en vigueur aux États-Unis et au Canada pour ce qui est d’assurer la sécurité routière par divers mécanismes de contrôle des conducteurs et des véhicules – inspections obligatoires, délivrance de permis de conduire pour véhicules utilitaires, carnets de route et ainsi de suite : « il n’existe pas encore [au Mexique] de procédures propres à garantir la sécurité routière aux États-Unis »279 . Cependant, les Parties ne sont pas d’accord sur les conséquences des différences de leurs réglementations. Les États-Unis et le Mexique ont tenu des consultations approfondies concernant les services de camionnage et la réalisation des objectifs réglementaires, comme le démontre amplement le dossier de la présente espèce280 . Mais là, bien sûr, n’est pas la question. La question est celle de savoir si la décision américaine de refuser d’examiner les demandes des fournisseurs mexicains de services considérés collectivement est compatible avec les obligations applicables découlant de l’ALÉNA pour les États-Unis. 2. 246. Analyse du Groupe spécial

Le paragraphe pertinent de l’article 1202 est ainsi libellé : « 1. Chacune des Parties accordera aux fournisseurs de services d’une autre Partie un traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde à ses propres fournisseurs de

276

CS, p. 4.

277

Le 16 mai 2000, les États-Unis ont invité le Groupe spécial à demander un rapport écrit à un conseil d’examen scientifique en vertu de l’article 2015 de l’ALÉNA. Après avoir donné aux deux Parties la possibilité de communiquer des observations complémentaires, le Groupe spécial a rejeté le 10 juillet 2000 la demande de constitution d’un conseil d’examen scientifique.
278

USCS, p. 8 à 19. USCS, p. 2. MIS, p. 33 à 38.

279

280

77

services dans des circonstances analogues »281 . De même l’article 1203 porte ce qui suit : « Chacune des Parties accordera aux fournisseurs de services d’une autre Partie un traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde, dans des circonstances analogues, aux fournisseurs de services de toute autre Partie ou d’un pays tiers »282 . 247. Les articles 1202 et 1203 formulent les obligations du traitement national (traitement égal des étrangers et des nationaux) et du traitement de la nation la plus favorisée (traitement égal des ressortissants d’États étrangers différents). Ni les États-Unis ni le Mexique ne contestent la valeur en droit de ces obligations. Dans sa formulation la plus concise, le désaccord entre les États-Unis d’une part, et d’autre part le Mexique et le Canada, porte sur le point de savoir si l’expression « dans des circonstances analogues » (ou une autre exception au traitement national ou au traitement de la nation la plus favorisée, ou une autre clause limitative de ces obligations) autorise les États-Unis à refuser l’accès aux entreprises mexicaines de camionnage considérées collectivement, indépendamment de leurs dossiers individuels, jusqu’à ce que la réglementation intérieure du Mexique soit approuvée par les États-Unis. On pourrait aussi formuler le différend comme portant sur la question de savoir si les États-Unis sont ou non tenus d’examiner une à une les demandes des transporteurs mexicains souhaitant obtenir un permis d’exploitation sur le territoire américain afin d’établir dans chaque cas si le demandeur remplit ou non les normes auxquelles doivent se conformer les transporteurs exerçant une activité aux États-Unis. Ce désaccord repose quant à lui sur l’interprétation et la portée de l’expression « dans des circonstances analogues », c’est-à-dire sur le point de savoir si la comparaison peut être appliquée aux « fournisseurs de services » considérés collectivement du point de vue de leur nationalité ou doit plutôt être appliquée aux demandeurs de permis pris individuellement. L’article 1202 prescrit à chacune des Parties d’accorder aux fournisseurs de services d’une autre Partie un traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde à ses propres fournisseurs de services dans des circonstances analogues. Étant donné que, conformément à leurs propres lois, les États-Unis examinent une à une les demandes de permis d’exploitation provenant d’entreprises de transports détenues par des personnes des États-Unis (ou du Canada) et domiciliées aux États-Unis (ou au Canada), leur refus général d’examiner individuellement les demandes de permis d’exploitation déposées par les fournisseurs mexicains de services de camionnage semble incompatible avec l’obligation du traitement national découlant de l’ALÉNA pour les États-Unis (et avec l’obligation du

248.

281

C’est nous qui soulignons. C’est nous qui soulignons.

282

78

traitement de la nation la plus favorisée, puisque les transporteurs canadiens sont aussi considérés individuellement). 249. Pour interpréter l’expression « dans des circonstances analogues » des articles 1202 et 1203, le Groupe spécial a cherché des indications dans d’autres accords où l’on trouve des expressions semblables. Les Parties ne contestent pas qu’il avait été attribué à l’expression susdite un sens voisin de celui des termes « services et fournisseurs de services analogues » qui avaient été proposés par le Canada et le Mexique au cours des négociations ayant mené à l’ALÉNA283 . De plus, les États-Unis soutiennent, sans que le Mexique le conteste, que l’expression « dans des circonstances analogues » n’est pas différente quant au fond de l’expression « dans des situations analogues » employée dans les traités bilatéraux sur l’investissement284 . Chose plus importante encore, aucune des Parties ne soutient que l’expression « dans des circonstances analogues » doive être entendue au chapitre 12 de l’ALÉNA dans un sens différent de celui qu’elle avait dans l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis (ALÉ). Le Mexique fait observer que l’ALÉ est la « source immédiate » de l’emploi de l’expression « dans des circonstances analogues » aux articles 1202 et 1203 de l’ALÉNA285 . De leur côté, les États-Unis ont invoqué les dispositions de l’ALÉ précisant la portée de l’obligation du traitement national à l’appui d’une interprétation de l’expression employée dans l’ALÉNA qui autoriserait un traitement différencié dans les cas où le justifient des objectifs réglementaires légitimes286 . Les Parties ne contestent pas non plus que l’application du principe général du traitement différencié puisse se justifier et être compatible avec les obligations de traitement national d’une Partie. L’article 1402 de l’ALÉ se révèle instructif dans ce contexte. On y trouve une exposition de l’obligation du traitement national appliquée aux services plus détaillée que dans les dispositions correspondantes de l’ALÉNA : 1. Sous réserve du paragraphe 3, chaque Partie accordera aux personnes de l’autre Partie un traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde à ses personnes dans des circonstances analogues en ce qui a trait aux mesures couvertes par le présent chapitre [services, investissement et autorisation de séjour temporaire].

250.

283

MRS, p. 12. USSS, p. 6 à 8. MRS, p. 10. USSS, p. 9 et 10.

284

285

286

79

[...] 3. Nonobstant les paragraphes 1 et 2, le traitement qu’une Partie accorde aux personnes de l’autre Partie peut différer de celui qu’elle accorde à ses personnes, pourvu a) que la différence de traitement ne soit pas plus importante que ce qui est nécessaire pour des considérations de gestion prudente, de fiducie, de santé et de sécurité, ou de protection des consommateurs; b) que le traitement différent en question équivaille en pratique au traitement que la Partie accorde à ses personnes pour mêmes considérations; et c) que notification préalable du traitement envisagé ait été donnée, conformément à l’article 1803. En outre, l’ALÉ attribuait à la Partie accordant ou envisageant d’accorder un traitement différencié en vertu du paragraphe cité ci-dessus la charge de faire la preuve que ledit traitement était compatible avec ce paragraphe 287 . 251. Le Groupe spécial note que l’ALÉ prévoit une limitation plus détaillée et plus précise du droit de toute Partie de déroger à ses obligations de traitement national que n’en stipule le texte plus court de l’article 1202. Cependant, le Groupe spécial observe aussi que le groupe spécial du GATT saisi de l’affaire de l’article 337 a interprété des obligations semblables de traitement national dans un sens qui autorise l’application aux importations de certaines prescriptions différentes de celles dont font l’objet les produits d’origine nationale288 ; en effet, un traitement identique des marchandises importées et des marchandises d’origine nationale n’est pas nécessairement requis pour ce qui concerne les atteintes aux droits de propriété intellectuelle. Inversement, le groupe spécial appelé à décider l’affaire de l’article 337 a aussi constaté que des prescriptions à l’importation

287

ALÉ, par. 1402(4).

288

États-Unis – L’article 337 de la Loi douanière de 1930, Rapport du Groupe spécial, 7 novembre 1989, L/6439-36S/345, par. 5.31.

80

formellement identiques peuvent en fait donner lieu à un traitement moins favorable dans des circonstances déterminées289 . 252. Le Groupe spécial a ensuite examiné les dispositions applicables de l’ALÉNA pour caractériser, à l’égard des dispositions régissant la prestation de services transfrontières de camionnage en provenance du Mexique et à destination des États-Unis, d’une part les fournisseurs de services du Mexique, et d’autre part les fournisseurs de services des États-Unis prestant des services de camionnage aux États-Unis. Aux termes de l’article 1213, l’expression « fournisseur de services d’une Partie » s’entend de toute personne d’une Partie qui cherche à fournir ou qui fournit un service. Selon l’article 201, l’expression « personne d’une Partie » s’entend d’un ressortissant ou d’une entreprise d’une Partie, et l’expression « entreprise d’une Partie » désigne une entreprise constituée ou organisée aux termes de la législation d’une Partie. À partir de ces définitions, le Groupe spécial a examiné les faits incontestés consignés au dossier selon lesquels le service essentiel en question est le transport à des fins commerciales, par des fournisseurs de services du Mexique, de marchandises en provenance du Mexique et à destination de points situés sur le territoire des États-Unis. Ce service essentiel comprend actuellement les éléments suivants : 1) services de camionnage comportant le transport de marchandises au moyen d’un véhicule tracteur et d’une remorque d’un point du Mexique à un point des États-Unis; et 2) services de camionnage dans lesquels une remorque en provenance du Mexique est transférée d’un tracteur mexicain à un tracteur américain dans une zone commerciale frontalière à partir de laquelle le transport se poursuit jusqu’à un autre point des États-Unis. Les services de camionnage considérés comprennent aussi le transit par les États-Unis de camions mexicains en provenance du Mexique et à destination du Canada. Ceux qui souhaitent fournir ou fournissent de tels services sont les « fournisseurs de services » considérés dans la présente espèce. Les fournisseurs de services des États-Unis sont les entreprises de camionnage appartenant à des personnes des États-Unis ou domiciliées aux États-Unis. C’est au traitement accordé à ces fournisseurs nationaux de services de camionnage par les autorités américaines de réglementation qu’il faut comparer le traitement qu’elles octroient aux fournisseurs mexicains de services semblables demandant un permis d’exploitation sur le territoire américain pour établir si les États-Unis accordent le traitement national. Il n’est pas contesté que les États-Unis interdisent l’examen des demandes de la plupart des fournisseurs mexicains de services souhaitant prester des services de camionnage à partir du Mexique vers des points des États-Unis situés hors des

253.

254.

289

Ibid., par. 5.11.

81

290

MIS, p. 1 à 4; et USCS, p. 20.

291

MRS, p. 1 à 5. Les États-Unis font valoir que ces exceptions apparentes à la politique du DOT sont permises parce qu’elles sont fondées sur des motifs non liés à la sécurité et que le DOT n’est pas investi du pouvoir d’y mettre fin (USSS, p. 20 à 22). Or, aucun élément du dossier ne donne à penser que le Président ait fait quelque effort que ce soit pour faire adopter des dispositions qui mettraient fin à ces pratiques de longue date, exception faite des mesures prises pour combler la lacune qui permettait aux entreprises américaines de camionnage de louer des camions mexicains et les services de conducteurs mexicains pour la prestation de services aux États-Unis.
292

Cette prétendue « lacune » a été comblée par l’article 19 du Motor Carrier Safety Improvement Act de 1999. Le Mexique soutient que cet article a été adopté pour des raisons anticoncurrentielles (MRS, p. 4 et 5). Les États-Unis invoquent quant à eux des motifs de sécurité (USSS, p. 23 et 24). Cependant, quoi qu’il en soit, cette pratique a eu cours jusqu’à une date très récente, et les États-Unis n’ont présenté au Groupe spécial aucun élément tendant à établir l’existence de problèmes déterminés de sécurité qui seraient attribuables à cette pratique.
293

Les États-Unis ont fait valoir que le bilan de sécurité des entreprises mexicaines de factage présentait des insuffisances graves en comparaison de celui des entreprises américaines de camionnage exerçant leur activité à l’échelle du pays (USCS, p. 19 à 24). Le Mexique a admis que les entreprises mexicaines de factage utilisaient un équipement en relativement mauvais état (MIS, p. 21). Cependant, le Mexique soutient qu’une comparaison entre le bilan de sécurité des entreprises mexicaines de factage et celui des transporteurs américains en zone longue est de nature à induire en erreur parce que les entreprises de factage, travaillant en zone courte, n’ont pas le même intérêt à maintenir la qualité de leur équipement qu’ils auraient s’ils offraient des services en zone longue (MRS, p. 6). L’une

255.

Cependant, tous les autres fournisseurs mexicains de services de camionnage – probablement des centaines ou même des milliers d’entreprises – se voient refuser l’accès aux États frontaliers américains depuis le 17 décembre 1995, malgré les obligations découlant de l’annexe I et des articles 1202 et 1203. Par conséquent, les États-Unis, s’ils accordent un traitement non moins favorable à ce nombre très restreint de fournisseurs mexicains de services, ne s’acquittent pas de leur obligation d’accorder un traitement non moins favorable aux autres fournisseurs mexicains de services de camionnage, qui continuent de faire l’objet du moratoire. Le refus général des États-Unis d’examiner les demandes de permis d’exploitation formulées par les autres transporteurs mexicains, refus motivé par des préoccupations de sécurité, ne cadre pas avec les exceptions susdites au moratoire ni avec le traitement qu’ils accordent aux transporteurs nationaux. Il s’ensuit que, en l’absence d’autres justifications, le moratoire appliqué par les États-Unis à l’examen des demandes de permis depuis le 17 décembre 1995 constituerait un manquement de jure à l’obligation du traitement national découlant de l’article 1202. Cependant, les États-Unis invoquent pour justifier ce moratoire les termes « dans des circonstances analogues » et une interprétation de l’ALÉNA qui autoriserait un traitement différencié motivé par des objectifs légitimes de réglementation touchant la sécurité. Le Groupe spécial a fait observer plus haut que l’expression « dans des circonstances analogues » peut être considérée à bon droit comme autorisant un traitement différencié sous réserve des conditions spécifiées à l’article 1402 de l’ALÉ. Cependant, le Groupe spécial n’oublie pas pour autant les dispositions de l’article 102 de l’ALÉNA, dont le paragraphe 2 dit en toutes lettres que « [l]es Parties interpréteront et appliqueront les dispositions du présent accord à la lumière des objectifs énoncés au paragraphe 1 et en conformité avec les règles applicables du droit international ». Le premier des objectifs de l’ALÉNA énumérés au paragraphe 1 consiste « à éliminer les obstacles au commerce des produits et des services entre les territoires des Parties et à faciliter le mouvement transfrontières de ces produits et services »294 . Ces objectifs sont définis de manière plus précise par le moyen des principes et des règles de l’ALÉNA, notamment le traitement national. En outre, les dispositions de l’ALÉNA doivent être interprétées, non seulement à la lumière de ses objectifs, mais aussi en conformité avec les règles applicables du droit international. Étant donné ces exigences et le fait que la même expression ait été employée dans l’ALÉ, le Groupe spécial est d’avis qu’une interprétation judicieuse de l’article 1202 suppose que le traitement différencié ne dépasse pas la mesure nécessaire pour la réalisation d’objectifs légitimes de réglementation tels que la sécurité et que ce

256.

257.

258.

294

ALÉNA, alinéa 102(1)a).

83

traitement différencié soit équivalent à celui qui est accordé aux fournisseurs nationaux de services. Dans le contexte de ces objectifs, le Groupe spécial estime peu vraisemblable qu’on puisse s’autoriser de l’expression « dans des circonstances analogues » des articles 1202 et 1203 pour maintenir au commerce entre des Parties à l’ALÉNA un obstacle aussi important qu’une prohibition à la prestation de services transfrontières de camionnage. 259. De même, le Groupe spécial n’oublie pas qu’une interprétation libérale de l’expression « dans des circonstances analogues » risquerait de vider de leur sens les articles 1202 et 1203. Si, par exemple, les réglementations de deux Parties de l’ALÉNA devaient être identiques en substance pour que le traitement national soit accordé, relativement peu de fournisseurs de services auraient droit en fin de compte à ce traitement. Par conséquent, le Groupe spécial conclut que la thèse américaine, selon laquelle l’expression « dans des circonstances analogues » autoriserait le maintien du moratoire sur l’examen des demandes de permis d’exploitation aux États-Unis présentées par les transporteurs domiciliés au Mexique et appartenant à des personnes du Mexique, constitue une interprétation trop libérale de cette expression. Les États-Unis font aussi valoir que l’article 2101 les autoriserait à refuser d’examiner les demandes de permis de fournisseurs mexicains de services de camionnage pour des raisons de sécurité. Or, l’opinion du Groupe spécial selon laquelle l’expression « dans des circonstances analogues », en tant qu’exception, doit faire l’objet d’une interprétation restrictive, s’applique également à l’article 2101. Dans ce contexte, la jurisprudence du GATT et de l’OMC, abondamment alléguée par les Parties, et le texte de l’ALÉ se révèlent tous deux instructifs. Si le chapitre 12 ne comporte pas de dispositions limitant explicitement la portée de l’expression « dans des circonstances analogues », le libellé de l’exception générale du paragraphe 2101(2) qu’invoquent les États-Unis suit de près le texte de l’article XX du GATT et ressemble à la clause de l’ALÉ limitant les exceptions au traitement national aux cas où « la différence de traitement [n’est] pas plus importante que ce qui est nécessaire pour des considérations [...] de santé et de sécurité, ou de protection des consommateurs »295 . Rappelons le passage pertinent du paragraphe 2101(2) : À condition que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifié entre des pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce [international] entre les Parties, aucune

260.

261.

295

ALÉ, alinéa 1402(3)a).

84

disposition [...] du chapitre 12 (Commerce transfrontières des services) [...] ne sera interprétée comme empêchant l’adoption ou l’application par toute Partie des mesures nécessaires pour assurer l’application des lois et règlements qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent accord, et notamment des lois et règlements qui ont trait à la santé, à la sécurité et à la protection des consommateurs. 262. On voit donc que, selon l’article 2101, les mesures de sécurité adoptées par une Partie – telles que le moratoire sur l’examen des demandes de permis d’exploitation aux États-Unis provenant de fournisseurs mexicains de services de camionnage – ne sont justifiées que pour autant qu’elles sont « nécessaires pour assurer l’application » des lois et règlements qui sont par ailleurs compatibles avec l’ALÉNA. La jurisprudence du GATT et de l’OMC se révèle encore utile en l’occurrence, cette fois pour déterminer le sens du terme « nécessaires ». Le membre de phrase équivalent de l’article XX du GATT – « nécessaires pour assurer le respect » – a fait l’objet d’une interprétation stricte dans de nombreuses décisions du GATT et de l’OMC, notamment les suivantes : États-Unis – L’article 337 de la Loi douanière de 1930296 , Canada – Certaines mesures concernant les périodiques297 , États-Unis – Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne formules298 et États-Unis – Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes299 . Le Mexique fait observer que les États-Unis ont invoqué l’interprétation de l’expression « nécessaires pour assurer le respect » donnée dans les décisions relatives à l’essence nouvelle et ancienne formules et à l’article 337 contre les thèses du Canada dans l’affaire des périodiques, encore que le groupe spécial n’ait pas examiné ce point dans cette dernière affaire300 . Le Mexique donne ainsi à entendre que les États-Unis comptent parmi les pays favorables à une interprétation restrictive des exceptions. Dans l’affaire des périodiques, le Canada avait soutenu que sa prohibition à l’importation de certains périodiques était justifiée en vertu du paragraphe XX(d) du GATT en tant que mesure « nécessaire pour assurer le respect des lois et règlements qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent

263.

264.

296

Rapport du Groupe spécial [du GATT] adopté le 7 novembre 1989, IBDD/345. Rapport du Groupe spécial [de l’OMC] adopté le 14 mars 1997, WT/DS31/R. Rapport du Groupe spécial [de l’OMC] adopté le 20 mai 1996, WT/DS2/R. Rapport du Groupe spécial [de l’OMC] adopté le 12 octobre 1998, WT/DS58/AB/R. MPHS, p. 15 et 16.

297

298

299

300

85

Accord ». Il avait fait valoir que cette restriction constituait un aspect important d’une politique gouvernementale visant à récompenser par un accroissement de leurs recettes publicitaires les périodiques à contenu rédactionnel établi pour le marché canadien. Cette politique prévoyait parallèlement une déduction d’impôts pour la publicité axée sur le marché canadien, qui perdait son sens si les périodiques pouvaient être importés. Le groupe spécial de l’OMC a rejeté cette interprétation et s’est prononcé en faveur des États-Unis. Il a conclu que la mesure canadienne ne visait pas à assurer le respect d’une autre loi et n’était donc pas légitimée par le paragraphe XX(d) du GATT301 . 265. Dans l’affaire de l’essence nouvelle et ancienne formules, l’Organe d’appel de l’OMC a conclu que l’introduction de l’article XX, interdisant que les mesures incompatibles avec le GATT soient appliquées de façon à constituer un moyen de discrimination injustifiable ou une restriction déguisée au commerce international, exige de la Partie désirant se prévaloir de l’article XX qu’elle adopte, parmi les mesures dont elle dispose raisonnablement, celle qui comporte le moindre degré d’incompatibilité avec le GATT. Ainsi, au lieu d’appliquer des réglementations moins favorables aux entreprises étrangères de raffinage exportant de l’essence vers les États-Unis, ceux-ci auraient pu essayer de conclure des accords de coopération avec le Venezuela et le Brésil302 . Le Groupe spécial se trouve ainsi amené à faire observer par analogie que les États-Unis, dans le cadre des mesures prises avant le 17 décembre 1995, n’ont pas déployé d’efforts suffisants pour trouver aux problèmes de sécurité qu’ils estimaient se poser une solution moins restrictive pour le commerce que le maintien du moratoire. Dans l’affaire des crevettes, l’Organe d’appel de l’OMC a rejeté le critère strict appliqué par les fonctionnaires des États-Unis pour décider si certains autres pays seraient certifiés comme mettant en oeuvre des méthodes de pêche propres à assurer la protection des tortues marines, critère qui les investissait en fait du pouvoir d’accorder ou de refuser le droit d’exporter des crevettes aux États-Unis. Selon l’Organe d’appel, « il n’est pas acceptable, dans les relations commerciales internationales, qu’un Membre de l’OMC impose un embargo économique pour contraindre d’autres Membres à adopter essentiellement le même programme de réglementation global, afin de réaliser un objectif particulier, comme celui qu’il a défini sur son territoire, sans tenir compte des conditions différentes qui peuvent

266.

267.

301

Périodiques, par. 5.8 à 5.11. Le groupe spécial de l’OMC n’a pas formulé d’observations sur les autres thèses des États-Unis concernant le paragraphe XX(d), et l’Organe d’appel n’a pas examiné ces points. Voir le Rapport de l’Organe d’appel, 30 juin 2000, WT/DS31/AB/R.
302

Essence nouvelle et ancienne formules, partie IV, p. 29 à 33.

86

exister sur le territoire de ces autres Membres »303 . L’Organe d’appel s’est aussi inscrit en faux contre l’idée qu’un Membre puisse essayer de dicter un programme de réglementation à un autre Membre en lui refusant l’accès à son marché, dans le cas où le GATT dispose par ailleurs que cet accès doit être accordé. Dans la présente espèce, le Mexique conteste le moratoire et la position juridique des États-Unis au motif que ceux-ci procèdent l’un et l’autre de l’idée que seule l’adoption par le Mexique d’une réglementation du camionnage entièrement compatible avec la leur les obligerait à mettre fin à ce moratoire304 . 268. Dans ce cas non plus, on ne trouve au dossier aucun élément tendant à prouver que les États-Unis auraient envisagé d’autres mesures plus acceptables et moins restrictives pour le commerce, sauf pour ce qui concerne les fournisseurs mexicains de services exemptés de l’application du moratoire. Le Groupe spécial est dans l’ensemble d’accord avec le Mexique pour dire que, conformément à la jurisprudence du GATT et de l’OMC et aux dispositions de l’article 2101, tout moratoire américain sur l’examen des demandes mexicaines de permis d’exploitation, pour être compatible avec l’ALÉNA, doit assurer le respect d’une autre loi ou d’un autre règlement non discriminatoire, doit être nécessaire pour assurer ce respect et ne doit constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ou injustifié ni une restriction déguisée au commerce international305 . De plus, alors que selon la jurisprudence du GATT et de l’OMC, une Partie « a l’obligation d’utiliser, parmi les mesures dont elle dispose raisonnablement, celle qui comporte le moindre degré d’incompatibilité avec les autres dispositions »306 , les États-Unis n’ont pas démontré dans la présente espèce qu’il n’existait pas pour eux d’autres moyens d’atteindre leurs objectifs de sécurité qui seraient plus compatibles avec l’ALÉNA que le moratoire. En fait, l’application et l’utilisation d’exceptions sembleraient démontrer l’existence d’autres moyens moins restrictifs pour le commerce. C’est dans une grande mesure parce qu’il a été examiné par le Mexique et le Canada que le chapitre 9 est pertinent dans la présente espèce. Les États-Unis,

269.

270.

271.

303

Crevettes, par. 164 (c’est l’Organe d’appel qui souligne). MIS, p. 74 et 75. MPHS, p. 23; voir L’article 337, par. 6.31. MPHS, p. 25, où l’on cite le par. 5.26 de la décision relative à l’article 337.

304

305

306

87

quant à eux, ne l’ont pas invoqué307 . D’ailleurs, le Groupe spécial note qu’aucune des Parties ne met en question le droit des Parties à l’ALÉNA d’établir les niveaux de protection qu’elles estiment appropriés pour atteindre « des objectifs légitimes de sécurité » ou protéger la santé ou la vie des personnes308 . Ce droit est établi dans la partie III (Obstacles techniques au commerce), qui comprend le chapitre 9. L’application du chapitre 9 est explicitement étendue aux services, et ce chapitre prévoit expressément l’institution d’un Sous-comité des normes relatives aux transports terrestres, de même que le programme de travail de celui-ci. Ainsi, l’article 904 confère aux États-Unis le droit de fixer un niveau de protection relativement à leurs préoccupations de sécurité en adoptant des mesures normatives, « nonobstant toute autre disposition du présent chapitre », à la seule condition qu’ils le fassent conformément au paragraphe 907(2), qui prévoit la faculté (et non l’obligation) de procéder à une évaluation des risques et encourage les Parties à éviter de faire des distinctions arbitraires ou injustifiées entre produits ou services semblables dans les niveaux de protection qu’elles envisagent d’établir. 272. Cependant, il est important d’insister sur le fait que les mesures prises par une Partie en vertu de l’article 904 doivent l’être « en conformité avec le présent accord », notamment avec les dispositions relatives au traitement national de l’article 1202 et les prescriptions concernant le traitement de la nation la plus favorisée de l’article 1203309 . Pour ce qui concerne l’annexe I, le Groupe spécial estime peu convaincantes les diverses thèses fondées sur les problèmes et préoccupations de sécurité par lesquelles les États-Unis veulent justifier l’inexécution de l’obligation, découlant pour eux de l’annexe I, d’autoriser la prestation de services transfrontières de services de camionnage dans les États frontaliers américains à compter du 17 décembre 1995310 . Premièrement, l’annexe I n’assortit d’aucune exception ou condition l’élimination des mesures non conformes, sauf quant à la date qui y est

273.

307

Comments of the United States on the Initial Report of the Panel (observations des États-Unis sur le rapport initial du Groupe spécial), 19 décembre 2000, p. 4.
308

MIS, p. 81 et 82; et USCS, p. 39 et 40.

309

ALÉNA, alinéas a) et b) du paragraphe 904(3). Le Groupe spécial note que le paragraphe 904(4) porte une disposition limitative selon laquelle aucune des Parties ne pourra élaborer, adopter, maintenir ou appliquer une mesure normative ayant pour effet de créer un obstacle non nécessaire au commerce. Cette disposition doit être rapprochée du paragraphe 906(4), qui stipule que chaque Partie importatrice doit accepter les règlements techniques appliqués par une Partie importatrice comme équivalant aux siens lorsque la Partie exportatrice, en coopération avec la Partie importatrice, convainc celle-ci que son règlement technique répond aux objectifs légitimes de la Partie importatrice.
310

USCS, p. 42 à 46.

88

fixée311 . Deuxièmement, l’article 105 dispose que « [l]es Parties feront en sorte que toutes les mesures nécessaires soient prises pour donner effet aux dispositions du présent accord ». Le fait que les États-Unis ne puissent, pour des raisons budgétaires ou autres, envoyer des « enquêteurs en matière de sécurité » au Mexique ne les exempte pas des obligations découlant pour eux de l’ALÉNA, étant donné en particulier qu’ils connaissaient bien l’état de réglementation mexicaine au moins depuis l’achèvement des négociations ayant mené à l’ALÉNA, c’est-à-dire depuis septembre 1992. 274. Il ressort aussi à l’évidence du dossier de la présente procédure que les États-Unis étaient parfaitement conscients pendant les négociations dont l’ALÉNA est issu que la réglementation mexicaine du camionnage était à bien des égards insuffisante de leur point de vue et qu’il faudrait bien des changements pour l’améliorer sensiblement. Les États-Unis et le Mexique ont entrepris l’exécution d’un programme de coopération destiné à améliorer la réglementation mexicaine relative aux camions et aux conducteurs. Les États-Unis font valoir qu’il n’a pas été fait de progrès suffisants pour mettre fin au moratoire312 , mais les obligations découlant pour eux de l’annexe I ne dépendent en rien du degré de progrès du Mexique dans la réforme de sa réglementation relative à la sécurité du camionnage. On ne sait pas très bien à quelles conditions les États-Unis seront convaincus, s’ils le sont jamais, que la réglementation du Mexique a atteint le niveau voulu pour qu’il puisse être mis fin au moratoire à l’égard de l’ensemble des fournisseurs mexicains de services de camionnage313 . Il est évident qu’en décembre 1995 de nombreux responsables américains, y compris le Secrétaire aux transports, étaient certains que les mécanismes de contrôle nécessaires étaient en place, puisque la promulgation de dispositions réglementaires avait été annoncée, et que d’autres mesures avaient été prises, en vue de la levée du moratoire avant la fin de l’année, même si les États-Unis ont par la suite décidé, pour une raison ou une autre, de le maintenir314 . Dans ce contexte, le Groupe spécial estime peu probable, étant donné les obligations découlant pour eux des articles 1202 et 1203 et de l’annexe I, que les États-Unis soient fondés à opposer à l’ensemble des fournisseurs mexicains de services de camionnage ne bénéficiant pas d’une exception à l’application du moratoire un refus général d’examiner leurs demandes de permis d’exploitation.

275.

311

Voir ci-dessus l’examen de l’annexe I. USCS, p. 25 à 28. USSS, p. 17. MIS, p. 33 à 40; et USCS, p. 19 et 20.

312

313

314

89

276.

Les mêmes considérations qu’à l’obligation du traitement national que porte l’article 1202, examinée en détail ci-dessus, s’appliquent pour l’essentiel à l’obligation du traitement de la nation la plus favorisée stipulée à l’article 1203. Si l’expression « dans des circonstances analogues » signifiait que la réglementation étrangère doit être équivalente ou identique à la réglementation américaine, les États-Unis ayant conclu que le régime canadien remplissait ce critère315 , les États-Unis seraient fondés à établir une discrimination en faveur des entreprises canadiennes de camionnage. Mais si l’expression « dans des circonstances analogues » n’autorise pas un tel traitement, il y a infraction à l’article 1203 aussi bien qu’à l’article 1202, puisque les transporteurs américains et canadiens sont traités de la même manière (c’est-à-dire considérés individuellement), tandis que les transporteurs mexicains font l’objet d’un traitement différent. Il en va de même relativement à tout écart possible par rapport au traitement de la nation la plus favorisée qui serait basé sur d’autres dispositions de l’ALÉNA, par exemple l’article 2101, examiné lui aussi plus haut. Enfin, le Groupe spécial conclut que les États-Unis ne peuvent invoquer le passage du préambule de l’ALÉNA selon lequel les Parties ont « résolu [...] de préserver leur liberté d’action relativement à la sauvegarde du bien public » indépendamment de l’ensemble du texte de l’ALÉNA et de l’annexe I pour justifier un manquement aux obligations découlant pour eux des diverses dispositions de ce texte et de cette annexe. S’il est vrai que, comme nous l’avons vu plus haut, l’article 31 de la Convention de Vienne stipule que le préambule fait partie du « contexte » à prendre en considération dans l’interprétation d’un traité, rien n’indique dans l’ALÉNA que le préambule ait été conçu pour l’emporter sur les dispositions proprement dites de cet accord. On remarquera au contraire que les termes employés dans le préambule – « ayant résolu » plutôt que « conviennent », « doivent » ou le futur à valeur d’impératif – dénotent son caractère optatif ou d’exhortation. Le Groupe spécial note aussi que, selon le préambule, les Parties ont également « résolu [...] de créer un marché plus vaste et plus sûr pour les produits et les services produits sur leurs territoires », résolution avec laquelle cadrent les obligations découlant pour les États-Unis des articles 1202 et 1203 et de l’annexe I. Vu ce qui précède et l’objectif de l’ALÉNA – examiné plus haut – consistant à faciliter l’accroissement du commerce des services, le Groupe spécial est d’avis que le refus des États-Unis d’examiner les demandes de permis d’exploitation n’est pas compatible avec leur obligation d’accorder le traitement national. Par conséquent, le maintien du moratoire après le 18 décembre 1995 enfreignait les dispositions relatives au traitement national et au traitement de la nation la plus favorisée des articles 1202 et 1203 respectivement, étant donné qu’il n’existe pas de base juridique suffisante pour interpréter l’expression « dans des circonstances

277.

278.

315

USCS, p. 19.

90

analogues » dans un sens qui autoriserait l’application d’un moratoire aux entreprises mexicaines de camionnage prises collectivement. En outre, l’article 2101 ne peut être invoqué pour justifier le manquement aux obligations du traitement national et du traitement de la nation la plus favorisée que portent les articles susdits. D. Investissement 279. La question dont le Groupe spécial est saisi pour ce qui concerne l’investissement est celle de savoir si le fait pour le gouvernement américain de n’avoir pas pris les mesures de réglementation nécessaires pour mettre fin au moratoire sur l’investissement de personnes du Mexique dans les sociétés fournissant des services internationaux de transport terrestre constitue une infraction aux articles 1102, 1103, 1104 de l’ALÉNA, ainsi libellés : Article 1102 : Traitement national 1. Chacune des Parties accordera aux investisseurs d’une autre Partie un traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde, dans des circonstances analogues, à ses propres investisseurs, en ce qui concerne l’établissement, l’acquisition, l’expansion, la gestion, la direction, l’exploitation et la vente ou autre aliénation d’investissements. 2. Chacune des Parties accordera aux investissements effectués par les investisseurs d’une autre Partie un traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde, dans des circonstances analogues, aux investissements effectués par ses propres investisseurs, en ce qui concerne l’établissement, l’acquisition, l’expansion, la gestion, la direction, l’exploitation et la vente ou autre aliénation d’investissements. [...] Article 1103 : Traitement de la nation la plus favorisée 1. Chacune des Parties accordera aux investisseurs d’une autre Partie un traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde, dans des circonstances analogues, aux investisseurs de toute autre Partie ou d’un pays tiers, en ce qui concerne l’établissement, l’acquisition, l’expansion, la gestion, la direction, l’exploitation et la vente ou autre aliénation d’investissements. 2. Chacune des Parties accordera aux investissements effectués par les investisseurs d’une autre Partie un traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde, dans des circonstances analogues, aux investissements 91

effectués par les investisseurs de toute autre Partie ou d’un pays tiers, en ce qui concerne l’établissement, l’acquisition, l’expansion, la gestion, la direction, l’exploitation et la vente ou autre aliénation d’investissements. Article 1104 : Norme de traitement Chacune des Parties accordera aux investisseurs d’une autre Partie et aux investissements effectués par les investisseurs d’une autre Partie le traitement le plus favorable prévu aux termes des articles 1102 et 1103. 280. Les réserves américaines aux mesures existantes formulées au regard des obligations découlant des articles 1102 (traitement national en ce qui concerne l’investissement, les services et les domaines connexes) et 1103 (traitement de la nation la plus favorisée en ce qui concerne l’investissement, les services et les domaines connexes) figurent à l’annexe I, laquelle stipule, à propos de l’investissement, que « [l]e moratoire a l’effet d’une restriction à l’investissement puisque les entreprises des États-Unis qui fournissent des services de transport par autobus ou par camion et qui sont détenues ou contrôlées par des personnes du Mexique ne peuvent obtenir un permis d’exploitation de l’ICC ». On peut lire ce qui suit sous la rubrique Élimination progressive de la réserve : Une personne du Mexique sera autorisée à établir une entreprise aux États-Unis pour fournir : a) trois ans après la signature de l’accord [soit le 18 décembre 1995], des services de transport par camion pour le transport de marchandises internationales entre des points aux États-Unis; et b) sept ans après l’entrée en vigueur de l’accord [soit le 1er janvier 2001], des services de transport par autobus entre des points aux États-Unis. Le moratoire demeurera en vigueur pour les permis d’exploitation visant les services de transport par camion fournis par des personnes du Mexique entre des points aux États-Unis pour le transport de produits autres que les chargements internationaux. 1. 281. Positions des Parties

Le Mexique soutient que, dans la mise en oeuvre de leur moratoire, les États-Unis ont établi entre les transporteurs une distinction fondée sur la nationalité des personnes qui les détiennent ou les contrôlent, refusant aux transporteurs appartenant à des personnes du Mexique le traitement national (c’est-à-dire le même traitement que les entreprises détenues par des personnes des États-Unis) et le traitement de la nation la plus favorisée 92

(étant donné que les transporteurs canadiens ne sont pas assujettis aux mêmes restrictions). Les lois et règlements américains, tels qu’ils sont appliqués, autorisent la délivrance de permis d’exploitation pour le transport de biens entre États aux fournisseurs de services de camionnage et aux entreprises transportant pour compte propre qui sont domiciliés au Mexique, mais détenus ou contrôlés par des personnes des États-Unis (ou du Canada)316 . Ce cadre réglementaire reste en vigueur presque cinq ans après la date prévue pour son élimination à l’annexe I317 . 282. Les États-Unis soutiennent que le Mexique n’a pas établi de présomption d’un manquement de leur part aux obligations relatives à l’investissement du chapitre 11. Ils font valoir que ce n’est pas le Mexique, mais eux-mêmes qui ont préconisé la suppression des restrictions aux investissements au cours des négociations qui ont mené à l’ALÉNA. Les entreprises américaines de camionnage disposaient alors, et disposent toujours, des capitaux nécessaires pour investir à l’étranger. Les entreprises mexicaines, en revanche, se sont déclarées préoccupées par la concurrence des entreprises américaines, mieux financées. Les États-Unis font valoir en outre que le Mexique n’allègue même pas qu’il intéresse le moindrement ses ressortissants d’investir dans des entreprises américaines de camionnage318 . Les États-Unis font aussi valoir que le Mexique n’a pas démontré qu’il existe un seul ressortissant mexicain qui puisse à bon droit être désigné « investisseur » au sens du chapitre 11 et qu’il n’a donc pas établi de présomption d’un manquement de la part des États-Unis aux obligations découlant pour eux du chapitre 11 sous le rapport de l’investissement. Comme le Mexique n’a pas soutenu qu’il existe un seul ressortissant mexicain ou une seule entreprise mexicaine qui cherche à effectuer, effectue ou ait effectué un investissement dans une entreprise américaine de camionnage, conformément à la définition de l’article 1139, le Mexique ne s’est pas acquitté de la charge de la preuve qui lui incombait319 . Cependant, les États-Unis ne nient pas avoir maintenu un cadre réglementaire qui autorise le Department of Transportation à refuser d’examiner les demandes de permis d’exploitation provenant de transporteurs mexicains. Les États-Unis ne contestent pas non plus l’allégation selon laquelle ils n’ont pas modifié leur réglementation du camionnage de manière à permettre aux ressortissants mexicains d’établir des entreprises

283.

284.

316

MIS, p. 81. Les subdivisions §10922(m)(2)(b)(iv) et (v) du 49 U.S.C. disposaient ce qui suit : « tout certificat d’immatriculation délivré pendant la durée d’application du moratoire à un transporteur étranger (ou à une entreprise étrangère transportant pour compte propre), domicilié dans le pays étranger ou l’unité administrative étrangère et détenu ou contrôlé par des personnes des États-Unis, ne peut autoriser son titulaire qu’à pratiquer le transport routier de biens (y compris de biens exempts) entre États ».
317

MIS, p. 3. USCS, p. 55. USCS, p. 55 et 56.

318

319

93

de camionnage pour le transport de chargements internationaux entre des points des États-Unis, modification dont l’ALÉNA prescrivait la mise en oeuvre au plus tard le 18 décembre 1995. Qui plus est, les États-Unis concèdent ce qui suit : [L]es restrictions à l’exploitation imposées d’abord par l’ICC et aujourd’hui par le DOT ont pour effet d’empêcher la délivrance de nouveaux permis d’exploitation aux transporteurs américains détenus ou contrôlés par des transporteurs mexicains. Afin d’obtenir pour leurs entreprises le droit d’investir au Mexique, les États-Unis ont accepté de concéder un droit semblable en s’engageant à modifier le moratoire de manière à autoriser les ressortissants mexicains à détenir ou contrôler des sociétés établies aux États-Unis pour transporter des chargements internationaux entre des points de leur territoire320 . Les États-Unis ne soutiennent pas non plus qu’il existe des circonstances différentes qui justifieraient un traitement différent pour les investissements de personnes du Mexique dans des entreprises domiciliées aux États-Unis. 2. 285. Analyse du Groupe spécial

Le Groupe spécial rappelle la nécessité d’appliquer les articles 33 et 34 des Règles de procédure types, ainsi libellées : « 33. Une Partie qui affirme qu’une mesure d’une autre Partie est incompatible avec les dispositions de l’Accord doit prouver cette incompatibilité. 34. Une Partie qui affirme qu’une mesure fait l’objet d’une exception en vertu de l’Accord doit prouver que l’exception s’applique »321 . Il incombe donc au Mexique de prouver que les actions (et omissions) des États-Unis sont incompatibles avec le calendrier de mise en oeuvre de l’ALÉNA. Quant au gouvernement américain, il lui incombe de prouver que ses actions et omissions relativement au chapitre 11 sont autorisées par une exception aux dispositions de l’ALÉNA. Or, le Mexique a affirmé, et les États-Unis ont admis, que les lois et règlements américains autorisent le Department of Transportation à refuser de délivrer un permis d’exploitation à une nouvelle entreprise de transport domiciliée aux États-Unis et à

286.

320

USCS, p. 7 et 8. La réglementation américaine, plus précisément le sous-alinéa 1182.2(a)(10) du 49 C.F.R., porte que, pour ce qui concerne l’achat ou la prise de contrôle d’un transporteur routier existant, le Department of Transportation exige la production, avec la demande d’autorisation de la transaction, d’« une déclaration précisant si l’une quelconque des parties acquérant des droits d’exploitation par le moyen de la transaction est soit domiciliée au Mexique, soit détenue ou contrôlée par des personnes de ce pays ». Pour ce qui concerne la cession d’un permis d’exploitation existant, la subdivision 365.405(b)(1)(ix) du 49 C.F.R. dispose que la personne qui demande l’approbation de la cession doit produire « une attestation du cessionnaire comme quoi il n’est ni domicilié au Mexique ni détenu ou contrôlé par des personnes de ce pays ».

321

MIS, p. 69 (c’est nous qui soulignons).

94

capitaux mexicains. La réglementation américaine actuelle interdit en outre l’acquisition par des intérêts mexicains d’un transporteur américain déjà titulaire d’un permis d’exploitation, étant donné l’obligation qu’elle stipule pour le demandeur de permis de certifier qu’il n’est pas un ressortissant mexicain, ni détenu ou contrôlé par des ressortissants mexicains. Dans ces conditions, il serait vain pour un transporteur mexicain de présenter une demande. 287. Les États-Unis n’ont pas déployé d’efforts notables pour défendre sur le fond leur position en matière d’investissement. À l’audience, le représentant des États-Unis a formulé la position américaine dans les termes suivants : En ce qui a trait à la sécurité, nos moyens de base concernent les services. Nous avons une déclaration et une position distinctes touchant les investissements. À propos de l’investissement, nous avons dit que c’est le Mexique qui a engagé la présente procédure et que c’est [donc] à lui de prouver ce qu’il avance. Nous n’invoquons par la sécurité à propos de l’investissement. La situation, je pense, est tout à fait claire et simple. Les restrictions à l’investissement découlent du moratoire, elles font partie du moratoire qui est encore en vigueur. Quand les problèmes de sécurité seront résolus, nous modifierons le moratoire en fonction des questions d’investissement. À notre avis, la question des investissements n’a qu’une importance secondaire [...] Les entreprises mexicaines n’ont pas en général de capitaux aux États-Unis. Elles n’ont pas exercé de pressions sur les États-Unis à ce propos. Les services forment le noeud de l’affaire, et lorsque la question des services sera réglée, la question de l’investissement le sera aussi. Ce que nous voulons dire, c’est que notre mémoire porte simplement que le Mexique doit prouver l’existence de l’infraction qu’il allègue322 . Essentiellement, les États-Unis ont en fait admis que les préoccupations de sécurité, qu’ils invoquent comme motif de leur refus de remplir leurs obligations relatives aux services transfrontières, ne s’appliquent pas à l’investissement. 288. Lorsqu’un membre du Groupe spécial lui a demandé : « Alors, si je vous comprends bien, vous voulez dire que, jusqu’à ce qu’une entreprise mexicaine demande l’autorisation, par exemple, d’acheter un transporteur américain et se voie refuser cette

322

TR, p. 193 et 194 (c’est nous qui soulignons).

95

autorisation, [...] le Mexique n’a rien à contester, même si vous avez une disposition réglementaire prévoyant qu’une telle demande serait rejetée? », le représentant des États-Unis a répondu : « C’est presque cela, encore que ce soit un peu plus subtil »323 . 289. Selon un principe de doctrine admis depuis longtemps dans le cadre du GATT et de l’OMC, lorsqu’une mesure est incompatible avec les obligations d’une Partie, il n’est pas nécessaire de démontrer que cette mesure a eu un effet sur le commerce. Par exemple, l’article III du GATT (qui prescrit le traitement national des marchandises) est interprété comme un moyen de protéger les anticipations concernant les possibilités concurrentielles des produits importés et des produits d’origine nationale les uns par rapport aux autres et est applicable même dans le cas où il n’y a pas eu d’importations 324 . En outre, il est généralement admis que les Parties peuvent contester des mesures prescrivant une ligne de conduite incompatible avec le GATT, qu’elles aient ou non été mises en vigueur325 . En outre, l’article 2004 de l’ALÉNA permet de recourir aux procédures de règlement des différends « lorsqu’on voudra prévenir ou régler un différend touchant l’interprétation ou l’application [du traité], ou chaque fois qu’une Partie estimera qu’une mesure adoptée ou envisagée par une autre Partie est ou serait incompatible avec les obligations découlant [du traité] ». Le Groupe spécial n’est pas saisi d’une affaire relevant de l’annexe 2004 de

290.

323

TR, p. 194.

324

On peut lire par exemple ce qui suit dans le rapport du Groupe de travail des taxes intérieures brésiliennes du GATT : « [La majorité des membres du Groupe de travail] ont estimé que les dispositions de la première phrase du paragraphe 2 de l’article III étaient applicables, que les importations provenant d’autres parties contractantes soient importantes, faibles ou inexistantes » (ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE , INDEX ANALYTIQUE : GUIDE DES RÈGLES ET PRATIQUES DU GATT, 6e édition, 1995, p. 147. Voir aussi Japon – Taxes sur les boissons alcooliques, AB-1996-2, Rapport de l’Organe d’appel, 4 octobre 1996, section F : « [L]’objet de l’article III [qui prescrit le traitement national des marchandises] est de veiller à ce que les mesures intérieures “ne soient pas appliquées aux produits importés ou nationaux de manière à protéger la production nationale”. Pour ce faire, il oblige les Membres [...] à garantir l’égalité des conditions de concurrence entre les produits importés et les produits nationaux [...] [L]’argument selon lequel “les effets sur le commerce” de l’écart entre la taxe perçue sur les produits importés et celle qui frappe les produits nationaux sont, d’après le volume des importations, négligeables ou même inexistants, est dénué de pertinence; l’article III ne vise pas à protéger les anticipations concernant un volume d’échange donné, mais plutôt les anticipations relatives à l’égalité du rapport compétitif entre les produits importés et les produits nationaux. »
325

Voir par exemple États-Unis – Taxes sur le pétrole et certains produits d’importation, où le groupe spécial a fait observer ce qui suit : « L’élimination générale des restrictions quantitatives prévue par l’article XI [...] et les prescriptions de l’article III en matière de traitement national [...] ont essentiellement la même raison d’être : protéger le rapport compétitif que les parties contractantes s’attendent à voir maintenir entre leurs produits et ceux des autres parties contractantes. Ces deux articles ne visent pas seulement à protéger les échanges courants, mais aussi à créer les conditions de prévisibilité nécessaires pour planifier les échanges futurs. Cet objectif ne pourrait être atteint s’il n’était pas permis aux parties contractantes de contester les dispositions légales existantes prescrivant des mesures qui enfreignent l’Accord général avant que les actes administratifs mettant en oeuvre ces dispositions n’aient été effectivement appliqués à leur commerce » (Rapport adopté le 17 juin 1987, 34S/136, p. 188, par. 5.5.5; passage reproduit dans l’Index analytique à la p. 152).

96

l’ALÉNA, qui autorise une Partie à recourir aux procédures de règlement des différends lorsqu’elle estime qu’un avantage dont elle pouvait raisonnablement s’attendre à bénéficier est annulé ou compromis par suite de l’application d’une mesure qui n’est pas incompatible avec l’ALÉNA326 . 291. Le Groupe spécial constate que le Mexique a rempli le critère de l’article 33 des Règles de procédure types en établissant une présomption d’incompatibilité avec l’ALÉNA. Le fait de refuser aux entreprises américaines détenues ou contrôlées par des ressortissants mexicains le droit de se voir délivrer un permis d’exploitation aux États-Unis et l’interdiction faite aux investisseurs mexicains d’acquérir des entreprises américaines déjà titulaires d’un permis d’exploitation enfreignent à première vue les dispositions dénuées d’ambiguïté des articles 1102 et 1103 de l’ALÉNA. Étant donné que les États-Unis interdisent expressément les activités d’investissement susdites, le Groupe spécial juge cette interdiction incompatible avec l’ALÉNA, même si le Mexique ne peut nommer un ou plusieurs de ses ressortissants à qui l’on aurait refusé l’autorisation d’investir. Le refus général d’autoriser des personnes du Mexique à établir une entreprise de camionnage aux États-Unis pour le transport de chargements internationaux entre des points des États-Unis constitue à première vue un traitement moins favorable que celui qui est accordé aux fournisseurs américains de services de camionnage dans des circonstances analogues et enfreint l’article 1102. Lorsqu’il y a violation caractérisée de l’ALÉNA, comme c’est le cas dans la présente espèce, le Groupe spécial n’est pas tenu de constater une annulation ou une réduction d’avantages; il lui suffit en l’occurrence de constater que les mesures américaines sont incompatibles avec l’ALÉNA. L’applicabilité du chapitre 9 de l’ALÉNA à la présente affaire a été examinée plus haut, dans la section relative aux services. Qu’il nous suffise de rappeler ici que le chapitre 9 ne s’applique pas aux mesures affectant l’investissement327 et qu’aucune de ses dispositions ne pourrait être interprétée comme incorporant l’obligation du traitement national relativement à l’investissement ou comme primant sur cette obligation. De même, les exceptions générales énumérées au paragraphe 2101(2) ne s’appliquent qu’au commerce des produits (partie II), aux obstacles techniques au commerce (partie III), au commerce transfrontières des services (chapitre 12) et aux télécommunications (chapitre 13), et ne peuvent donc influer sur les obligations découlant pour les États-Unis du chapitre 11.

292.

293.

326

Annexe 2004 (c’est nous qui soulignons). L’annexe 2004 a été conçue comme équivalent de la pratique du GATT consistant à admettre les « actions fondées sur l’annulation ou la réduction [d’avantages] en situation de non-violation ».
327

L’article 901 de l’ALÉNA limite la portée du chapitre 9 aux mesures susceptibles d’affecter le commerce des produits et de certains services. L’article 915 du même accord limite le champ des services aux transports terrestres et aux télécommunications.

97

294.

En conséquence, le Groupe spécial conclut que, pour ce qui concerne l’investissement par des ressortissants mexicains dans des entreprises américaines de camionnage établies pour le transport de chargements internationaux entre des points du territoire américain, il n’existe pas de circonstances qui justifieraient que les investisseurs et les investissements mexicains fassent l’objet d’un traitement différent de celui de leurs homologues américains (ou canadiens) au titre des dispositions relatives au traitement national et au traitement de la nation la plus favorisée du chapitre 11 de l’ALÉNA.

98

VII. CONSTATATIONS, DÉTERMINATIONS ET RECOMMANDATIONS A. Constatations et déterminations 295. Se fondant sur l’analyse qui précède, le Groupe spécial conclut à l’unanimité que le refus général des États-Unis d’examiner les demandes de permis d’exploitation pour la prestation de services de camionnage transfrontières présentées par les transporteurs appartenant à des personnes du Mexique était et reste un manquement aux obligations découlant pour les États-Unis de l’annexe I (réserves aux mesures existantes et engagements de libéralisation), de l’article 1202 (traitement national en matière de services transfrontières) et de l’article 1203 (traitement de la nation la plus favorisée en matière de services transfrontières) de l’ALÉNA. Ni l’expression « dans des circonstances analogues » des articles 1202 et 1203 ni les exceptions prévues au chapitre 9 ou à l’article 2101 n’autorisent une dérogation à ces obligations. Le Groupe spécial conclut à l’unanimité que les lacunes de la réglementation mexicaine constituent une base juridique insuffisante pour permettre aux États-Unis de maintenir un moratoire sur l’examen des demandes de permis d’exploitation sur le territoire américain présentées par les fournisseurs de services de camionnage appartenant à des personnes du Mexique et/ou domiciliés au Mexique. Le Groupe spécial conclut aussi à l’unanimité que les États-Unis étaient et restent en rupture de leur engagement, au titre de l’annexe I (réserves aux mesures existantes et engagements de libéralisation), de l’article 1102 (traitement national) et de l’article 1103 (traitement de la nation la plus favorisée), d’autoriser les ressortissants mexicains à investir dans des entreprises de camionnage domiciliées aux États-Unis qui pratiquent le transport de chargements internationaux entre des points du territoire américain. Il est important de noter les points sur lesquels le Groupe spécial ne se prononce pas. Il ne conclut pas qu’il ne soit pas permis aux Parties à l’ALÉNA d’établir le niveau de protection qu’elles estiment approprié pour la réalisation d’objectifs légitimes de réglementation. Il ne conteste pas que la sécurité du camionnage soit un objectif légitime de réglementation. Il ne fixe pas non plus de limite à l’application de normes de sécurité dûment établies et mises en oeuvre dans le cadre des obligations applicables découlant de l’ALÉNA pour les Parties. En outre, comme la question dont il est saisi concerne le refus d’examen dit « général », le Groupe spécial n’approuve ni ne désapprouve les décisions antérieures rendues par les organismes compétents de réglementation touchant la conformité aux normes de sécurité d’entreprises de camionnage, de conducteurs ou de véhicules pris isolément, concernant lesquels il ne lui a été présenté ni déclarations ni éléments de preuve. B. Recommandations 299. Le Groupe spécial recommande que les États-Unis prennent les mesures nécessaires pour mettre leurs pratiques relatives aux services transfrontières de camionnage et à 99

296.

297.

298.

l’investissement international en conformité avec les obligations découlant pour eux des dispositions applicables de l’ALÉNA. 300. Le Groupe spécial note que le respect des obligations découlant pour eux de l’ALÉNA n’exige pas nécessairement des États-Unis qu’ils fassent droit à la totalité ou à un nombre déterminé de demandes présentées par des entreprises de camionnage appartenant à des personnes du Mexique, dans un contexte où il apparaîtrait à l’évidence que tel ou tels demandeurs risquent de ne pouvoir se conformer à la réglementation américaine du camionnage s’ils exerçaient leur activité sur le territoire américain. Ce respect ne suppose pas non plus qu’il leur faille permettre à toutes les entreprises domiciliées au Mexique qui fournissent actuellement des services de camionnage aux États-Unis de continuer à le faire même dans le cas où elles ne se conformeraient pas à la réglementation américaine relative à la sécurité. Les États-Unis ne peuvent être tenus d’accorder aux demandes des entreprises mexicaines de camionnage exactement le même traitement que celui qu’ils accordent aux demandes des entreprises américaines ou canadiennes, pour autant qu’ils les examinent une à une. Les autorités américaines sont chargées d’assurer la sécurité routière sur le territoire américain, que les camions appartiennent à des personnes des États-Unis, du Canada ou du Mexique. De même, une Partie à l’ALÉNA n’a pas forcément tort de conclure que, pour assurer l’observation de ses propres règles par les fournisseurs de services d’une autre Partie, elle peut être obligée d’appliquer des procédures différentes à ces fournisseurs. Par conséquent, dans la mesure où les prescriptions en matière d’inspection et de permis auxquels sont assujettis les entreprises de camionnage et conducteurs mexicains souhaitant fournir des services aux États-Unis ne sont pas « analogues » à celles qui sont en vigueur aux États-Unis, on peut être fondé à leur appliquer des méthodes différentes de contrôle de la conformité avec la réglementation américaine. Cependant, si les États-Unis, afin de satisfaire à leurs propres exigences légitimes de sécurité, décident par exception d’assujettir les transporteurs mexicains à des prescriptions différentes de celles auxquelles doivent se conformer leurs homologues américains ou canadiens, a) toute décision de cette nature doit être prise de bonne foi pour satisfaire à une exigence légitime de sécurité et b) les prescriptions différentes mises en oeuvre doivent être pleinement conformes à toutes les dispositions applicables de l’ALÉNA. Les considérations qui précèdent ne s’appliquent pas au refus américain de permettre aux ressortissants mexicains d’investir dans des entreprises de camionnage domiciliées aux États-Unis qui transportent des chargements internationaux entre des points du territoire américain, puisque le Mexique et les États-Unis s’accordent à reconnaître qu’un tel investissement ne soulève pas de questions de sécurité.

301.

302.

100

Ont signé l’original :

_______________________________ J. Martin Hunter (président)

_________________________________ Luis Miguel Diaz

________________________________ David A. Gantz

_________________________________ C. Michael Hathaway

_________________________________ Alejandro Ogarrio

En date du : __________________

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